liberté de manifester à usage de certaines armes
Question de :
Mme Marietta Karamanli
Sarthe (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 6 février 2019
LIBERTÉ DE MANIFESTER ET USAGE DE CERTAINES ARMES
M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et porte sur le texte sur lequel nous serons amenés à nous prononcer tout à l'heure, mais je veux auparavant témoigner, au nom du groupe Socialistes et apparentés, toute notre reconnaissance aux sapeurs-pompiers qui se battent aujourd'hui encore contre l'incendie survenu à Paris. Nos pensées vont aux nombreuses victimes. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Nous condamnons tous ici, sur tous les bancs, les violences causées par les casseurs, et nous apportons notre soutien aux forces de maintien de l'ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Néanmoins, nous souhaitons aussi soulever la question des conditions d'utilisation de certaines armes telles que le fameux lanceur de balles de défense. Quelque 30 % de nos concitoyens se prononcent pour son interdiction, et 40 % sont favorables à son maintien à condition de renforcer le cadre législatif. Un rapport officiel a admis qu'il présentait « un degré de dangerosité disproportionné au regard des objectifs du maintien de l'ordre ».
Des textes précisent les conditions d'emploi de cette arme, mais nous nous interrogeons sur l'opportunité de son usage. Nous pouvons être favorables à l'ordre, mais les dangers pour des participants non violents ne peuvent être ignorés. Pourquoi maintenir l'utilisation d'un type d'armes auquel ont renoncé d'autres pays pourtant confrontés à d'importantes violences urbaines, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne ?
Il faut rappeler en outre, monsieur le ministre, que manifester est une liberté fondamentale et constitutionnelle. La possibilité de prononcer, à l'encontre d'individus susceptibles de représenter « une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public », des interdictions administratives de manifester personnelles, assorties le cas échéant d'une obligation de pointer dans un commissariat ou une gendarmerie, met en cause cette liberté fondamentale et risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Qui plus est, une telle disposition fait basculer cette loi dans le champ des textes qui sont non pas des textes de justice, mais des textes de police, pour reprendre l'expression employée par François Mitterrand lorsqu'il s'était fermement opposé à la loi anticasseurs en 1970. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Je vous remercie à double titre, madame la députée. D'abord, pour les mots que vous avez eus pour les sapeurs-pompiers de Paris qui sont intervenus cette nuit. J'ai aussi une pensée pour les dix personnes retrouvées mortes sur le site, le bilan venant d'être porté à dix victimes. Vous avez pu le constater, les pompiers ont engagé totalement leur propre vie pour sauver cinquante personnes. Vos applaudissements du début de la séance vont à eux. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Je veux aussi vous remercier, madame la députée, pour la qualité de nos échanges pendant l'examen du texte que vous avez évoqué. Nous sommes conscients de nos différences, mais aussi de nos convergences, notamment de l'exigence partagée, sur tous les bancs, que nos forces de sécurité soient systématiquement protégées.
Hier matin, à Montpellier, j'ai rencontré des forces de sécurité et des pompiers, qui m'ont dit combien ils ont été menacés pendant certaines manifestations, photos à l'appui : ils ont été caillassés ou ont subi des jets d'acide ; un pompier a même reçu sur son pied un petit ballon rempli d'acide, qui a détruit sa chaussure. Telle est aussi la réalité de ce que vivent nos forces de sécurité pendant les manifestations.
Il est essentiel que nous puissions garantir la liberté de manifester, droit fondamental lié à la liberté d'expression. Néanmoins, madame la députée, ne voyez pas dans le texte sur lequel vous aurez à vous prononcer tout à l'heure une loi de circonstance. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et FI.)
Mme Mathilde Panot. Ben voyons !
M. Christophe Castaner, ministre. C'est une loi de bon sens. Ce n'est en aucun cas une loi de circonstance : le travail des sénateurs sur ce texte avait débuté largement avant le mouvement des gilets jaunes. Vous feriez un mauvais procès à vos collègues sénateurs en affirmant le contraire.
Ce n'est pas non plus une loi de la peur, si ce n'est de la peur que nous voulons susciter dans le camp des casseurs. Que se passe-t-il aujourd'hui ? Quelques dizaines ou centaines de personnes, toujours les mêmes, menacent partout le bon déroulement des manifestations. Au bout de compte, jamais il n'assument, jamais ils ne paient de quelque manière que ce soit les désordres et les dégâts causés dans les communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Il est essentiel que nous puissions garantir le droit de manifester en faisant en sorte que ceux qui viennent dans une manifestation pour casser, détruire ou frapper soient empêchés d'empêcher la manifestation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Marietta Karamanli
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 février 2019