suites de l'attentat de Nice
Question de :
Mme Marine Brenier
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants
Question posée en séance, et publiée le 13 juillet 2017
SUITES DE L'ATTENTAT DE NICE
M. le président. La parole est à Mme Marine Brenier, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Mme Marine Brenier. Monsieur le Premier ministre, il y a un an, le jour de la fête nationale, Nice, et avec elle la France, était frappée par l'horreur de la barbarie. Alors que des familles étaient venues admirer les feux d'artifice sur la Promenade des Anglais, un individu radicalisé a foncé sur la foule au volant d'un camion.
À cause de sa folie meurtrière, quatre-vingt-six personnes ont perdu la vie, quatre cents autres ont été blessées et un nombre incalculable sont traumatisées à vie. Ils étaient des femmes, des hommes, des enfants. Ils voulaient admirer le ciel ; ils l'ont rejoint.
Parce que la douleur est encore vive, le 14 juillet à Nice ne sera pas un jour de fête mais un jour de mémoire. Le Président de la République sera présent, aux côtés de Christian Estrosi, pour soutenir les victimes et leurs familles. Vendredi, le cœur des Niçois battra aussi à Paris, puisque Nissa la Bella, l'hymne de la ville, sera interprétée en clôture du défilé sur les Champs-Élysées.
Il reste encore beaucoup à faire pour que les victimes et leurs familles puissent enfin se relever. Je pense à l'indemnisation de ceux qui ont souffert dans leur chair comme dans leur âme, marqués à jamais par le sceau du terrorisme. Je compte sur votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour accélérer l'indemnisation et définir le statut de victime psycho-traumatique. Nous regrettons que la délégation interministérielle, à laquelle les familles des victimes tenaient tant, ait été supprimée.
Dès l'ouverture de la session, j'ai demandé la création d'une commission d'enquête pour mettre en évidence les défaillances du dispositif de sécurité. Les familles ont le droit de savoir si les suspicions nées du manque de transparence du gouvernement Cazeneuve étaient fondées.
Monsieur le Premier ministre, ma question est celle de tous les Niçois : allons-nous mieux accompagner les victimes et leurs familles ? Allons-nous permettre à la France de ne jamais revivre le drame de la Promenade des Anglais ? (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, il y a bientôt un an, le soir du 14 juillet, sur la Promenade des Anglais, plus de quatre-vingts personnes de toutes nationalités, de toutes origines, de tous âges allaient trouver la mort. Ils étaient venus – vous avez eu raison de le rappeler – pour la fête, pour le spectacle, pour un jour de communion et de fête nationale, un jour qui, à l'évidence, n'a pas été choisi au hasard par celui qui a voulu perpétrer cet acte criminel et terroriste.
Tous ceux qui ont vécu de près ou de loin cet événement, ceux qui étaient sur place, les familles des victimes, ceux dont des proches ont été blessés, ceux qui ont survécu sans rien oublier de cette nuit de cauchemar, ceux qui, par leur courage ou par leur bienveillance, ou par leur décence, ont, par un geste ou par un acte incroyablement courageux permis de surmonter ce drame – les services de police, les services de santé, les services de sécurité civile –, tous ceux-là conserveront toute leur vie la mémoire du 14 juillet 2016.
Ils le disent, ils l'admettent, peut-être même, à certains égards, même s'ils sont discrets, ils le revendiquent, car leur vie a été transformée, notre vie a été transformée le 14 juillet 2016. Choisir ce jour, choisir ce lieu, choisir ce mode opératoire était évidemment destiné à impressionner, au sens physique, à terroriser notre pays.
Nous ne l'oublions pas ; nous ne l'oublierons pas. Vous avez dit à juste titre que, cette année, le 14 juillet serait à Nice probablement plus un jour de deuil qu'un jour de fête. Je crois profondément que le 14 juillet doit rester un jour de fête, et qu'une part de notre attachement à la Nation, si elle est due à la fête, n'est jamais synonyme d'insouciance.
Le 14 juillet, nous fêtons la République. Celle-ci a ses moments difficiles et durs. Nous les connaissons et nous ne les oublions pas non plus. Le Président de la République a choisi de se rendre à Nice, à l'invitation de Christian Estrosi, pour marquer cette forme de communion de la Nation entière après ce drame indicible voire impensable à l'époque.
Aujourd'hui, qu'attendent de nous les Français ? Probablement une émotion partagée, c'est vrai, mais pas seulement. Ils attendent d'abord une dignité face à l'acte qui a été perpétré contre la République. Ils attendent de la solidarité. Ils attendent de la fermeté.
Vous avez évoqué les victimes, madame la députée. Vous avez raison. Nous devons penser à elles, nous devons penser à leurs proches. Nous devons évidemment leur marquer notre solidarité, j'allais dire notre amitié, le fait qu'il s'agit de compatriotes ou de concitoyens avec qui nous devons donc vivre et souffrir.
Cet après-midi même, j'aurai l'occasion de réunir pour la première fois le comité interministériel de l'aide aux victimes, instance de travail et de coordination, où siégeront à mes côtés Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et tous les acteurs publics qui interviennent en soutien aux victimes.
À l'occasion de ce comité interministériel, je présenterai la future déléguée interministérielle à l'aide aux victimes, qui sera nommée prochainement en Conseil des ministres, et qui aura pour tâche de coordonner l'ensemble des services de l'État qui interviennent en la matière, et d'être à la fois le point d'entrée et la tour de contrôle, au service du Gouvernement, et surtout au service des victimes, pour qu'elles ne soient jamais oubliées et toujours considérées.
J'ajouterai un mot, madame la députée, pour dire que les Français attendent aussi de la fermeté. Nous vivons depuis longtemps déjà dans un régime défini par la loi relative à l'état d'urgence. Celui-ci ne peut être qu'exceptionnel. Il faut donc en sortir. Cela ne veut certainement pas dire qu'on imagine un instant qu'il n'y aurait plus de menace. La menace est là, elle est présente, elle va durer. Je l'ai dit sans me cacher derrière mon petit doigt dans ma déclaration de politique générale.
Mais nous devons sortir de l'état d'urgence et nous devons faire en sorte qu'au moment où nous en sortirons, les moyens de l'État, la vigilance de notre pays auront été mobilisés et les dispositions juridiques nécessaires prises, pour que nous puissions affronter avec beaucoup de fermeté, beaucoup de lucidité aussi et beaucoup d'efficacité la lutte contre ceux qui veulent ou qui voudraient reproduire de tels actes, contre tous ceux qui voudraient mettre en péril la République et nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle très prochainement, au Sénat puis à l'Assemblée nationale, le Gouvernement présentera un projet de loi pour compléter notre arsenal juridique et donner aux services de police les moyens, les instruments dont ils ont besoin pour lutter contre le risque terroriste.
Je terminerai, madame la députée, en disant que j'ai parfaitement conscience que la lutte contre le terrorisme ne dépend pas seulement d'instruments juridiques. Il faudra certes discuter les dispositions de ce projet de loi et j'espère qu'elles seront adoptées par le Parlement, mais aucun texte ne protégera définitivement nos concitoyens.
C'est à une vigilance permanente, à des réflexes républicains et même civiques que j'appelle pour que nous puissions tous ensemble aborder le 14 juillet 2017 et tous ceux qui suivront avec l'amour de la République, l'amour de nos concitoyens et la conscience, au fond de nous-mêmes, que rien, jamais, ne pourra mettre à mal notre République. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)
Auteur : Mme Marine Brenier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Aide aux victimes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 juillet 2017