Question au Gouvernement n° 1830 :
réforme de l'éducation nationale

15e Législature

Question de : Mme Sabine Rubin
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 3 avril 2019


RÉFORME DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. Mesdames et messieurs, je vous propose de reprendre vos esprits et d'écouter en silence Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vos réformes, comme votre méthode, commencent à provoquer un sérieux remous, au lieu de la confiance attendue.

Ce remous a débuté chez les enseignants « stylos rouges » et syndiqués, et il atteint désormais les parents. Son point culminant a été les manifestations qui ont eu lieu partout en France ce week-end, dont une dizaine en Seine-Saint-Denis, et qui se renouvelleront le 4 avril.

Les principales raisons du mécontentement des enseignants sont la mise sous contrainte des libertés d'expression et pédagogiques, une école à deux vitesses qui a dévoyé l'égalité, et la mise en concurrence des établissements et des personnels.

Les enseignants ont bien compris qu'ils sont les variables d'ajustement de votre logique comptable. Là, vous les transformez en conseillers d'orientation pour supprimer des centres d'information et d'orientation – CIO – et des postes de psychologues de l'éducation nationale –  PSYEN ; ici, vous exigez qu'ils deviennent des jurys de sélection pour l'entrée à l'université.

Maintenant, vous les sommez de devenir des managers évaluant les performances des enfants dans le but de classer les établissements.

Face à un tel dévoiement de leur métier, les professeurs ont désobéi et refusé de faire remonter les résultats d'évaluations, annulé de bacs blancs, donné vingt sur vingt à tous les élèves ou encore démissionné du poste de professeur principal.

En réponse, vous avez décidé de les punir : gazage d'enseignants à Toulouse (Protestations sur les bancs du groupe LaREM), professeurs des écoles menacés d'un blâme, refus de mutation utilisés comme moyen de sanction déguisé (Mêmes mouvements) – et vous vous êtes renfermé dans un trop long silence quand un professeur s'est suicidé.

Au bout du compte, la main du ministère s'avère prompte à frapper, mais plus lente à soutenir !

Votre intimidation est aussi médiatique, quand vous insinuez que les professeurs et les élus colportent des « bobards »…

M. Éric Ciotti. Comme les ministres !

Mme Sabine Rubin. …ou quand vous reprochez aux syndicats d'expliquer vos réformes.

Monsieur le ministre, à moins que le dernier remaniement ne vous ait confié le ministère de la vérité, pourquoi n'écoutez-vous pas la détresse et l'expertise de celles et ceux qui sont les premiers de cordée de votre administration ?

Permettez-moi de vous proposer quelques pistes qui vous feront gagner la confiance des enseignants : alignez le nombre d'élèves par classe ainsi que le salaire des enseignants sur ce qui se fait chez nos voisins européens ; construisez des classes pour accueillir les 35 000 nouveaux élèves attendus à la rentrée prochaine (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR) ; enfin, recrutez en masse du personnel accompagnant bien formé et doté d'un véritable statut. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI. – MM. Fabien Roussel et Gabriel Serville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame Rubin, votre intervention avait quelque chose de fascinant. Si vous étiez professeur dans une discipline, ce serait probablement l'herméneutique, cette science de l'interprétation qui parvient à faire dire des choses à des langues anciennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.)

Chacun peut comparer la réalité de la loi à ce que vous venez de dire. Et l'espèce de caricature à laquelle vous vous livrez, en effet, relève de ces bobards dont j'ai parlé la semaine dernière !

Puisqu'à toute chose malheur est bon, je voudrais profiter de votre question pour rétablir la vérité.

M. Sébastien Jumel. Monsieur le président, ce qui est dit n'est pas respectueux !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . D'abord, une priorité, qui est également budgétaire, est donnée à l'école primaire.

Mme Danièle Obono. Les classes ferment !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Elle se traduit par la création de 2 300 postes à la rentrée prochaine.

Bien sûr, nous soutenons l'école maternelle. Contrairement à ce que certains ont pu dire sur vos bancs, non seulement elle n'est pas supprimée mais elle se trouve renforcée. Les jardins d'enfants vont disparaître progressivement au profit des écoles maternelles.

Ensuite, nous soutenons l'enseignement des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui -, en priorité pour les élèves défavorisés. C'est ce que réalise le dédoublement des classes de CP et de CE1. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Oui, nous assumons avoir fait des évaluations en CP et CE1, précisément pour aider les élèves, notamment les plus défavorisés. Le vrai progressisme…-

Mme Danièle Obono. Le progressisme, c'est le grand mot de la Macronie !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …consiste à prendre en compte les inégalités, la première étant l'inégalité devant le langage : tel est l'objectif des évaluations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. - Protestations sur les bancs du groupe FI.)

M. Frédéric Reiss. Et la réponse ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Il est facile de faire de la démagogie en caricaturant toutes les mesures qui sont prises. Pour ma part, je préfère faire appel à l'intelligence de tous.

Si vous lisez le texte de loi, vous verrez qu'il a été interprété de façon fallacieuse par certains d'entre vous. Il soutient en réalité l'école primaire (Protestations sur les bancs du groupe FI) et l'ensemble de notre système scolaire qu'il cherche à améliorer.

Il entend aussi aider les directeurs d'école, à qui je tiens à dire mon soutien. Ils ne seront pas affaiblis ou supprimés par les mesures que nous avons prises et qui, au contraire, viendront les renforcer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Ugo Bernalicis. Bobards !

Données clés

Auteur : Mme Sabine Rubin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 avril 2019

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