Question au Gouvernement n° 2387 :
immolation d'un étudiant à Lyon

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 2019


IMMOLATION D'UN ÉTUDIANT À LYON

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il y a les chiffres : plus 400 000 pauvres en 2018 selon l’INSEE, en lien avec les mesures fiscales prises par votre Gouvernement. Il y a les faits : le Secours catholique alerte sur la précarité croissante des femmes, salariés, retraités, jeunes. Il suffit désormais de bien peu pour perdre pied. De petits incidents comme une perte de revenus, une facture plus élevée que prévu, des droits versés avec un peu de retard, peuvent vous faire basculer.

Il y a les basculements et en particulier celui de cet étudiant, un môme de vingt-deux ans, qui s’est immolé par le feu vendredi dernier, devant le centre régional des œuvres universitaires et scolaires – CROUS – de Lyon, et qui est actuellement entre la vie et la mort.

Il y a ses mots, implacables, qui accusent et obligent : « Aujourd'hui, je vais commettre l’irréparable », écrit-il. « Si je vise le bâtiment du CROUS à Lyon, ce n’est pas par hasard, je vise un lieu politique, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et, par extension, le Gouvernement. Cette année […] je n'avais pas de bourse, et même quand j'en avais, 450 euros mois, est-ce suffisant pour vivre ? Doit-on continuer à survivre comme nous le faisons aujourd'hui ? Et après ces études, combien de temps devrons-nous travailler, cotiser pour une retraite décente ? Pourrons-nous cotiser avec un chômage de masse ? »

Monsieur le Premier ministre, la précarité tue. Elle est une composante et une conséquence de vos politiques antisociales. À partir de combien de morts et de mortes y mettrez-vous un terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Ce qui s'est passé à Lyon, vendredi dernier, est une tragédie. C'est un drame de voir un jeune chercher à mettre fin à ses jours en s'immolant. C'est un drame de lire ce qu'écrit ce jeune sur les difficultés qu'il rencontrait dans sa vie quotidienne au point de voir cet acte d'immolation comme une forme de solution.

Frédérique Vidal s'est rendue à Lyon, dès vendredi dernier, pour échanger avec la communauté universitaire. Une enquête a été diligentée afin de nous permettre de comprendre pourquoi la situation de ce jeune n'a pas été connue de l'université alors que les dispositifs d'urgence existants auraient peut-être pu l'aider dans son quotidien.

Vous interrogez le Gouvernement sur les conditions de vie des étudiants, un enjeu sur lequel nous travaillons depuis maintenant deux ans. En 2018, nous avons supprimé la cotisation de 217 euros que les étudiants devaient verser à la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Il y a deux mois, Frédérique Vidal a annoncé une augmentation des bourses pour un montant de 46 millions. (Mêmes mouvements.)

Nous avançons mais, évidemment, certains étudiants restent dans une situation difficile et nous devons continuer à agir. Au sein d'un collège, présidé par Frédérique Vidal et moi-même, nous réfléchissons au revenu universel d'activité pour les jeunes. Nous allons continuer à y travailler. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Monsieur Premier ministre, votre silence est assourdissant. Ce jeune homme a donné les réponses que vous cherchez et il accuse votre politique.

Je ne parlais pas et il ne parlait pas de la condition de vie des étudiants. Il parlait de vos politiques qui produisent la précarité. Les rapports et les statistiques le disent encore et encore. Cette politique va faire de nouveaux morts.

Je crois que beaucoup de gens ont compris qu'en vérité, vous n'en avez rien à faire de leur vie. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous préférez les laisser crever (Mêmes mouvements) et désigner comme boucs émissaires, parmi nous, les migrants et les musulmans, plutôt que de cesser vos politiques mortifères. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. Rémy Rebeyrotte. Quelle honte ! Quelle manipulation ! Quel scandale !

Mme Danièle Obono. Pour notre part, nous appelons à être présents cet après-midi devant tous les CROUS, à l'appel des syndicats. Nous appelons également à être présents le 14…

M. le président. Merci, madame la députée.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. Madame la députée, votre expression fait écho aux prises de positions auxquelles nous avons assisté depuis quelques jours, qualifiant de politique cet événement dramatique, cette tentative de suicide.

J'aurais aimé vous entendre dire que tenter de mettre fin à ses jours n'est jamais un acte politique. Pensez à tous les jeunes et à tous les enfants qui vous écoutent (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LR), qui vous prennent peut-être comme modèle. Pensez à eux. La responsabilité, ce n'est pas d'attiser ces braises et de donner à certains jeunes le sentiment que la solution peut être d'en arriver à un tel acte. Nous, nous agissons alors que vous, vous êtes dans l'incantation dangereuse. Soyez un peu responsable ! (Les députés des groupes LaREM et MODEM et plusieurs députés du groupe LR se lèvent et applaudissent.)

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 2019

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