élection présidentielle en Tunisie
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 11 septembre 2019
ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN TUNISIE
M. le président. La parole est à M. le président Jean-Christophe Lagarde.
M. Raphaël Schellenberger. Président de quel groupe ? Cela change tout le temps !
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la situation en Tunisie, où se tiendra dans deux jours une élection présidentielle suite au décès du président tunisien. Le 23 août dernier, le candidat donné favori par les sondages a été arrêté et incarcéré. Il se trouve actuellement derrière les barreaux, si bien que c'est une chaise vide qui l'a représenté lors du débat entre les candidats à l'élection présidentielle organisé hier. Celui qui doit arriver en tête du premier tour et donc participer au duel du second tour, si l'on en croit des sondages tunisiens, se trouve ainsi une nouvelle fois empêché d'exposer librement son projet. Ce faisant, c'est l'ensemble des Tunisiens qui se trouvent empêchés d'exprimer un choix démocratique.
Je comprends bien que le rôle de la France n'est pas de s'immiscer dans les affaires judiciaires tunisiennes. Cependant, monsieur le Premier ministre, dans quelle démocratie voit-on, trois semaines avant le premier tour d'une élection présidentielle, le principal candidat incarcéré et accusé d'évasion fiscale et de blanchiment ?
Monsieur le Premier ministre, nous avons tous vu avec bonheur et espoir le printemps arabe qui a commencé en Tunisie. Nous avons vu que les Tunisiens étaient capables de résister aux dérives qu'ils ont connues par le passé. Or, aujourd'hui, nombreux sont les Français et, je crois, les Tunisiens qui s'inquiètent du déroulement d'un processus démocratique que l'on peut pour le moins qualifier de curieux, d'inquiétant, d'unique en son genre. La France, qui entretient des relations anciennes et amicales avec la Tunisie, se doit, me semble-t-il, d'exprimer cette inquiétude et d'exiger que le candidat puisse, le temps de l'élection, présenter son programme, au moins entre les deux tours.
Permettez-moi une plaisanterie, monsieur le Premier ministre. D'habitude, l'incarcération sert à empêcher la fuite. Or, quand on est candidat à une élection présidentielle, on ne cherche pas à fuir ; c'est plutôt le régime qui connaît une fuite en avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Jean Lassalle applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, vous m'interrogez sur les échéances électorales et l'élection présidentielle en Tunisie. Vous avez rappelé à juste titre les relations anciennes entre nos deux pays, qui sont des relations amicales, mais aussi des relations d'espoir puisque la Tunisie a connu il y a quelques années, comme la France, la déstabilisation terroriste – elle a fait le choix d'une vitalité démocratique qui lui permet de regarder le futur avec confiance.
Alors que le président Essebsi s'est éteint le 25 juillet dernier, une élection présidentielle doit se tenir afin de désigner un nouveau président de la République ; elle sera suivie d'élections législatives. En disparaissant, le président Essebsi a laissé un vide dans la vie politique et démocratique tunisienne. Il était, je crois, l'un des pères de la démocratie tunisienne et de la Tunisie moderne.
Organiser des élections dans un pays qui revient à la démocratie, ce n'est jamais simple, jamais acquis. C'est toujours un défi. La Tunisie doit donc aborder ce défi avec confiance – elle l'aborde, du reste, avec l'envie de montrer qu'elle n'a pas varié dans le choix fondamental qu'elle a réalisé.
L'objectif de la France est de faire en sorte que ces échéances électorales se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Vous avez vous-même déclaré, monsieur le président Lagarde, qu'il n'appartient pas à notre pays – et certainement pas au Premier ministre – de s'immiscer ou même de commenter le fonctionnement des institutions judiciaires en Tunisie, ni les conditions générales d'organisation de l'élection. Comme vous, monsieur le président Lagarde, j'ai pris note de l'arrestation de l'un des candidats à l'élection présidentielle tunisienne. Je ne veux pas commenter cette décision prise par une autorité juridictionnelle, mais je veux dire combien nous sommes attentifs et confiants dans la capacité de ce pays à s'inscrire dans la ligne qu'il a lui-même choisie et que nous soutenons, politiquement et diplomatiquement, avec beaucoup d'engagement.
Ce qui se joue dans la démocratie tunisienne est essentiel non seulement pour la Tunisie – vous l'avez indiqué vous-même, monsieur le président Lagarde –, mais aussi pour la région entière, probablement pour la Méditerranée occidentale, et donc pour la France. À la suite de vos propos, je veux donc adresser à nos amis tunisiens un message de très grande attention, de très grande amitié, de très grande confiance et de très grand espoir que l'élection présidentielle puis les élections législatives seront à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 septembre 2019