Stratégie de maintien de l'ordre
Question de :
M. Alain David
Gironde (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 5 juin 2019
STRATÉGIE DE MAINTIEN DE L'ORDRE
M. le président. La parole est à M. Alain David.
M. Alain David. Monsieur le Premier ministre, depuis des mois, des manifestations mobilisent nos forces de l'ordre. Des policiers, des gendarmes ont été blessés. Il convient de dénoncer ces violences et dégradations commises par des personnes irresponsables, totalement étrangères au mouvement des Gilets jaunes. Pourtant, la plupart des victimes de ces violences se trouvent du côté des manifestants.
Alors que des solutions moins coûteuses financièrement et épargnant les dommages humains étaient possibles dès le mois de novembre en vue de faire cesser les manifestations, vous avez choisi de laisser pourrir la situation, qui a dégénéré au fil des semaines. Cela a suscité de l'exaspération, du désespoir et une véritable hécatombe, dont vous portez l'entière responsabilité de par votre gestion calamiteuse du maintien de l'ordre. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
Vous avez même engendré une nouvelle catégorie de citoyens, qui s'appellent eux-mêmes les « mutilés pour l'exemple » et qui font partie des centaines de blessés, parmi lesquels vingt-quatre éborgnés, des personnes aux mains arrachées, aux organes mutilés. Les Gilets jaunes ont payé un lourd tribut à la défense de la justice sociale et à l'amélioration du pouvoir d'achat des Françaises et des Français. Ce ne sont pas d'obscures statistiques, mais des citoyens dont les existences ont été détruites par une violence qui aurait dû être évitée.
Ils dénoncent l'utilisation des lanceurs de balles de défense, les LBD, et des grenades explosives. Or, derrière les tirs, il y a des ordres qui viennent du plus haut niveau de l'État. Et ce ne sont pas les propos de Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, qui vont nous rassurer sur la façon dont vous traitez les oppositions : « Ce n'est pas parce qu'une main a été arrachée, parce qu'un œil a été éborgné que la violence est illégale ».
M. Jean-Michel Jacques. Caricature !
M. Alain David. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous décider l'arrêt de l'utilisation de ces armes dangereuses et inefficaces pour maintenir l'ordre ? Surtout, quand allez-vous adopter une stratégie de maintien de l'ordre qui garantisse le droit de manifester et ne criminalise pas les mouvements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, depuis le 17 novembre, 49 267 manifestations ou occupations du domaine public, le plus souvent illégales, ont eu lieu. Elles ont trop souvent donné lieu, hélas, à des violences : violences urbaines, attroupements, voire émeutes. Voilà la réalité à laquelle nos forces de l'ordre ont dû faire face. Elles l'ont fait en subissant de violentes agressions, mais en gardant leur sang-froid.
Vous avez évoqué cette réalité, monsieur le député, mais, contrairement à vous, je soutiens les forces de l'ordre, et je les soutiens sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.- Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
En effet, nos forces de l'ordre sont présentes au quotidien et, à chaque fois, elles s'engagent. J'estime, monsieur le député, que la République leur doit une reconnaissance toute particulière. Il n'y a pas eu, contrairement à ce que vous avez affirmé, une majorité de blessés chez les Gilets jaunes. Et, contrairement à vous, je ne fais pas de différence : pour moi, un blessé, qu'il porte un gilet jaune ou un képi bleu, est toujours un blessé de trop. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) Or 1 815 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers, engagés dans la gestion des manifestations, ont été blessés.
Comme vous le savez, les forces de l'ordre peuvent avoir recours à la force de façon légitime. Elles ne le font jamais avec la volonté de blesser ; c'est toujours dans un contexte particulier. Ce que le secrétaire d'État a rappelé, c'est que, contrairement aux manifestants, qui utilisent la force de façon illégitime, la responsabilité des forces de l'ordre est de l'utiliser de façon légitime (Exclamations sur les bancs du groupe FI) – mais elles doivent le faire en respectant un cadre d'emploi.
Vous évoquez les LBD, mais permettez-moi de vous rappeler qu'ils sont en usage, au sein de nos forces de sécurité, depuis 2008. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Voilà la réalité – que vous semblez découvrir.
M. Christian Hutin. Le problème, c'est l'usage qui en est fait !
M. Christophe Castaner, ministre. Les forces de l'ordre doivent en faire un usage proportionné et conforme à la doctrine. Contrairement, hélas, à ce qui se passe lorsqu'elles subissent des agressions, quand il y a des blessés parmi les manifestants, systématiquement un signalement est fait et une enquête judiciaire ouverte. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Le procureur de Paris a d'ailleurs eu l'occasion de s'exprimer sur le sujet il y a quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.– M. Philippe Berta applaudit aussi.)
Auteur : M. Alain David
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2019