Question au Gouvernement n° 2222 :
INCENDIE DE L'USINE LUBRIZOL DE ROUEN

15e Législature

Question de : M. Christophe Bouillon
Seine-Maritime (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2019


INCENDIE DE L'USINE LUBRIZOL DE ROUEN

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, dans la nuit, un grave incendie a ravagé une partie de l'usine Lubrizol de Rouen, provoquant une fumée noire que les habitants n'hésitent pas à comparer à une véritable marée noire sur terre.

À ce stade, mon propos n'est pas de rechercher les responsabilités. Les enquêtes internes, administratives et judiciaires doivent le faire et, espérons-le, le plus vite possible.

Mon propos n'est pas de mettre en cause l'action des agents publics. Les sapeurs-pompiers ont été remarquables de courage, tout comme les salariés qui ont contribué à maîtriser l'incendie.

Mon propos n'est pas polémique, même s'il y a eu des ratés localement dans la gestion de crise. Des maires ont été livrés à eux-mêmes et la population n'a pas eu les réponses attendues. Résultat : la défiance s'est installée. Il faut désormais rétablir la confiance.

Nous vous faisons des propositions allant dans le sens d'une transparence accrue et de réponses plus concrètes. La transparence n'est pas une faveur, c'est l'héritage laissé par Jacques Chirac dans la Charte de l'environnement.

Nous vous demandons la reconnaissance de l'état de catastrophe technologique. Ce serait un signal fort qu'attend la population, une mesure concrète qui permettrait les indemnisations.

Nous vous demandons la mise en place d'un véritable plan de suivi médical, à l'image de ce qui a été fait lors de l'accident survenu dans l'usine AZF de Toulouse. Les fumées et les odeurs ont provoqué des vomissements, des irritations. La nature des produits inquiète ; il faut suivre l'état sanitaire dans la durée.

Nous vous demandons de transmettre dans les plus brefs délais la liste complète et la composition des produits entreposés. Je m'étonne que nous n'ayons pas encore ces informations.

Enfin, nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire pour que nous puissions disposer d'un retour d'expérience qui nous permettra de faire des propositions concrètes afin de renforcer, si besoin est, le contrôle des installations classées, d'améliorer les dispositifs d'alerte et de garantir aux populations concernées une information sérieuse et indépendante.

Nous voulons agir de manière responsable. Vous dites vouloir la vérité pour les habitants et nous la voulons aussi. Mais nous leur devons plus que la vérité, nous leur devons la sérénité. En ce moment, monsieur le Premier ministre, les Normands ne sont pas sereins, ils sont en colère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, sur quelques bancs des groupes FI et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits. – Mme Marine Brenier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, j'étais avec vous hier soir sur le site afin de mesurer l'ampleur de l'incendie et remercier, comme vous l'avez fait, les sapeurs-pompiers, le corps préfectoral ainsi que les personnels de l'État et des collectivités du remarquable travail effectué aux premières heures de l'incendie pour éviter que le drame n'ait pas de conséquences encore plus graves.

Je comprends parfaitement l'émotion et l'inquiétude des Rouennais, de tous les habitants de la métropole et des communes qui ont été survolées par le nuage. Cette inquiétude est parfaitement légitime : il faut l'entendre, la prendre au sérieux et non pas l'écarter d'un revers de main. Nous devons apporter des réponses claires.

Devant la représentation nationale, je rappelle l'engagement de transparence absolue du Gouvernement. Toutes les informations, toutes les données scientifiques sont et seront rendues publiques.

Dans ces circonstances, il peut arriver que de fausses informations circulent. C'est arrivé depuis jeudi : de fausses informations et même de faux communiqués de presse de la préfecture de Seine-Maritime ont été diffusés. Pour quelles raisons ? Je ne le sais pas, mais cela peut se produire et nous avons, vous et moi, un exemple précis en tête.

