Question au Gouvernement n° 1621 :
taxation des GAFA

15e Législature

Question de : M. Michel Castellani
Haute-Corse (1re circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 6 février 2019


TAXATION DES GAFA

M. le président. La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Je voudrais, à mon tour, avoir une pensée pour les victimes de l'incendie criminel de Paris et exprimer notre gratitude envers les forces de l'ordre et les sauveteurs.

Ma question s'adresse au ministre de l'économie et des finances ; j'y associe mes collègues du groupe Libertés et Territoires.

Monsieur le ministre, l'égalité devant l'impôt constitue un fondement essentiel de la démocratie. En contradiction avec ce principe, les bénéfices des multinationales du numérique sont largement moins imposés que ceux des entreprises traditionnelles. En l'absence d'harmonisation fiscale européenne et contrevenant au principe de l'établissement stable, les entreprises dites GAFA et d'autres multinationales de l'économie digitale localisent leurs filiales dans les pays qui proposent les taux d'imposition les plus faibles. De ce fait, leur niveau d'imposition en France apparaît ridiculement faible par rapport à leurs chiffres d'affaires réels.

Pour faire face à cette situation, plusieurs initiatives ont été prises. Une liste européenne des paradis fiscaux a été élaborée ; quoique manifestement partielle, cette liste n'en demeure pas moins une première pour l'Union européenne. Le Parlement européen a approuvé un texte portant sur la création d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, et un second concernant la consolidation de cette taxe. Le gouvernement britannique a adopté une contribution à hauteur de 2 %. De leur côté, 120 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – l'OCDE – viennent de signer un accord pour mettre à plat les règles fiscales mondiales. L'objectif est de parvenir à un consensus, à la fois sur les prix de transfert et sur une éventuelle taxation minimale.

Nous n'ignorons pas les efforts que vous-même déployez pour aller vers une taxe spécifique aux géants de l'internet, en attendant que l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, l'ACCIS, voie le jour. Nous savons aussi l'opposition que vous rencontrez au sein de l'Union européenne et à travers le monde. La lutte contre l'optimisation fiscale demeure d'actualité.

Monsieur le ministre, je vous demande, pour ce qui concerne la France, de bien vouloir préciser les contours de la taxation que vous proposerez lors du vote définitif du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises – PACTE – et d'informer la représentation nationale sur le degré d'avancement de ce dossier au sein de l'instance européenne, ainsi qu'au sein de l'OCDE. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler le contexte et d'où l'on vient. Il se présente à nous l'occasion de mettre fin dans les prochains mois à une très grave faute fiscale, qui dure depuis très longtemps et qui a été causée par les égoïsmes nationaux. En effet, vous l'avez rappelé, de nombreux pays se sont fait concurrence par des systèmes fiscaux qui n'avaient pour but que de mettre à mal ceux des autres. Ces égoïsmes nationaux se font aussi sentir dans le cadre des négociations internationales, où l'on a peur de perdre d'un côté ce que l'on aurait obtenu d'un autre. Il fallait donc du courage et de la sueur pour avancer. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Éric Straumann. Et du sang aussi ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. Le Président de la République et le ministre Bruno Le Maire se sont engagés, depuis près d'un an et demi, pour qu'on aboutisse à une solution. Notre objectif reste de trouver une solution européenne, d'ici au mois de mars. À cette fin, nous avons fait des concessions pour arriver à un accord avec l'Allemagne ; mais, ce faisant, nous avons abouti à un système qui n'était pas à la hauteur de ce que nous avions promis aux Français. C'est pourquoi nous avons décidé de nous diriger vers une solution nationale, temporaire et nécessairement imparfaite, mais qui doit répondre au besoin de justice fiscale que vous avez évoqué. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le faire : le Royaume-Uni, l'Autriche, l'Espagne se sont eux aussi engagés dans cette direction.

M. Éric Straumann. Ce ne sont pas les meilleurs exemples !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. Certes, c'est imparfait : certes, nous devrons toujours tout faire pour que les entreprises en France, les innovateurs, les start-up, qu'elles soient françaises, européennes ou étrangères, ne subissent pas les effets de cette taxe, et que celle-ci ne les empêche pas d'innover ; il reste que nous devons avancer.

Ce qui me donne de l'espoir et me rassure, c'est que nous n'avons jamais été aussi loin, depuis deux mois, dans le cadre de l'OCDE, que depuis que nous avons annoncé cette décision. Cela signifie que, lorsque nous faisons preuve de courage et que nous décidons d'avancer, cela fait avancer tous les pays. Avec Bruno Le Maire, nous sommes convaincus que nous trouverons une solution à l'échelon de l'OCDE dans le courant de l'année 2019 et que nous trouverons une solution, au plan européen, sur l'ACCIS, dès le lendemain des élections européennes.

Il reste que, dès aujourd'hui, la France avance. Le texte sera présenté au Conseil des ministres en février et soumis à l'examen de l'Assemblée nationale d'ici à l'été. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Michel Castellani

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôt sur les sociétés

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2019

partager