Question au Gouvernement n° 2299 :
Offensive turque en Syrie et situation des Kurdes

15e Législature

Question de : M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 2019


OFFENSIVE TURQUE EN SYRIE ET SITUATION DES KURDES

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Monsieur le ministre, après bien d'autres dans cette séance, cette ultime question dit la gravité de la situation.

Depuis une semaine, l'armée turque frappe, sans relâche et sans retenue, les populations kurdes, nos alliés dans la bataille contre le terrorisme, avec l'assentiment coupable du président Trump, un président inconstant mais coupable, dont la trahison – des combattants kurdes, des Européens, de l'Alliance atlantique, des démocrates turcs – le dispute au cynisme criminel du président Erdogan.

Des villages, des villes ont été frappés par des bombardements faisant des centaines de morts, de nombreux blessés, ainsi que des dizaines de milliers de déplacés, et provoquant l'arrêt total de l'aide humanitaire. Les témoignages d'exactions de milices supplétives se multiplient et les djihadistes s'évadent des prisons kurdes.

De nombreuses voix s'élèvent. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse, et je ne doute pas de votre sincérité, mais je déplore l'extrême faiblesse de l'Union européenne dans cette affaire. Je m'interroge, à dire vrai, sur notre détermination : faisons-nous ce que la situation commande, en particulier s'agissant des populations civiles ? Parce qu'il est de notre devoir aujourd'hui de passer de la désapprobation à l'action avant que le massacre complet des populations civiles kurdes n'advienne ; avant un accrochage avec l'armée syrienne dont nous ne mesurons pas les répercussions ; avant que la Turquie, dans son ensemble, ne sombre dans l'abîme, car tous les Turcs, j'y insiste, ne suivent pas le président dans sa folie nationaliste ; avant que notre sécurité ne soit menacée par le retour des djihadistes – voilà ce qu'il advient lorsqu'on délègue à des régimes instables une justice que l'on devrait exercer soi-même dans le respect des droits de la défense et avec la garantie d'une incarcération durable ; avant que les enfants des djihadistes, français pour certains, à qui nous devons protection, ne soient sacrifiés.

Notre sécurité et notre honneur sont aujourd'hui engagés. Ma question est simple, monsieur le ministre : puisque la diplomatie n'est pas la part faible de la force, pourquoi la France ne s'appuie-t-elle pas sur la résolution 377 (V), « Union pour le maintien de la paix », du 3 novembre 1950 pour surmonter le blocage du Conseil de sécurité en transférant à l'Assemblée générale la question syrienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. De nombreuses réponses ont été apportées sur la crise qui s'est ouverte dans le nord-est syrien. Je n'y reviens pas, mais je voudrais réagir personnellement à votre interpellation.

J'ai vécu deux moments difficiles dans la guerre civile syrienne. J'ai vécu la soirée du 31 août 2013 comme ministre de la défense, et j'ai vu l'impact d'une décision américaine de non-action. Je vis aujourd'hui comme ministre des affaires étrangères, avec d'autres, une autre décision américaine de non-action, celle de laisser faire l'offensive turque dans le Rojava.

Cette deuxième alerte, je la vis comme l'illustration de la nécessité d'un tournant stratégique, ainsi que de l'impérieux besoin d'une Europe puissance, d'un renforcement de la souveraineté européenne, et d'une affirmation de l'autonomie stratégique européenne.

M. Jean-Paul Lecoq. Et de sortir de l'OTAN !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Cette deuxième alerte, je la vis comme la preuve de l'obligation pour les Européens d'arrêter de subir, sinon ils sortiront de l'histoire (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM), sinon l'Europe deviendra le théâtre de jeux d'influence des puissances extérieures, elle sera ballottée au gré des vents contraires et de décisions parfois absurdes.

M. Jean-Paul Lecoq. C'est joli, mais que fait-on ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cette deuxième alerte, je la vis personnellement comme un appel au sursaut (Mêmes mouvements) d'une Union européenne vraiment géopolitique telle que la conçoit le projet de Mme von der Leyen.

Surtout, je vis cette deuxième alerte comme une raison supplémentaire de soutenir le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM) parce que son agenda de renforcement de la souveraineté européenne correspond à ce que je viens de décrire.

Données clés

Auteur : M. Boris Vallaud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 octobre 2019

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