Question au Gouvernement n° 2275 :
Offensive turque en Syrie et situation des kurdes

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 2019


OFFENSIVE TURQUE EN SYRIE ET SITUATION DES KURDES

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Après la décision folle du président américain – une de plus – de retirer ses troupes de Syrie, la Turquie a envahi, il y a près d'une semaine, le Rojava, région située au nord de la Syrie et jusqu'à présent gouvernée par nos amis et alliés kurdes. Ces derniers meurent sous les coups de boutoir de l'armée turque.

Qui sont ces hommes et ces femmes qui meurent sous les balles et les bombes turques ? Ceux qui ont fourni le principal effort de guerre contre Daech, déplorant plus de 10 000 morts ; contre Daech, c'est-à-dire contre les commanditaires des attentats de Paris et les suivants, perpétrés contre nos concitoyens.

Par qui sont-ils massacrés ? Par l'armée turque, censée être notre alliée – même si je sais depuis longtemps qu'il s'agit d'une fiction –, associée à des forces liées à Al-Qaïda, c'est-à-dire aux auteurs des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher.

Si la France et les occidentaux protestent, nous n'allons pas au-delà des mots. Les sanctions annoncées par M. Trump cette nuit sont un sabre de bois ridicule destiné à laisser le temps à l'armée turque d'établir un état de fait militaire.

Quant à l'Europe, elle tremble devant la menace d'un nouveau flot de réfugiés et la libération de terroristes qui risquent de revenir nous combattre sur notre territoire.

Pourtant, les moyens de pression sur la Turquie existent : l'interdiction de survol aérien pour les avions qui bombardent en ce moment des populations civiles en fuite ; l'application de vraies sanctions économiques : la Turquie exporte 50 % de sa production en direction de l'Union européenne, nous pouvons la menacer d'y mettre un terme ; enfin, la suspension de sa participation à l'OTAN.

Monsieur le Premier ministre, le groupe UDI, Agir et Indépendants attend que la France adopte une position de leadership en Europe, pour une véritable réaction, qui ne soit pas faite seulement de mots, mais comporte des sanctions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes GDR et FI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. L'offensive turque en Syrie est d'une portée sans précédent ; elle est à la fois permise et renforcée dans ses effets par le retrait unilatéral décidé par les Américains.

Chaque jour, chaque heure qui passe, nous mesurons les conséquences dévastatrices de ces deux décisions.

Pour les Forces démocratiques syriennes d'abord – vous avez dit ce que nous leur devons ; pour les populations civiles ensuite, qui ont fui les combats en se jetant sur les routes ; pour notre sécurité collective, enfin : la résurgence de Daech au nord-est syrien est inévitable, de même probablement qu'au nord-ouest irakien, ce qui déstabiliserait un régime qui n'en a nul besoin.

Les conséquences sont dévastatrices également pour la recherche d'une solution politique en Syrie, laquelle s'éloigne un peu davantage avec chaque avancée de l'offensive turque.

Vous avez raison, l'Europe, par son poids économique et démographique, représente un partenaire clé d'Ankara. Il est de notre responsabilité de mettre la Turquie devant les siennes. C'est le sens de la condamnation la plus ferme de l'offensive militaire turque, que j'ai évoquée en répondant à Mme de Sarnez et que je répète ; c'est le sens de la mobilisation de l'ensemble des forums dans lesquelles sont prises les décisions multilatérales. J'insiste sur cette dimension : il n'est pas anodin de vouloir opposer des réponses multilatérales aux décisions unilatérales si nous voulons qu'elles soient pérennes et efficaces – même si je suis d'accord avec vous : c'est plus lent et plus incertain.

L'Europe a également opposé des actes à l'offensive turque : avec l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande et le Royaume-Uni, la France a suspendu ses exportations d'armes vers la Turquie ; avec nos partenaires de l'Union européenne, nous poursuivrons les initiatives susceptibles de conduire la Turquie à mettre un terme à cette opération – nous prenons notamment en considération les possibilités commerciales que vous avez citées.

Nous voulons par ailleurs maintenir le dialogue avec Ankara. En effet, même si nous déplorons et condamnons la décision prise par le gouvernement et le président turcs, cela est utile et le sera à l'avenir. Quelque appréciation que nous portions sur cette décision – j'ai dit celle du Gouvernement –, la Turquie est une puissance située à un endroit stratégique, avec laquelle nous devons agir, composer, construire.

Tel est le sens des relations que nous entretenons avec cet État ; elles ne sont pas simples et aucune des décisions prises par le Gouvernement turc ne les facilite. Nous devons, monsieur Lagarde, tenir une conduite digne avec nos alliés et rappeler fermement nos responsabilités communes à la coalition et aux Américains.

Il nous faut expliquer à la Turquie que cette action unilatérale et violente ne peut aboutir à aucune solution durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur les bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 octobre 2019

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