Question au Gouvernement n° 1974 :
Politique interventionniste américaine

15e Législature

Question de : M. François-Michel Lambert
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 23 mai 2019


POLITIQUE INTERVENTIONNISTE AMÉRICAINE

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis qu'il a été élu, le Président Trump a multiplié les provocations unilatérales, faisant voler en éclats des accords, des traités et des règles commerciales.

Le 2 mai il a donné son feu vert à l'activation du titre III de la loi américaine Helms-Burton contre les entreprises présentes à Cuba. Tout individu peut désormais poursuivre devant les tribunaux américains les entreprises de toute nationalité, notamment françaises et européennes, pour leurs activités à Cuba.

Des milliards d'euros et des centaines de milliers d'emplois européens sont en jeu, et le peuple cubain est chaque jour un peu plus asphyxié sous couvert d'une idéologie interventionniste américaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. Hubert Wulfranc. Bravo !

M. François-Michel Lambert. Ces dernières années, les États-Unis n'ont cessé de créer un déséquilibre juridique à leur profit, au détriment de la compétitivité des entreprises françaises et européennes. C'est une véritable guerre économique qui nous est menée à travers ces lois extraterritoriales.

Pour l'instant nous avons fait preuve de beaucoup de naïveté, tétanisés, divisés, notamment au niveau européen, sur cette question qui touche à notre souveraineté. La réalité est que les États-Unis ont mis en place un véritable rouleau compresseur normatif pour réguler depuis Washington les échanges commerciaux et financiers de la planète entière, avec leurs propres règles et leur propre justice imposant des sanctions colossales et unilatérales.

C'est à l'échelle de l'Europe que se décideront en grande partie les mesures de protection de nos entreprises et de réciprocité, ainsi qu'une réponse juridique cohérente à la hauteur de nos intérêts stratégiques.

Monsieur le ministre, quelles réponses comptez-vous apporter à l'offensive américaine utilisant ces lois extraterritoriales ? Qu'en est-il de la préservation de notre souveraineté juridique ? Que comptez-vous faire pour que la France ne se plie pas à ce chantage et prenne des positions fortes afin que ces lois illégales cessent de menacer nos entreprises ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Effectivement, monsieur le député, la multiplication de ces actes unilatéraux est totalement inacceptable. Vous avez évoqué l'Iran : est-ce en se retirant de l'accord de Vienne que les États-Unis vont contribuer à la paix et à la stabilité au Proche et au Moyen-Orient ? La réponse est clairement négative. Vous avez évoqué Cuba : est-ce en permettant à des entités basées aux États-Unis de poursuivre des entreprises européennes que l'on va œuvrer à une plus grande ouverture du pays ? La réponse est également négative.

C'est pourquoi les Européens ont décidé dans les deux cas de prendre leurs responsabilités et d'affirmer leur souveraineté. Si elle veut être une puissance, l'Europe doit se penser comme telle et se faire respecter.

S'agissant de l'Iran, nous avons mis en place l'outil INSTEX – Instrument in Support of Trade Exchanges – qui permettra aux PME de continuer à commercer.

M. Claude Goasguen. C'est une plaisanterie !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. S'agissant de Cuba, nous allons naturellement activer le règlement de 1996 permettant aux entreprises européennes lésées par des poursuites lancées depuis les États-Unis d'engager elles-mêmes des poursuites en Europe et d'obtenir des dédommagements que nous pourrons prélever sur les biens d'entités américaines qui se trouvent sur le territoire européen.

Vous le voyez, c'est un de nos chantiers que de renforcer tous nos outils pour affirmer la souveraineté économique européenne. En 1973, Henry Kissinger se demandait quel était le numéro de téléphone de l'Europe.

M. Christian Jacob. Quel talent !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Je peux vous dire qu'aujourd'hui, M. Pompeo et M. Trump connaissent ce numéro et ils savent que, quand ils vont appeler, cela ne va pas forcément leur faire plaisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. François-Michel Lambert

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 mai 2019

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