violences intrafamiliales et consommation d'alcool
Question de :
Mme Élodie Jacquier-Laforge
Isère (9e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 2019
VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET CONSOMMATION D'ALCOOL
M. le président. La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Mme Élodie Jacquier-Laforge. Madame la garde des sceaux, je tenais à vous alerter aujourd'hui sur les difficultés de la lutte contre l'alcoolisme et les consommations excessives d'alcool.
La consommation d'alcool peut avoir des conséquences sur notre santé, tout au long de notre vie. Au-delà d'une certaine limite, elle constitue un facteur de risque majeur pour certains cancers – l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, classe d'ailleurs l'alcool parmi les molécules cancérigènes avérées depuis 1988 – ou certaines maladies chroniques. Ces risques sont relativement bien connus du grand public, d'autant que les campagnes de prévention et les politiques publiques conduites sur ce sujet sont fréquentes et variées.
Cependant, dans ce dossier majeur de santé publique, un sujet reste tabou. On parle assez peu du rôle joué par l'alcool et les drogues en général dans les violences conjugales et intrafamiliales. Un collectif de proches de malades alcooliques et de spécialistes de l'addiction a d'ailleurs alerté le Gouvernement sur le fait que l'alcool est l'une des premières causes des violences faites aux femmes, et, qu'en conséquence, le Grenelle des violences conjugales aurait dû lui accorder plus de place. Je suis moi-même régulièrement alertée sur ce sujet par les forces de l'ordre de l'Isère.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la délégation interministérielle à l'aide aux victimes a montré que, sur les 121 féminicides perpétrés en 2018, au moins l'un des deux protagonistes – l'auteur ou la victime – était sous l'emprise d'une substance dans 55 % des cas.
Des solutions pourraient être mises en œuvre, comme l'analyse systématique du taux d'alcoolémie lors de violences conjugales ou intrafamiliales. On pourrait aussi considérer la consommation d'alcool comme une circonstance aggravante pour l'auteur des violences, et recenser toutes les violences liées à l'alcool – a priori, ce recensement est effectué par la police, mais pas par la gendarmerie. Je vous prie de bien vouloir m'indiquer, madame la garde des sceaux, quelles actions seront entreprises en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, dont je serai le porte-voix cet après-midi.
Nous partageons évidemment votre constat, madame la députée : la consommation de substances psychoactives et d'alcool est effectivement un facteur important dans les phénomènes de violence, notamment dans les violences intrafamiliales que vous avez évoquées. Une étude récente a ainsi montré qu'en France, l'alcool est présent dans 30 % des condamnations pour violences, dans 40 % des condamnations pour violences familiales et dans 30 % des condamnations pour viol ou agression sexuelle. Dans plus de la moitié des homicides conjugaux, on constatait en 2018 la présence d'au moins une substance susceptible d'altérer le discernement de l'auteur ou de la victime au moment des faits.
Dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a annoncé un renforcement des mesures visant à prévenir la consommation excessive d'alcool – c'est un objectif poursuivi par Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, comme vous l'avez rappelé.
Nous allons aussi améliorer la formation des professionnels en addictologie aux violences conjugales, de même que la formation des acteurs qui prennent en charge les victimes de violences conjugales aux problématiques addictives.
Pour prévenir les récidives, il est également indispensable de prendre en charge les auteurs de violences conjugales qui souffrent d'une addiction, et ce le plus précocement possible, c'est-à-dire dès le stade des poursuites, sans attendre la condamnation. Enfin, nous allons déployer des actions pour rendre plus effective encore la prise en charge des personnes condamnées après le prononcé d'une obligation de soins – il faut reconnaître que, trop souvent encore, ces injonctions de soins ne sont pas suivies d'effet.
Permettez-moi de conclure en rappelant à cette assemblée que parmi les trop nombreuses victimes se trouvent également des enfants. N'oublions jamais que, dans 90 % des cas de violences intrafamiliales, des enfants sont exposés et sont donc des victimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Élodie Jacquier-Laforge
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Ministère répondant : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2019