Question au Gouvernement n° 1893 :
Restauration de Notre-Dame de Paris

15e Législature

Question de : Mme Brigitte Kuster
Paris (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 1er mai 2019


RESTAURATION DE NOTRE-DAME DE PARIS

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. Monsieur le Premier ministre, l'émotion n'est jamais bonne conseillère, surtout lorsqu'elle s'empare des puissants. Face aux flammes qui ont ravagé Notre-Dame, Emmanuel Macron s'est laissé envahir par l'orgueil. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) À l'écouter, il ne faudrait que cinq ans pour restaurer la cathédrale, et – entendez-moi bien – pour la rendre « encore plus belle » ! Ainsi, 800 ans d'histoire n'ont pas suffi à inspirer au Président un peu de modestie. (Mêmes mouvements.)

Les Français, eux, ont saisi la portée symbolique du désastre.

M. Jean-Paul Lecoq. Pas le Président !

Mme Brigitte Kuster. Ils l'ont compris : toute chose est mortelle, y compris Notre-Dame, y compris notre culture, y compris notre civilisation. Là est le cœur de cette émotion particulière qui nous a tous étreints.

Grâce au courage inouï des pompiers de Paris, Notre-Dame ne s'est pas effondrée. L'œuvre colossale qui se dresse devant nous est un travail de restauration, avec des règles, avec des principes.

Mme Olivia Gregoire. Et non un travail de récupération, donc !

Mme Brigitte Kuster. « Restaurer un édifice n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir », écrivait Viollet-le-Duc.

À ce titre, nous devons faire confiance à la connaissance et au talent de tous ceux qui œuvrent à la préservation du patrimoine – architectes, compagnons du devoir, conservateurs, historiens – et inscrire la restauration de Notre-Dame dans le cadre d'une déontologie qui se défie de tout accaparement, fût-il présidentiel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR.) Cette déontologie existe ; elle est même sanctionnée par des traités internationaux que la France a grandement contribué à élaborer.

M. Alexis Corbière. Elle a raison !

Mme Brigitte Kuster. Notre-Dame n'a nul besoin d'un concours international ou d'un geste architectural ; elle a besoin d'être rétablie dans sa splendeur quasi millénaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Erwan Balanant. Sa splendeur d'avant Viollet-le-Duc ?

Mme Brigitte Kuster. C'est un travail qui requiert l'humilité des premiers bâtisseurs, le temps de la réflexion et le concours des meilleurs experts et artisans, toutes préoccupations dont le Président s'est malheureusement détourné, ce qui nourrit de grandes craintes pour l'avenir.

Monsieur le Premier ministre, entendez-vous les voix expertes qui s'élèvent, inquiètes des conditions et du calendrier décidés pour la restauration de Notre-Dame ? Êtes-vous prêt à les écouter et à agir en conséquence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Kuster, je suis un peu déçu car vous ne nous aviez pas habitués à tomber dans les travers de la politique politicienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Vives protestations sur les bancs des groupes LR et GDR.)

M. Pierre Cordier. Et c'est vous qui dites ça ? Judas !

M. Jean-Paul Lecoq. La question était très correcte du début jusqu'à la fin ! Vous ne pouvez pas laisser dire cela, monsieur le président !

M. Franck Riester, ministre. C'est d'autant plus décevant sur ce sujet, puisqu'il s'agit de Notre-Dame de Paris. Le Président de la République, comme tous les Français, a été saisi d'effroi le lundi 15 avril. Ce jour-là, tous les Français étaient unis, unis avec les pompiers, unis avec les équipes du ministère de la culture. Restons unis !

M. Éric Straumann. Ce n'est pas la question !

M. Franck Riester, ministre. Restons unis pour restaurer Notre-Dame de Paris, madame la députée !

Le Président de la République, le Premier ministre, tout le Gouvernement et la majorité sont, croyez-moi, totalement déterminés à restaurer Notre-Dame de Paris pour qu'elle redevienne à la hauteur de ce qu'elle doit être dans l'histoire de l'architecture, mais aussi pour les catholiques, pour les Français, pour les Européens, et plus largement pour l'humanité.

M. Jean-Paul Dufrègne. Ne confondez pas vitesse et précipitation !

M. Franck Riester, ministre . Bien évidemment, nous allons travailler avec les spécialistes. Ce sont eux qui sont à la manœuvre aujourd'hui : les architectes en chef des monuments historiques, les architectes des bâtiments de France, en lien avec les experts, avec les historiens, avec toutes celles et tous ceux qui savent.

M. Jean-Paul Dufrègne. Ce n'est pas ce qu'ils disent !

M. Hubert Wulfranc. Absolument ! Ce sont eux qui s'inquiètent !

M. Franck Riester, ministre . Madame la députée, il y aura un débat parlementaire.

Mme Brigitte Kuster. Vous demandez une habilitation pour procéder par ordonnances !

M. Franck Riester, ministre. Nous nous donnerons ainsi une loi qui nous permettra d'être encore plus efficaces pour restaurer Notre-Dame de Paris à la hauteur des attentes. Le Président de la République a fixé un objectif ; c'est bien, parce que nous avons besoin d'objectifs pour mobiliser les troupes. Pour autant, nous ne mélangeons jamais vitesse et précipitation. Ce qui compte, c'est que la restauration de Notre-Dame de Paris soit à la hauteur de ce qu'est cette cathédrale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. Mes chers collègues, notre hémicycle s'accommode mieux des messes basses que des cris, même quand il est question de Notre-Dame de Paris. (Sourires. - Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Brigitte Kuster

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mai 2019

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