réforme de l'audiovisuel public
Question de :
Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 20 juin 2019
RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre de la culture, il y a un an, le Gouvernement décidait de manière brutale la bascule vers le tout-numérique de France 4, la chaîne pour enfants du service public, pourtant en tête des audiences le soir après l’école. Cette décision rejaillit sur toute une filière d’excellence et d'avenir, celle de l'animation française, forte de près de 8 000 salariés, d'emplois d’avenir pour des jeunes venant de tous les horizons et de tous les territoires, de performances exceptionnelles à l'exportation. Les conséquences attendues de votre décision sont 55 % d'heures de programme en moins d'ici à 2021.
Très inquiets de la marche forcée ainsi entamée, producteurs et auteurs viennent d'adresser une lettre au Président de la République. « Le renforcement de l'offre numérique », écrivent-ils, « est une priorité qui doit tous nous associer et nous impliquer. En revanche, développer une offre numérique tout en supprimant une chaîne qui aujourd'hui assure la diffusion de près de 70 % de l’offre jeunesse animation de France Télévisions, et alors même que les usages linéaires pour les enfants restent dominants – 78 % –, est une hérésie profonde. »
Vous le faites au moment même où le groupe M6 rachète la principale chaîne privée concurrente, Gulli, montrant ainsi le potentiel et l'attractivité d’une telle offre linéaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – M. Jean Lassalle applaudit également.)
Vous le faites sans compter avec l’arrivée sur le marché, dès le premier semestre 2020, de Disney et de sa plateforme numérique, de Pixar, de Fox et de Netflix, qui vient d’annoncer un engagement de 3,5 milliards de dollars l'an prochain dans les programmes jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI.) Or il sera impossible de rivaliser avec ces plateformes sans moyens substantiels et en supprimant notre seul avantage concurrentiel, la télévision numérique terrestre.
M. Sébastien Leclerc. Elle a raison !
Mme Frédérique Dumas. Et 76 % des Français sont contre cette suppression.
Monsieur le ministre, allez-vous donc faire droit aux demandes raisonnables et justes formulées dans la lettre que j'ai citée ? Il s'agit du report de la date couperet de septembre 2020 et de la subordination aux deux conditions suivantes de la fermeture de France 4 – et, ajouterai-je, de France Ô : premièrement, la couverture totale du territoire national en haut débit ; deuxièmement, une évaluation et un bilan dix-huit mois après le lancement des plateformes numériques, afin d'en mesurer les performances. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI et sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR.)
Suppression annoncée de Soir 3, dont les audiences atteignent des records – 700 000 à 1,5 million de téléspectateurs ; suppression de France Ô et de France 4 ; des économies supérieures à ce qui était prévu pour Radio France : monsieur le ministre, n'êtes-vous pas tout simplement en train de détruire ce qui fonctionne ? Quel ministre de la culture voulez-vous être... (M. le président coupe le micro de l'oratrice.) (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.
M. Fabien Di Filippo. Le fossoyeur de la culture, oui !
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la députée, le Gouvernement a une grande ambition pour son audiovisuel public (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR) : il veut en faire une référence, je dirais même la référence, en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Pierre Cordier. En réduisant ses moyens ?
M. Franck Riester, ministre . Pour y parvenir, nous devons adapter l'organisation de l'audiovisuel public et lui donner les moyens de s'ajuster aux usages de nos compatriotes. Car, vous le savez bien, la révolution numérique modifie la façon dont les Français regardent la télévision. Nous devons accompagner le volontarisme des directions des différentes entreprises de l'audiovisuel public pour transformer en profondeur l'offre proposée à nos compatriotes... (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Christian Hutin. Langue de bois !
M. Franck Riester, ministre. ...afin de mieux se différencier du secteur privé et présenter davantage de contenus audiovisuels sur internet, où les jeunes les regardent davantage, nous le savons, que ne le font leurs aînés.
La future grande loi sur l'audiovisuel,…
M. Fabien Di Filippo. La start-up nation !
M. Franck Riester, ministre . …qui traitera naturellement de la régulation et du financement de la création, nous donnera l'occasion d'aborder la gouvernance (Exclamations sur les bancs du groupe FI) et de réorganiser l'audiovisuel public au service de nos compatriotes et de leurs usages.
Concernant la question spécifique de l'animation, il est bien évident que nous devons réorganiser les antennes sans supprimer les contenus liés à l'outre-mer – sachant que France Ô va fermer en 2020 (Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI) – ni ceux de l'animation.
M. Pierre Cordier. Vous ne regardez jamais Gulli, monsieur le ministre !
M. Franck Riester, ministre. Voilà pourquoi nous attendons avec ambition le projet des directions, notamment de celle de France Télévisions, pour montrer que les contenus d'animation seront toujours très présents, et même encore plus qu'auparavant sur les réseaux sociaux et sur internet, comme le seront les contenus liés à l'outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Frédérique Dumas
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2019