aide sociale à l'enfance
Question de :
Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 2019
AIDE SOCIALE À L'ENFANCE
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Monsieur le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé de la protection de l'enfance, en France, 341 000 mineurs considérés en danger bénéficient d'une mesure de protection de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. La vie de ces enfants a commencé dans la douleur, à cause de parents violents, malades ou absents, incapables de s'occuper d'eux. Les services sociaux sont intervenus pour les extraire de leur famille, et les placer en lieu sûr, mais, pour certains d'entre eux, le calvaire va continuer.
Le 16 janvier dernier, sur France 3, l'émission « Pièces à conviction » révélait au grand public l'ampleur de cette réalité. L'enquête de Sylvain Louvet montre des centres d'urgence où la violence est devenue endémique, des personnels dépassés, parfois maltraitants, et des enfants en pleine détresse dans des situations d'une extrême gravité. Certains, très jeunes, sont même sexuellement abusés par d'autres enfants. D'autres, âgés de quinze ans, sont placés dans des chambres d'hôtel et livrés à eux-mêmes. On estime qu'aujourd'hui environ un quart des SDF sont passés par l'ASE.
En France, les départements ont la compétence dans ce domaine, et 8 milliards d'euros sont distribués chaque année. Le Gouvernement renvoie la balle aux départements, mais si leur intervention est déterminante, ils ne peuvent gérer à eux seuls l'ensemble des problèmes posés. Dans certains territoires, les moyens sont absents pour mettre sur pied des unités de pédopsychiatrie. Les services de PMI, disparaissent des maternités. Dans les structures d'accueil, il n'est pas obligatoire d'embaucher du personnel diplômé et, devant la pénurie, on préfère fermer les yeux.
Du côté des familles d'accueil, la situation est également compliquée. La France en compte 40 000. Ce n'est pas assez, et, pour cette raison, il est très facile d'obtenir l'agrément ASE et de le conserver. Il ne s'agit pas, bien sûr, de faire le procès de tous ceux qui s'investissent chaque jour, au contraire, il faut revaloriser leur travail. Mais il faut aussi dénoncer avec force un système à bout de souffle qui fait peser des responsabilités hors normes sur les épaules de ceux qui sont au cœur des dispositifs.
Vous avez annoncé le lancement d'une concertation, mais on ne part pas de zéro. De nombreux diagnostics ont été faits. Ce qui devrait changer a été en grande partie identifié. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a ouvert la voie, mais elle n'est pas toujours appliquée.
Vous êtes enfin nommé. Sur de tels enjeux, il n'est jamais trop tard, et je sais qu'à titre personnel, votre investissement sera total. Alors, monsieur le secrétaire d'État, quelles sont les premières décisions concrètes que vous comptez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie pour votre question qui porte sur un sujet qui, vous l'avez compris, sera au cœur de mes préoccupations en tant que secrétaire d'État chargée de la protection de l'enfance. Il s'agit d'une question sensible, vous l'avez rappelé.
Nous avons indiqué hier avec Mme Agnès Buzyn que l'une de nos priorités consistera à prévenir les difficultés des familles, en particulier les plus vulnérables. Ce sera le cas avec la construction d'un parcours de la femme enceinte et le suivi précoce des enfants.
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas la question !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Un peu de patience ! Parfois, la prévention ne suffit pas, et des mesures de placement doivent être prises pour que les enfants soient réellement protégés, afin d'éviter que leur situation se dégrade et qu'ils soient confrontés au pire. Parmi les 325 000 mesures d'aide sociale à l'enfance aujourd'hui mises en œuvre par les départements, la moitié, vous l'avez dit, consistent en un accueil en dehors du milieu de vie d'origine. Ce nombre a continûment augmenté, soit une augmentation de ces mesures de plus 17 % depuis 2002.
Aujourd'hui, un jeune sur deux confiés à l'aide sociale à l'enfance est en famille d'accueil. Ce mode de placement, toujours prépondérant, diminue depuis 2019. Il nous appartiendra de travailler avec les départements pour faire en sorte d'enrayer cette diminution en informant et en formant mieux les personnes concernées, mais aussi en les accompagnant davantage.
Trois sujets seront également au centre de mes préoccupations dans les mois qui viennent. En la matière, votre récit des différents problèmes qui se posent à nous me paraît assez complet et juste.
Il faut tout d'abord travailler sur le délai d'exécution des mesures de justice, car ces délais sont extrêmement hétérogènes d'un territoire à un autre, et je dois reconnaître que nous n'y voyons pas clair sur ce qui permet d'expliquer ces différences. (Mme Stéphanie Kerbarh applaudit.) Or un enfant en danger qui a besoin de protection ne peut être laissé sans solution. Il faut savoir quelle est la réalité de la solution avant d'adopter des mesures.
Il faut ensuite traiter de la qualité des prises en charge, et du développement des solutions qui permettent de mieux répondre aux besoins fondamentaux des enfants, ce qui rejoint la question des parcours des enfants placés. Ils ont besoin de stabilité affective pour se construire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Enfin, il faut aborder la question de la prise en charge des jeunes majeurs à la sortie de l'aide sociale à l'enfance. Dans le prolongement des travaux de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et de la stratégie pauvreté, je travaillerai à consolider le parcours de sortie en mobilisant l'ensemble des ressources en matière de formation, de logement, d'accès à l'enseignement supérieur, et d'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Auteur : Mme Frédérique Dumas
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Ministère répondant : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2019