Question au Gouvernement n° 2261 :
Sanctions contre l'Iran

15e Législature

Question de : Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 2019


SANCTIONS CONTRE L'IRAN

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. En 2015, à Vienne, un accord historique a été signé avec l'Iran sur le nucléaire. Mais alors que les Iraniens en respectaient les termes, comme l'atteste l'Agence internationale de l'énergie atomique et comme M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères lui-même l'a rappelé à plusieurs reprises, Donald Trump a décidé d'en sortir en mai 2018. J'aurais donc voulu interroger M. Le Drian sur le respect par la France de cet accord dont nous prétendons ne pas être sortis.

À l'ONU, le Président de la République a affirmé que « les conditions d'une reprise rapide des négociations ont été créées », alors que, sur le fond, il est évident que les désaccords demeurent. En effet, les Américains ont décidé de revoir unilatéralement le périmètre même de l'accord en remettant en cause le programme balistique conventionnel de l'Iran et l'influence de ce pays au Moyen-Orient. Or il est évident que les Iraniens ne renonceront jamais à leur programme conventionnel. Chacun peut le comprendre : ne pas se doter de l'arme nucléaire est une chose, ne détenir aucun moyen classique de défense et de dissuasion en est une autre. Quant à l'influence de l'Iran en Syrie, au Liban, en Irak ou encore au Yémen, personne ne peut la nier. Certes, elle peut être contestée dans ses modalités et dans sa forme, mais ne soyons pas naïfs : nous proposer en échange d'un changement de position vis-à-vis de l'Iran de nous en remettre aux Américains, à l'Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis pour résoudre les problèmes dans la région, assurer notre sécurité et combattre Daech, ne peut pas être et ne sera jamais une solution.

Il nous appartient de savoir à quelles conditions nous pouvons respecter nos propres engagements. C'est une chose que la France, l'Angleterre et l'Allemagne ne puissent en respecter une partie du fait des sanctions extraterritoriales, mais c'en est une autre que notre pays ne réalise plus aucun échange avec l'Iran, y compris dans les secteurs qui, comme les médicaments, ne sont pas concernés par ces sanctions !

Que pesons-nous, il est vrai, face à la détermination d'un président américain capable, hier encore, de proposer de lâcher les combattants kurdes qui depuis des mois se battent sur le terrain et donnent leurs vies pour assurer notre sécurité et notre liberté ? La France va-t-elle au moins renoncer à tenir le même discours que Mike Pompeo, sachant que cette politique – demander le réexamen d'un accord qui était pourtant respecté avant la pression maximale soit mise sur l'Iran – mène à une véritable impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Caroline Janvier et M. Éric Coquerel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Je vous prie, madame la députée, d'excuser l'absence de M. le ministre des affaires étrangères et de l'Europe, qui ne pouvait aujourd'hui être présent parmi nous.

S'agissant de l'Iran, pays sur lequel vous interrogez le ministre, je voudrais d'abord vous rappeler le double objectif agréé par les chefs d'État du G7 à Biarritz au mois d'août dernier : empêcher que l'Iran ne se dote de l'arme nucléaire, car ce serait aggraver l'instabilité d'une région traversée de graves tensions, mais aussi éviter que l'escalade à laquelle nous assistons actuellement ne débouche sur un conflit armé.

À l'issue de l'Assemblée générale des Nations unies, où la question iranienne a fait l'objet de nombreux échanges, le ministre constate qu'il reste, aujourd'hui encore, un espace politique pour poursuivre les efforts entamés lors du G7 de Biarritz en faveur d'une désescalade. Mais ne nous le cachons pas : cet espace est évidemment contraint par les annonces faites en septembre par les Iraniens d'une nouvelle réduction de leurs obligations au titre de l'accord de Vienne, mais aussi par les attaques conduites contre l'Arabie Saoudite le 14 septembre dernier. La France a voulu en établir les responsabilités, et c'est ce qu'elle a fait le 23 septembre à New York, avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, sur le fondement d'une analyse autonome de ses experts.

M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État . Nous estimons qu'il n'y a pas d'autres explications possibles et que c'est bien l'Iran qui porte la responsabilité de cette attaque.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État. Mais le ministre a constaté que toutes les parties, aussi bien les États-Unis que l'Iran, étaient intéressées à construire une base de travail à partir d'un certain nombre de paramètres dont le Président de la République s'est fait l'écho lors de l'Assemblée générale des Nations unies : l'Iran ne doit pas pouvoir se doter d'une arme nucléaire ; il faut un règlement de la crise du Yémen ; un plan de sécurité régionale doit être construit ; enfin, il faut une levée des sanctions économiques qui pèsent sur l'Iran. Ces paramètres une fois posés, l'espace existe et il faut s'en saisir maintenant.

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Dumas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Porte-parole du Gouvernement

Ministère répondant : Porte-parole du Gouvernement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 2019

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