Dans cette assemblée, je voudrais rendre hommage à tous les élus de la métropole rouennaise. Ils sont exigeants à l'égard des services de l'État et de l'industriel concerné mais ont, depuis le début de cette catastrophe industrielle, une attitude exemplaire.

Dès le premier jour, nous avons souhaité appliquer le principe de précaution avec vigilance, au fur et à mesure que les événements se déroulaient. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé des recommandations claires, qui ont été transmises à la population. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons procédé très rapidement au nettoyage nécessaire, notamment dans les écoles avant qu'elles ne rouvrent hier.

Dès vendredi dernier, une campagne de surveillance approfondie de tous les effets sur l'eau, l'air et les sols a été lancée et des prélèvements ont été effectués. Les résultats sont rendus publics au fur et à mesure de leur arrivée.

J'ai demandé au préfet de Normandie de rendre compte au public de l'avancée des travaux, chaque jour en fin d'après-midi, lors d'une conférence de presse. Le préfet sera assisté par une cellule nationale d'appui scientifique comprenant notamment le directeur général de l'Institut national de l'environnement industriel – INERIS –, l'organisme chargé de l'expertise en matière de risques industriels en France, un expert de Santé publique France, l'organisme chargé de protéger la santé des populations, et le chef du service de pneumologie du centre hospitalier universitaire de Rouen.

Depuis fin 2017, pour des raisons de sécurité que chacun peut comprendre, la liste complète des substances présentes sur les sites classés Seveso est connue mais n'est plus rendue publique.

Mme Delphine Batho. Ah non ! Pas dans ces circonstances !

M. le président. Madame Batho !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Par exception, cet après-midi, le préfet va publier la liste des produits stockés dans les bâtiments incendiés ainsi que les quantités qui ont brûlé. J'en prends l'engagement ferme à cette tribune, et il sera tenu.

Nous ne savons pas encore tout, monsieur le député, parce que toutes les analyses ne sont pas achevées. Mais je voudrais rappeler ce que nous savons d'ores et déjà.

Tous les résultats des prélèvements dont nous disposons et qui sont publics font apparaître un état habituel de la qualité de l'air sur le plan sanitaire en dehors du site. Des analyses complémentaires ont été engagées pour savoir si des fibres d'amiante sont présentes dans l'air, puisque la toiture des bâtiments qui ont brûlé en contenait. Les premiers résultats des mesures effectuées dans un rayon de 300 mètres seront disponibles dans la journée.

Pour les avoir perçues hier, je n'ignore pas les odeurs incommodantes qui persistent et peuvent perdurer. Nous avons conscience qu'elles gênent et inquiètent la population, mais là encore, les autorités sanitaires nous ont confirmé qu'elles ne présentaient pas de risques pour la santé.

Monsieur le député, il y aurait beaucoup d'autres choses à dire sur les retombées du panache de fumée sur la qualité de l'eau. Si vous me le permettez, je vais répondre sur ces points au fur et à mesure qu'ils seront abordés dans les questions. Je ne veux pas abuser de ma qualité de Premier ministre pour m'étendre trop longuement.

Cependant, j'aimerais dire quelques mots sur la reconnaissance de l'état de catastrophe technologique, que vous avez demandée. La loi Bachelot de 2003 a créé un régime d'indemnisation des victimes de catastrophes technologiques. Ce régime concerne les accidents entraînant de lourdes conséquences sur les biens immobiliers ou mobiliers – ce n'est d'ailleurs pas surprenant car il a été créé à la suite de l'explosion de l'usine d'AZF, qui avait provoqué la destruction d'un nombre considérable de logements. Au moment où je vous parle, monsieur le député, je ne suis pas sûr que les conditions d'application précises soient réunies en l'espèce. En tout cas, je veillerai à ce que cela ne nous conduise pas à exonérer l'industriel qui est, sur le plan juridique, le premier responsable des effets de l'incendie sur l'environnement.

Quant à votre demande de mise en place d'un suivi médical de long terme, j'y suis évidemment favorable. Les autorités sanitaires locales s'en chargeront. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Christophe Bouillon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2019

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