Question au Gouvernement n° 2522 :
réforme des retraites

15e Législature

Question de : M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 2019


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de présentation du système universel de retraite, prononcé le 11 décembre 2019 devant le Conseil économique social et environnemental, et circonstancié par un dossier de presse, vous avez annoncé la création d'un nouveau concept, l'âge d'équilibre, lequel est fixé à 64 ans.

Vous avez déclaré : « l'âge légal restera à 62 ans et, avant le 1er janvier 2022, les responsables de la nouvelle gouvernance auront à définir le bon système de bonus-malus pour aller vers ces 64 ans.

En l'absence de décision de la gouvernance, la loi fixera à compter du 1er janvier 2022 un âge d'équilibre à 62 ans et 4 mois, qui augmentera ensuite de 4 mois par an jusqu'à rejoindre progressivement l'âge d'équilibre du futur système, soit 64 ans en 2027. »

Cette annonce a fait basculer les syndicats réformistes dans le camp des opposants à votre réforme.

Aussi ma question est-elle toute simple : êtes-vous prêt à renoncer à cet âge d'équilibre de 64 ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a plusieurs aspects de la réforme auxquels je suis attaché. Le premier est l'instauration d'un système universel…

M. Jean-Paul Lecoq. Sauf pour la police, l'armée et les sénateurs !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je pense que c'est un bon système pour préparer la France, pour préparer les actifs et les pensionnés de demain, au monde qui vient.

Le deuxième est l'équilibre du système à venir. Nous avons proposé, je suis certain que vous y avez été attentif, que la gouvernance future – celle formée du Parlement et des organisations syndicales et patronales, qui prendra les décisions – soit chargée de déterminer les règles par période de cinq ans, afin de faire en sorte que le régime soit équilibré.

L'équilibre signifie en effet l'assurance que les pensions seront versées, sans perte de pouvoir d'achat pour les pensionnés, et sans augmentations massives des cotisations pour les actifs, liées à l'évolution démographique.

Enfin, je suis très attaché, en cohérence avec les propos du Président de la République, à assurer le retour du système actuel à l'équilibre pour le moment où nous basculerons dans le nouveau système.

Notre système est déséquilibré : le Conseil d'orientation des retraites dit lui-même qu'à l'horizon 2025, il sera en déficit de 7 à 17 milliards d'euros – il est difficile de savoir où placer la barre, disons par convention que nous la plaçons au milieu, aux environs de 11 à 12 milliards. Comment faire pour que le système actuel, dont le fonctionnement ne permettrait pas un retour à l'équilibre en 2025, puisse y parvenir ? Il est vrai que j'ai admis que notre objectif était de revenir à l'équilibre en 2027 seulement.

M. Sébastien Leclerc. Ce n'est vraiment pas clair.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai affirmé avec la plus grande clarté que si les partenaires sociaux – en qui j'ai confiance – sont capables de se mettre d'accord pour dire comment ramener le système actuel à l'équilibre à l'horizon 2027, et donner place à un système équilibré, je prendrai leur solution.

Mais j'ai dit aussi que ma responsabilité était de faire en sorte que les Français sachent comment seront financés le retour à l'équilibre en 2027, ainsi que les nouveaux droits que nous placerons dans le système – non à partir de 2027, mais à partir du 1er janvier 2022.

Les Français, et vous-même, ne comprendraient pas que nous créions de nouveaux droits sans justifier leur financement, alors même que le système est déséquilibré.

M. Sébastien Leclerc. Il faut de la clarté !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est très clair. L'objectif est donc simple : garantir l'équilibre en 2027. Si les partenaires sociaux avancent une meilleure proposition, nous l'adopterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre : à question précise, réponse imprécise. Ma question était simple : êtes-vous prêt, oui ou non, à renoncer à définir un âge d'équilibre à 64 ans, ainsi qu'à imposer un allongement de la vie active de quatre mois par an de 2020 à 2027, jusqu'à rejoindre les fameux 64 ans ?

M. Sébastien Leclerc. Mais oui, il faut y aller, il faut répondre ! Répondez !

M. Charles de Courson. Vous dites oui, s'ils trouvent une solution de substitution. Mais « ils », ce sont les syndicats, et ils sont nombreux ! Donc êtes-vous prêt à y renoncer jeudi, puisque vous avez annoncé que jeudi vous ferez la synthèse avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je m'en voudrais de vous laisser, monsieur le député, avec un sentiment d'imprécision.

Je l'ai dit, l'âge d'équilibre, qui permettra à tout Français de quitter la vie active et de liquider sa retraite à taux plein, représente l'assurance que le système de répartition sera globalement équilibré. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous l'avons défini. L'âge d'équilibre est l'âge auquel un individu part à taux plein pour que soit collectivement garanti l'équilibre du système par répartition, dans lequel les actifs payent pour les pensionnés.

Donc j'ai indiqué que le mécanisme de l'âge d'équilibre était la garantie de l'équilibre du système futur, au principe duquel je ne renoncerai pas. Et aller tranquillement, raisonnablement, progressivement du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2027 à cet âge d'équilibre, c'est donner la garantie que le système d'aujourd'hui se rééquilibre.

M. Damien Abad. Ce sera dans la loi ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'y suis donc extrêmement attaché.

M. Stéphane Peu. Donc, la réponse est non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si, dans le débat et le dialogue social, auxquels je suis également attaché, sont formulées de meilleures propositions – cela peut arriver –, qui garantissent avec autant de rigueur le retour à l'équilibre,…

M. Bernard Deflesselles. C'est un Normand !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …si les partenaires sociaux, qui seront les acteurs de la nouvelle gouvernance, nous disent : « Nous avons trouvé une solution et nous nous entendons pour qu'elle prévale », nous la prendrons évidemment en compte et nous la soumettrons au Parlement dans la loi. Encore faut-il qu'une telle proposition soit faite et qu'elle recueille d'une certaine façon l'accord des organisations syndicales et patronales.

M. Sébastien Leclerc. On sent la reculade !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Si cela n'arrive pas, je prendrai mes responsabilités, qui commandent d'instaurer un système garantissant le retour à l'équilibre et l'équilibre durable du système. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Jean-Paul Lecoq. Traduction : c'est non !

Données clés

Auteur : M. Charles de Courson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 2019

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