DÉRIVES MAFIEUSES EN CORSE
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2019
DÉRIVES MAFIEUSES EN CORSE
M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani. Je tiens à présenter à mon tour, au nom du groupe Libertés et territoires, un hommage au président Chirac ainsi que mes condoléances à sa famille. J'ai également une pensée pour mon collègue Sylvain Brial, de Wallis-et-Futuna, toujours hospitalisé.
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la dérive mafieuse en Corse. Le phénomène crapuleux de droit commun y avance à visage découvert, au grand jour et en costume, faisant pression depuis des décennies sur les marchés publics et la délivrance abusive des permis de construire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT et FI ainsi que parmi les députés non inscrits.)
M. Pierre Cordier. C'est grave !
M. Paul-André Colombani. Si l'on considère le nombre d'homicides par habitant, la région la plus criminogène d'Europe n'est pas la Sicile ni la Calabre, mais la Corse. Cela n'honore personne ici.
La société corse a effectué une prise de conscience mais elle ne peut, à court terme, se faire justice elle-même. Au vu de l'actualité d'hier, je déplore que certains fassent l'erreur de retourner à la violence politique.
La Collectivité de Corse, elle, ne salarie ni policiers ni magistrats. Elle ne dispose pas de compétences régaliennes. Les autonomistes ne les demandent pas ; ce qu'ils demandent, ce sont des outils institutionnels et normatifs pour mener des politiques publiques de long terme contre la spéculation, la pauvreté et le sous-développement qui sont le terreau de la dérive mafieuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT et FI ainsi que parmi les députés non inscrits.) Nous pouvons vous aider à la prévenir, mais c'est à vous seuls de la combattre en y mettant la volonté politique et les moyens humains. Un échec en la matière serait le vôtre, et uniquement le vôtre.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT et FI ainsi que parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Vous avez raison, monsieur le député, d'évoquer les très fortes tensions que nous connaissons actuellement en Corse : huit homicides depuis le début de l'année, deux tentatives avortées…
M. Pierre Cordier. C'est grave !
M. Christophe Castaner, ministre . …et un niveau de violence totalement insupportable. Les règlements de comptes de ces derniers mois, même s'ils s'inscrivent dans la norme statistique que nous avons malheureusement connue en 2018, 2017 et 2016,…
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas une réponse !
M. Christophe Castaner, ministre . …montrent bien que nous devons aujourd'hui soutenir d'abord celles et ceux qui enquêtent, sans relâche. Je voudrais d'ailleurs souligner devant la représentation nationale que nous avons aujourd'hui en Corse un taux de mise en cause largement supérieur à la moyenne, ce qui signifie que les auteurs et les commanditaires de ces actes seront déférés devant la justice.
M. Pierre Cordier. Très bien !
M. Christophe Castaner, ministre . Je prends acte de vos propos, monsieur le député, mais aussi des initiatives du collectif antimafia qui vient de se mettre en place et qui, comme vous, dénonce une forme d'omerta, d'empêchement, en particulier pour les collectivités locales. La collusion que vous avez évoquée entre ces grands groupes criminels et une partie du monde politique est effectivement insupportable.
C'est la raison pour laquelle la préfecture et les services de l'État veillent tout particulièrement à l'exercice du contrôle de légalité, tant en matière d'occupation du domaine public, de délivrance des permis de construire que de passation d'importants marchés. Dans ces domaines, nous devons être totalement mobilisés.
Mais comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, le meilleur moyen d'œuvrer pour la sérénité des habitants de la Corse est de travailler avec l'ensemble des élus au développement économique de l'île. C'est le message que le Premier ministre a porté lors de son récent déplacement, et c'est ce qu'incarne le plan de transformation et d'investissement pour la Corse, qui prolongera le plan exceptionnel d'investissement au-delà de 2020 et sur lequel nous devons tous nous retrouver. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani. Je n'ai pas entendu beaucoup de mesures concrètes pour faire face à l'urgence et aux priorités qui sont celles de la Corse aujourd'hui. (« Eh non ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier. Pas de blabla, des résultats !
M. Paul-André Colombani. Il y a quelques jours, on a assassiné un jeune homme, Maxime Susini. Il y a quelques années, on avait assassiné un directeur du conseil général de Haute-Corse. Aujourd'hui, il faut des mesures concrètes pour que la Corse ne connaisse plus ces problèmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT et FI, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre. Les mesures concrètes, monsieur le député, c'est d'abord l'engagement total de nos forces de sécurité dans la lutte contre le fléau que sont ces homicides, dont vous noterez que le nombre n'a quasiment pas cessé de baisser au cours des dix dernières années.
M. Pierre Cordier et M. Fabien Di Filippo . C'est faux !
M. Christophe Castaner, ministre . C'est plutôt une bonne nouvelle, même s'il reste à un niveau trop important.
Surtout, monsieur le député, il s'agit de définir ensemble…
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2019