organisation territoriale de l'État
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 5 décembre 2018
ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, depuis votre arrivée au pouvoir, vous ne cessez d'affirmer, à l'unisson de M. le Président de la République et de votre majorité, que vous n'êtes pas responsable de quarante ans d'errements et d'indécisions.
Ce que vous dites est vrai. Cependant, le Président de la République et vous-même êtes les seuls responsables de la crise actuelle, car votre politique a aggravé les fractures dont souffre la France.
Oui, cette crise a éclaté parce que votre politique économique et sociale est déséquilibrée et laisse de côté les plus fragiles.
M. Olivier Faure. C'est vrai !
M. Philippe Vigier. Oui, cette crise fait rage parce que vous avez confié les décisions à la technostructure parisienne et affaibli les territoires, au moment où les Français demandaient plus de protection et plus de proximité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, UDI-Agir et SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR.)
Oui, cette crise est brutale, car elle est une réponse à l'arrogance et au mépris affichés par un pouvoir qui a humilié ceux qui souffrent. (M. François Ruffin applaudit.)
Pour répondre à la désespérance et à la colère des gilets jaunes, vous venez d'annoncer plusieurs mesures. Notre groupe les soutient, notamment le moratoire sur les taxes applicables aux carburants et à l'énergie ainsi que sur la réforme du contrôle technique. Toutefois, vous savez qu'il fallait aller plus vite et qu'il faut maintenant aller plus loin !
Mme Valérie Beauvais. Très bien !
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, vous devez prendre des mesures concrètes et immédiates, car la recentralisation a échoué.
Écoutez enfin les élus, qui sont en prise directe avec les difficultés quotidiennes de nos concitoyens ! Cela suppose l'arrêt immédiat des fermetures de services publics dans les territoires ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)
Il faut également un geste fort – je vous l'ai dit hier soir dans votre bureau – pour rendre du pouvoir d'achat à ceux qui n'y arrivent plus, notamment les retraités modestes – dont il faut indexer les retraites sur l'inflation – et ceux dont le salaire est bas – pour lesquels on peut baisser encore les charges sociales afin de leur donner jusqu'à 10 % de pouvoir d'achat supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-Agir.– M. Jimmy Pahun applaudit également.)
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt, au nom de l'unité du pays, à prendre ces décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Jimmy Pahun applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Hier, monsieur le député, vous – comme les autres présidents de groupe parlementaire ainsi que les présidents des formations politiques représentées au Parlement – et moi avons eu le plaisir…
M. Michel Herbillon. Le grand plaisir !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …de nous retrouver à Matignon pour évoquer les mesures d'apaisement que j'ai détaillées ce matin ainsi que les grandes lignes du débat à venir visant à formuler, en matière de transition écologique, de mobilité et de fiscalité, les mesures concrètes qui permettront d'accompagner les Français et de répondre aux interrogations formulées par les gilets jaunes.
Vous avez l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que la colère qui s'exprime – dont j'assume parfaitement ma part de responsabilité, car je ne fais pas partie de ceux qui essaient d'éviter quoi que ce soit en la matière –…
Un député du groupe LR . Alors votons !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …résulte d'une accumulation déjà ancienne de mesures dont les Français subissent les conséquences.
M. Jean-Carles Grelier. Et alors ?
M. Pierre Cordier. C'est faux ! Ce sont vos mesures qui sont en cause !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Vous évoquez la fermeture des services publics. Pour ma part, j'ai en mémoire certaines réformes, telles que la réorganisation de la carte judiciaire, qui avaient sans doute fait l'objet d'une concertation approfondie, mais qui, je m'en souviens aussi, avaient peut-être été menées... (M. Erwan Balanant applaudit.) Vous voyez très bien ce que je veux dire car, même si remonte à plusieurs années, je pense que vous vous en souvenez parfaitement.
M. Pierre Cordier. Vous aussi ! Vous y étiez !
M. Éric Straumann. Vous ne manquez pas d'air, monsieur le Premier ministre !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je tiens à citer cet exemple, car il s'inscrit parfaitement dans le cadre de la question de M. Vigier, mais je vois qu'il gêne, à ma droite !
M. Vincent Descoeur. Vous méprisez l'opposition parlementaire !
M. Pierre Cordier. Vous étiez à l'UMP à l'époque !
M. Éric Straumann. Vous en étiez même le secrétaire général !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Cela me désole, et c'est exactement ce que déplorait à l'instant M. Darmanin :…
M. Fabien Di Filippo. Assumez !
Mme Émilie Bonnivard. Quel mépris !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …on ne sortira jamais la France de l'ornière si l'on n'accepte pas de dire les choses de façon nuancée et précise.
Lorsque je dis que cette colère vient de loin et que la responsabilité est ancienne, je ne dis pas que celle-ci repose uniquement sur les autres. Je dis simplement que nous ne nous en sortirons pas si nous pensons que siéger dans l'opposition revient à se couper de toute responsabilité et, qu'au contraire, faire partie du Gouvernement revient à en être assommé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La réalité est plus complexe et plus nuancée – soit dit en sachant que la nuance et la précision ne sont malheureusement pas, de nos jours, les valeurs les plus en vogue dans le débat public.
M. Fabien Di Filippo. Parlez pour vous !
M. Éric Ciotti. Moins d'arrogance !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . En tout état de cause, monsieur le député, le Président de la République a fixé un objectif. Vous évoquiez l'organisation des services publics sur le territoire national.
M. Jean-Luc Reitzer. Notamment la fermeture des maternités !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Elle fera l'objet de mesures et d'annonces dans le cadre du projet de loi relatif à la transformation de la fonction publique, lequel sera examiné au cours du premier semestre 2019.
L'objectif – d'ailleurs rappelé tout à l'heure par Gérald Darmanin – consiste à mettre un terme à une évolution ancienne – pardon de le dire, mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains – qui a consisté à concentrer au niveau régional les fonctions de l'État. (M. Maurice Leroy applaudit.)
Qui peut nier ce phénomène que nous constatons depuis dix ans ? Personne. Le constat, pour une fois, semble même partagé.
M. Sébastien Jumel. Il a lieu depuis plus longtemps que dix ans !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Depuis bien plus longtemps, en effet ! S'agissant de la réorganisation des services publics de l'État, nous tâcherons – exactement comme Gérald Darmanin dans le ministère dont il a la charge –,…
M. Éric Ciotti. L'association des traîtres !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …de procéder, grâce à la transformation numérique, à une nouvelle organisation des agents publics au niveau infrarégional et même infradépartemental. Tel est notre objectif. Ce n'est pas facile, car nous agissons sous une contrainte de dépense publique que j'assume et dont j'aimerais que chacun comprenne bien l'importance,…
M. Éric Straumann. Rendez-nous l'Alsace !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . … mais nous allons dans cette direction.
M. Régis Juanico. Non !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Il s'agit à nos yeux d'une demande légitime des territoires ruraux, des sous-préfectures et d'une partie de la France, qui voit depuis longtemps les fonctions de l'État se concentrer à Paris ou au niveau régional. Tel est le sens des mesures que nous annoncerons bientôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2018