Algérie
Question de :
Mme Michèle Victory
Ardèche (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 14 mars 2019
ALGÉRIE
M. le président. La parole est à Mme Michèle Victory.
Mme Michèle Victory. « Je préfère ce sentiment d'inquiétude et d'inconfort au désespoir qui m'a traversé depuis ma naissance à l'ombre du régime algérien ». Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ces propos, que je me permets d'emprunter à Kamel Daoud, disaient au plus fort des manifestations pacifiques, toute la complexité et les antagonismes qui enserrent l'Algérie. La protestation de tout un peuple, d'une jeunesse débarrassée de la peur dans ce pays où 70 % de la population a moins de 40 ans, de femmes écartelées entre la Constitution et le code de la famille, s'appropriant l'espace public, de familles tout entières venues dire leur colère contenue et surtout leur fierté retrouvée, leur espoir de pouvoir penser une transition démocratique, tout cela, monsieur le ministre, ne peut nous laisser indifférents.
En effet, la richesse de l'Algérie, nous le savons, n'est pas seulement dans son sous-sol, son potentiel agricole, son enseignement supérieur, qui diplôme 63 % de femmes, dans la diversité de ses intellectuels, artistes et chefs d'entreprise ; la richesse de ce pays réside sans doute avant tout dans l'énergie de sa jeunesse, qui entrevoit, dans un scénario aux contours encore très flous, la promesse d'un avenir meilleur.
Tout reste à faire, et cet espoir ne peut être balayé par un pouvoir oligarchique incapable d'imaginer une succession, distillant savamment la peur d'un retour du chaos et la possible confiscation de ce printemps algérien. Aujourd'hui, devant ce moment de l'histoire qui semble faire écho aux attentes de tout un pays, on peut en effet craindre que le renoncement de l'actuel président à un nouveau mandat, que le report de l'élection et la mise en place d'une conférence nationale préparant une nouvelle constitution n'aboutissent pas à la transition profonde et sans violence dont rêve l'Algérie, à l'instar des milliers de femmes et d'hommes qui ont choisi la France pour y vivre et y voir grandir leurs enfants.
Parce que l'histoire de ce pays nous importe, parce qu'il nous faut apaiser nos mémoires communes, parce que nos trajectoires si particulières rendent toute parole sensible, nous partageons, en responsabilité, la prudence avec laquelle vous vous êtes exprimé. Toutefois, monsieur le ministre, entre l'enthousiasme de la joie et le poids du doute, sans ingérence mais sans indifférence, prêterez-vous la voix confiante et amicale de la France à un chant d'espoir partagé sur le chemin que dessine librement le peuple algérien ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et FI.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la députée, vous l'avez rappelé, la relation entre la France et l'Algérie est dense et forte. Nous sommes deux grands États, l'un du continent européen, l'autre du continent africain (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR)…
M. Michel Herbillon. C'est un scoop !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. …et cela justifie que nous suivions avec attention la situation en Algérie. Vous avez des mots que je reprends pleinement à mon compte : « sans ingérence mais sans indifférence ». Nous avons salué la décision importante du président Bouteflika de ne pas solliciter un cinquième mandat. Il a fait des propositions pour la rénovation du système politique, qu'il ne nous appartient pas de juger : c'est naturellement au peuple algérien de le faire, d'écrire cette nouvelle page de son histoire, de son avenir.
Un vent d'espoir, indéniablement, s'est levé. Il est à souhaiter que le civisme des manifestants, la retenue des forces de l'ordre perdurent, dans un esprit de responsabilité, pour que soient réunies les conditions d'une solution démocratique, pour que s'engage une nouvelle dynamique permettant de déboucher sur une transition raisonnable et crédible. Je reprends également à mon compte les notions d'amitié et de respect que vous avez évoquées. Ce sont des termes forts qui caractérisent nos relations, et c'est animés par cet état d'esprit que nous souhaitons être aux côtés de l'Algérie, aujourd'hui et demain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Michèle Victory
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mars 2019