référendum pour le rétablissement de l'ISF
Question de :
Mme Laurence Dumont
Calvados (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 20 décembre 2018
RÉFÉRENDUM POUR LE RÉTABLISSEMENT DE L'ISF
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence Dumont. Monsieur le Premier ministre, les Français acceptent l'impôt quand il est juste, quand chacun contribue à hauteur de ses moyens. Pourtant, vous n'avez pas hésité, pour supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune, à baisser les aides personnalisées au logement – APL – et à augmenter la CSG des retraités.
Cette suppression de l'ISF est vécue comme une injustice. C'en est une. Aucune justification de votre part ne peut apaiser ce sentiment d'injustice. Et pour cause : les chiffres sont là. La réalité, c'est que chacun des 100 contribuables les plus fortunés économise grâce à vous, grâce à vos cadeaux fiscaux, 1,5 million d'euros par an, soit 125 000 euros par mois, alors qu'une retraitée qui gagne 900 euros par mois verra sa pension revalorisée, au 1er janvier, de 2,70 euros. Quelle indécence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Monsieur le Premier ministre, les Français veulent, à une très large majorité – plus de 70 % – le rétablissement de l'ISF.
M. Éric Straumann. Et le retour de François Hollande ?
Mme Laurence Dumont. Ils expriment ainsi une double exigence, sociale et démocratique. Votre responsabilité est immense, mais vous persistez à vous opposer. C'est pourquoi nous lançons ce référendum pour rétablir l'ISF. Il va dans le sens d'une plus grande participation des Français à la vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Sachez, si vous en doutiez, que nous sommes très déterminés et que nous irons jusqu'au bout pour l'obtenir. Il faut 185 parlementaires. Nous y travaillons. C'est bien parti. Il faut en plus la signature de près de 5 millions de nos concitoyens. Dans le contexte d'exigence sociale et démocratique que nous connaissons, je pense qu'ils ne seront pas difficiles à convaincre.
Avec ce référendum d'initiative partagée, nous voulons ouvrir une nouvelle page. Démocratie représentative et démocratie participative vont se conjuguer pour réparer une injustice. Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous vous obstiner à défendre l'indéfendable, l'injustice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, vous m'interrogez sur l'ISF, comme l'a fait hier la présidente de votre groupe, et, surtout, vous appelez l'attention sur l'initiative politique que vous prenez d'essayer d'appliquer les dispositions de l'article 11 de la Constitution.
Le référendum d'initiative partagée a été introduit dans le droit français à la suite de la révision constitutionnelle de 2008.
M. Éric Straumann. Grâce à Sarkozy !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Celle-ci a été complétée par divers textes, lois organiques et décrets, dans les années 2013 et 2014.
Il appartiendra aux 185 parlementaires que vous espérez réunir sur ce sujet de signer votre proposition. Il reviendra ensuite au Conseil constitutionnel de vérifier que la loi que vous vous proposez de faire adopter est conforme au champ d'application du référendum défini à l'article 11.
Un mot, néanmoins, non sur notre différend à propos de l'ISF,…
M. Olivier Faure. Dommage ! C'était le sujet de la question !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …mais sur le référendum d'initiative partagée, afin de partager un questionnement avec l'ensemble de l'Assemblée.
Ce que souhaite faire votre groupe parlementaire, c'est revenir sur une loi votée par la représentation nationale et conforme à un engagement pris par notre majorité devant le peuple, car, encore une fois, la réforme de cet impôt, comme beaucoup de mesures que nous avons prises, a été présentée avant l'élection et validée lors de celle-ci…
M. Stéphane Peu. Par 24 % des électeurs !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …du moins si l'on croit – et vous y croyez comme moi, j'en suis certain – aux principes même de l'engagement politique, lors de la construction d'un programme, et de la démocratie représentative.
Vous proposez donc de faire en sorte que des lois votées par l'Assemblée nationale puissent être remises en cause grâce au référendum d'initiative partagée.
M. Jérôme Lambert. C'est bien l'objet de ce référendum !
Mme Marine Le Pen. À quoi servirait-il, sinon ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai bien compris que c'est ce que vous proposiez. Je pense que nous aurons l'occasion d'avoir un débat. Si le référendum d'initiative partagée ou d'initiative citoyenne est un moyen de revenir systématiquement sur des dispositions votées par la représentation nationale, il me semble que cela pose des questions très intéressantes sur notre démocratie et sur la façon dont nous envisageons la démocratie représentative. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Éric Straumann. Vous avez peur du référendum !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je me contente de vous livrer cette réflexion : si l'on utilise cet instrument pour revenir sur des lois qui ont été votées par le Parlement, on peut aller très loin.
Mme Marine Le Pen. Sinon, le référendum servirait à quoi ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les Français en débattront, puisque nous avons souhaité que, dans le grand débat national qui s'installe, on puisse évoquer un certain nombre de sujets liés à la citoyenneté, à la représentation des Français et à leur participation au débat démocratique.
Votre proposition montre que vous jugez possible, quel que soit le champ d'application du référendum, de revenir sur une proposition qui a été présentée au peuple lors d'une élection et votée par la représentation nationale. C'est un point de vue intéressant. Je suis certain qu'il suscitera beaucoup de discussions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Laurence Dumont
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôt de solidarité sur la fortune
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 décembre 2018