Question au Gouvernement n° 1891 :
Liberté de la presse

15e Législature

Question de : M. Alain David
Gironde (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 1er mai 2019


LIBERTÉ DE LA PRESSE

M. le président. La parole est à M. Alain David.

M. Alain David. Monsieur le Premier ministre, nouvel épisode dans les relations entre le pouvoir et les journalistes : le reporter d'images Gaspard Glanz a été autorisé par la justice à exercer sa profession librement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Bruno Millienne. Il n'est pas journaliste !

M. Alain David. Il pourra couvrir, demain, le cortège du 1er mai et, samedi, l'acte XXV de la mobilisation des gilets jaunes. Si le droit et l'apaisement ont heureusement prévalu, grâce au soutien de nombreuses sociétés de journalistes, cette nouvelle affaire a de quoi inquiéter.

Je citerai également les trois journalistes récemment convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure pour avoir publié une enquête sur la scandaleuse utilisation d'armes de fabrication française au Yémen. Et je ne remonterai pas à la déclaration présidentielle au sujet des journalistes « qui ne cherche[nt] plus la vérité ».

La multiplication des atteintes à la liberté de la presse a même récemment amené le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme à prendre la plume, afin de déplorer que nos libertés soient menacées au nom de la sécurité.

Aux côtés des citoyens ordinaires, il y aurait certaines catégories de Français suspects, qui pourraient être soumis à des procédures particulières : les gilets jaunes, dans le cadre de la loi anticasseurs – heureusement en partie censurée par le Conseil constitutionnel –, les migrants visés par la loi Collomb, les syndicalistes qui tentent de se faire entendre – et, demain, ceux qui expriment leurs désaccords avec votre politique ?

La France figure toujours à une peu reluisante trente-deuxième place dans le classement mondial de la liberté de la presse publié récemment par Reporters sans frontières.

M. Erwan Balanant. Comme lorsque vous étiez dans la majorité !

M. Alain David. Pourtant, ces droits de l'homme fondamentaux ne sont pas un gadget, mais un trésor, qu'il faut défendre inlassablement. Monsieur le Premier ministre, comment votre gouvernement entend-il agir afin de faire cesser ces attaques inquiétantes contre la liberté de la presse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

M. Éric Straumann. Hollande ne faisait pas mieux !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la liberté de la presse et sur la façon dont elle est garantie en France. Il s'agit d'un sujet sérieux.

Vous et moi avons conscience qu'il n'existe pas de démocratie réelle – ni, au fond, de démocratie – sans liberté de la presse, sans cette capacité qu'ont des hommes et des femmes à enquêter sur les faits et à dire leur part de vérité, en essayant de la mettre en perspective et en faisant leur travail du mieux qu'ils le peuvent – il est souvent difficile.

Je suis attaché au rôle de la presse. Je suis encore plus attaché, d'une certaine façon, à la liberté de la presse. Vous la défendez ; moi aussi.

J'observe qu'il faudrait avoir une lecture partiale – me semble-t-il – de la réalité de notre pays pour affirmer qu'il n'existe pas de liberté de critiquer en France, qu'il n'y aurait pas de liberté d'enquêter en France, qu'il n'y aurait pas de liberté de dire – y compris contre les pouvoirs, qu'ils soient politiques ou économiques – qu'on est en désaccord, ou plus exactement de mettre sur la place publique des faits qui pourraient les gêner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Jean-Paul Lecoq. Et le secret des affaires ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Nous observons tous les jours, dans tous les organes de presse, cette capacité, qui est constitutive de la démocratie et de nos libertés publiques, et que je respecte profondément. Je tiens à vous le dire, monsieur le député, car je sais que votre interrogation est de bonne foi et que vous êtes de bonne foi attaché à la liberté de la presse. Croyez bien que je le suis moi-même tout autant, ainsi que l'ensemble du Gouvernement.

Mais une fois posé ce principe, doté d'une valeur absolue et constitutif de l'une de nos libertés publiques, …

M. Éric Straumann. On est d'accord !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …reconnaissez avec moi que cette liberté publique essentielle s'applique en France, et doit trouver à s'appliquer en France dans les mêmes conditions que les autres libertés publiques, c'est-à-dire dans le respect de la loi.

M. Bruno Millienne. Absolument !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Et rien, dans la liberté de la presse, n'autorise un journaliste, ou quelqu'un qui, sans être journaliste, se prévaut de la liberté de la presse – il en a parfaitement le droit –, à provoquer ou à insulter, par exemple, les forces de l'ordre. Rien ! Cela n'est pas la liberté de la presse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Bertrand Pancher applaudit également.)

Comment accepter, monsieur le député, qu'on pourrait, parce qu'on est journaliste, se mettre en porte-à-faux avec des obligations et des règles valables pour tout un chacun ? Comment l'accepter ? Vous-même ne l'accepteriez pas, et vous auriez raison.

Un député du groupe LaREM . Très bien !

M. Alexis Corbière. Soixante-dix-sept journalistes blessés !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Autrement dit, je crois à la liberté de la presse – j'y crois profondément ; je crois à la difficulté de ce métier – et je la connais ; je crois à la liberté absolue de critique – et, croyez-moi, j'en prends ma part, voyez-vous ! (Sourires.) Tout un chacun a le droit de s'y livrer et c'est très bien ainsi.

Mais je n'accepte pas que, sous couvert de cette liberté capitale, fondamentale et essentielle à la démocratie, on insulte les forces de l'ordre, on les provoque et on essaie de se soustraire à la loi, qui est la même pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs des groupes LT et UDI-Agir.)

Données clés

Auteur : M. Alain David

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mai 2019

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