Question au Gouvernement n° 2120 :
accord avec le Mercosur

15e Législature

Question de : M. Thierry Benoit
Ille-et-Vilaine (6e circonscription) - UDI et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 3 juillet 2019


ACCORD AVEC LE MERCOSUR

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je voudrais revenir sur l'accord commercial avec le Mercosur pour l'aborder sous l'angle agricole, et plus précisément sous celui des politiques de filières de l'industrie agroalimentaire.

Cet accord a été qualifié de « bon à ce stade » par le Président de la République.

M. Jean-Paul Lecoq. Quelle mauvaise analyse ! On sait qu'il est mauvais !

M. Thierry Benoit. Cela signifie que l'affaire n'est pas terminée – c'est tout du moins ce que je pressens. Pour ma part, monsieur le ministre, je veux dénoncer ses conditions : signer ce type d'accord, pour une Commission européenne qui arrive au terme de son mandat et en plein Brexit, c'est une honte ! Je le dis tout simplement, c'est une honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI.)

M. Pierre Cordier. C'est scandaleux !

M. Thierry Benoit. En disant cela, monsieur le ministre de l'agriculture, je ne vous attaque pas ; je n'attaque pas non plus le Gouvernement.

Prenons un exemple concret : je suis député de Bretagne et voudrais vous parler de la filière volaille qui est développée dans l'Ouest. Ses acteurs font, notamment en Bretagne, des efforts pour la structurer et l'orienter vers l'excellence et la haute qualité nutritionnelle.

900 000 tonnes de poulet sont aujourd'hui importées ; les Anglais en consomment 400 000 tonnes. Or ils vont quitter l'Union européenne. Pourtant, l'accord avec le Mercosur prévoit 180 000 tonnes d'importations supplémentaires : on va donc fragiliser, pour ne parler que de celle-ci, la filière volaille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur quelques bancs des groupes LT, LR et GDR et parmi les députés non inscrits.)

Il faut donc, monsieur le ministre, intervenir au plus haut niveau. Les Brésiliens n'exportent pas vers les États-Unis, parce que ceux-ci ne veulent pas de poulet brésilien. Pourquoi ce qui n'est pas bon pour l'Amérique le serait-il pour l'Europe ?

On ne peut pas rester dans cette situation : monsieur le ministre, vous devez, avec le Président de la République, pousser tous les feux pour dénoncer cet accord et pour qu'il soit renégocié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LT et LR et parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Fossoyeur de l'agriculture !

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre accueil très chaleureux ! Monsieur le député, je vous remercie pour votre question.

Il n'y aura pas d'accord à n'importe quel prix, et l'histoire n'est pas terminée – vous l'avez dit et je vous remercie de l'avoir rappelé.

C'est, je le crois, très important : nous devons encore, mesdames et messieurs les députés, faire preuve de prudence, car nous parlons d'un texte qu'aucun d'entre nous n'a eu entre les mains ou lu.

M. Pierre-Henri Dumont. Le Gouvernement ne l'a pas eu ?

M. Didier Guillaume, ministre . Nous parlons d'un accord conclu par la Commission européenne sortante et que personne n'a eu entre les mains. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM - Exclamations sur les bancs des groupes UDI-I, LR, GDR et SOC.)

Soyons donc prudents. Comme l'ont dit le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le secrétaire d'État, attendons de savoir ce qu'il y a exactement dans ce texte.

M. Sébastien Jumel. Le Président de la République l'a signé !

M. David Habib. C'est incroyable !

M. Didier Guillaume, ministre . Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement tout entier, et moi-même en particulier, serons vigilants : je ne serai pas le ministre qui aura sacrifié l'agriculture française sur l'autel d'un accord international ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Vous pouvez faire des moulinets avec les bras et tout ce que vous voulez : aujourd'hui, une majorité de l'Union européenne a voulu signer un accord, et vous le ratifierez ou non ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Christian Hutin. Évidemment, vous n'en avez pas parlé pendant la campagne !

M. Didier Guillaume, ministre . Je vous le dis très franchement : je serai vigilant et cet accord ne pourra pas être signé si, concernant le bœuf sur lequel il y a tant de quotas, nous n'avons pas de certitudes sur la traçabilité, le bien-être animal et les antibiotiques.

Si tel était le cas, alors il ne pourrait pas y avoir d'accord. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

M. Sébastien Jumel. Il faut le déchirer !

M. Jean-Paul Dufrègne. Et comment !

M. Didier Guillaume, ministre . Vous pouvez crier, vous pouvez vociférer, c'est la réalité, mesdames et messieurs ! Il en va de même pour le sucre : déstabiliser aujourd'hui la filière sucrière, qui connaît tant de difficultés, ne serait pas acceptable.

S'agissant de la filière volaille, qui concerne évidemment de façon spécifique votre région, monsieur le député, nous allons étudier sa situation. Alors, oui, l'histoire n'est pas terminée, et la ratification ne se fera qu'à la condition que l'agriculture française n'en sorte pas amoindrie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Thierry Benoit

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juillet 2019

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