rapatriement des enfants de djihadistes français retenus en Syrie
Question de :
M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - UDI et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2019
RAPATRIEMENT DES ENFANTS DE DJIHADISTES FRANÇAIS RETENUS EN SYRIE
M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
M. Pierre Morel-À-L'Huissier. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, douze enfants français ont été rapatriés du Kurdistan syrien hier. Depuis des mois pour certains, et presque deux ans, pour d'autres, 200 enfants français, dont les deux tiers ont moins de 6 ans, restent détenus dans des camps de fortune. Tous ces enfants, qui n'ont demandé ni à naître ni à être emmenés en Syrie, portent les stigmates d'une guerre qu'ils n'ont pas choisie : ils sont blessés, malades et profondément traumatisés. L'UNICEF – Fonds des Nations unies pour l'enfance –, le Comité international de la Croix-Rouge, le Haut responsable de l'ONU et la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ont exhorté les États à prendre leurs responsabilités en rapatriant ces mineurs innocents exposés à des traitements inhumains et dégradants. Très récemment, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a appelé le gouvernement français à rapatrier ces enfants « sans condition ». Le même jour, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, demandait fermement à la France de faire cesser les « traitements inhumains et dégradants subis par les enfants et leurs mères » dans un délai d'un mois.
Les rapatriements actuels au compte-gouttes et au cas par cas sont source de discrimination. Avec le temps, les femmes les plus radicalisées ont pris le pouvoir dans les camps et menacent de mort celles qui accepteraient de se séparer de leurs enfants. Toutes ces mères, sans exception, sont judiciarisées en France et nulle part ailleurs. Laisser ces enfants et leurs mères dans les camps gangrenés par la misère, la maladie et l'idéologie contribue à fabriquer les attentats de demain.
Monsieur le ministre, quelles actions entend mener le Gouvernement pour respecter l'avis du Défenseur des droits, ainsi que les traités et conventions ratifiés par la France ? Êtes-vous aujourd'hui disposé à prendre en compte l'urgence humanitaire et sécuritaire, et à organiser le rapatriement de tous ces enfants ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Morel-À-L'Huissier, la position de la France est connue, et je la maintiens : nous avons dit clairement que les combattants et les militants de Daech devaient être jugés là où ils ont commis leurs crimes.
M. Claude Goasguen. Exact !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C'est une question de sécurité et de justice – les deux en même temps. La France a également souhaité que les mineurs orphelins ou isolés puissent être rapatriés en France, s'ils sont de nationalité française ; nous nous en préoccupons. La position de la France est donc simple : nous essayons de rapatrier les enfants isolés, mineurs, orphelins et, au cas par cas, des enfants se trouvant dans une situation très particulière.
Ce sont des démarches extrêmement dangereuses. Si nous avons pu rapatrier douze enfants orphelins ou isolés au cours du week-end dernier, c'est au prix d'une opération très complexe. Je voudrais rendre hommage à l'ensemble des services qui y ont contribué, ainsi qu'aux autorités du Rojava, qui ont permis ce retour. Ces enfants sont placés sous l'autorité judiciaire et font à présent l'objet d'un suivi médico-social. Antérieurement, nous avions déjà mené à bien une première opération pour cinq enfants. Nous avons aussi rapatrié, dans les mêmes conditions, deux enfants néerlandais, en relation avec les autorités de leur pays. Si d'autres opportunités se présentent, nous tenterons de mener à bien des opérations similaires. Mais la situation est difficile parce que le pays est toujours en guerre, parce qu'il faut l'accord des autorités locales, parce qu'il convient préalablement de mener un travail d'identification et de localisation qui n'est pas simple et, surtout, parce que la France n'exerce pas de contrôle effectif sur ces camps ni sur ces personnes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2019