Question au Gouvernement n° 2067 :
cryptomonnaie de Facebook

15e Législature

Question de : M. Jean-Michel Mis
Loire (2e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2019


CRYPTOMONNAIE DE FACEBOOK

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Mis.

M. Jean-Michel Mis. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, Facebook a présenté aujourd'hui son projet de monnaie numérique libre. Conçue en partenariat avec vingt-sept groupes, « Libra » devrait entrer en vigueur en 2020. Cette cryptomonnaie, ovni financier à ce jour, pourra passer outre les frontières géopolitiques et pourra être transférée sans frais via les applications Messenger et WhatsApp partout dans le monde. Ce sont donc plus de 2 milliards d'utilisateurs qui bénéficieront, à terme, de ce nouveau service. Elle pourra, par ailleurs, faire son apparition dans le monde physique, puisque la firme envisage d'installer des machines similaires aux distributeurs de billets, pour échanger des devises contre des jetons de sa cryptomonnaie.

Monsieur le ministre, cette annonce soulève des interrogations d'un point de vue réglementaire, monétaire et politique. La première interrogation est celle de la valeur. Le cours serait indexé sur celui d’un panier de monnaies traditionnelles. Il est facile d'imaginer comment cette cryptomonnaie pourrait s'émanciper de sa fonction de représentation de monnaies traditionnelles et acquérir sa propre valeur d'usage. Il suffirait à Facebook et ses partenaires de proposer un ensemble de services utilisant cette monnaie, ainsi que des ponts avec des services externes.

La deuxième interrogation tient au respect de la vie privée et de la protection des données. Depuis mars 2018 et l'explosion de l'affaire Cambridge Analytica, Facebook est, en effet, secoué par des failles à répétition. La confidentialité entourant les transactions devra se confronter aux risques d'usage illicite, blanchiment, évasion fiscale, financement de la criminalité.

Enfin, l'interrogation la plus cruciale est celle de notre souveraineté, celle de l'émergence d'une puissance monétaire capable d'influencer les marchés et de contourner les États. Gardons en mémoire les mots de Peter Thiel, lors du lancement de son système de paiement Paypal, qui voulait en faire une monnaie alternative libre de tout contrôle gouvernemental.

Monsieur le ministre, puisque ce sujet n’est pas seulement technologique, mais éminemment politique, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour pallier les risques liés à l'apparition du Libra et de son corollaire, la société Calibra ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. La société Facebook a, en effet, annoncé sa volonté de créer, à partir de 2020, sa propre monnaie numérique. S'il s'agit d'un instrument de transaction, pourquoi pas ? En revanche, elle ne saurait devenir une monnaie souveraine. Une société privée ne peut pas, et ne doit pas, créer une monnaie souveraine qui pourrait entrer en concurrence avec les monnaies des États. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Il appartient en effet aux banques centrales d'assurer le rôle de prêteur en dernier ressort. Surtout, les États obéissent à l'intérêt général là où les sociétés poursuivent des intérêts privés.

J'ai donc demandé à l'ensemble des gouverneurs du G7 de remettre, au cours du G7 Finances qui se tiendra à Chantilly mi-juillet, un rapport relatif aux garanties dont il conviendra d'entourer cette monnaie numérique avant d'autoriser sa circulation. Ces garanties tiendront à la protection des données individuelles, la lutte contre le blanchiment, la lutte contre le financement du terrorisme ainsi que la protection des intérêts économiques et financiers du consommateur.

Enfin, cette monnaie permettra à cette société, comme demain à d'autres géants du numérique, d'accumuler à nouveau des millions de données et de se retrouver dans une situation de monopole. Notre détermination à réguler les géants du numérique et à leur imposer au niveau national et demain, espérons-le, au niveau de l'OCDE, une taxation internationale juste et efficace, ne s'en trouve que renforcée. Nous refusons les monopoles. Nous voulons une économie de marché dans laquelle la concurrence puisse jouer pleinement, dans le secteur du numérique comme dans les autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Michel Mis

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Numérique

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2019

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