Question au Gouvernement n° 2553 :
Tensions au Moyen-Orient

15e Législature

Question de : Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 2020


TENSIONS AU MOYEN-ORIENT

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. En mai 2018, Donald Trump décidait unilatéralement de sortir de l'accord de Vienne. Depuis, une pression maximale et des sanctions inégalées ont conduit à la multiplication d'incidents militaires dans le golfe Persique, et maintenant en Irak.

Les pays qui restaient signataires de l'accord – la France, l'Angleterre et l'Allemagne – ont, de leur côté, été incapables de respecter leurs propres engagements, du fait du caractère extraterritorial des sanctions américaines. Les tentatives ont littéralement avorté sur le plan opérationnel, malgré les multiples annonces faites.

Aujourd'hui, le blocage est total car l'humiliation est totale. L'assassinat du général Qassem Soleimani, et les menaces du président Trump sur des sites culturels ont eu pour seul résultat de toucher les Iraniens au plus profond de leur identité.

L'obsession de Donald Trump, loin de toute considération liée aux droits de l'homme, est d'élargir les termes de l'accord de 2015 à l'influence régionale de l'Iran et à la remise en cause de son programme balistique conventionnel. Ne pas se doter de l'arme nucléaire est une chose ; ne détenir aucun moyen classique de défense et de dissuasion en est une autre. Aucun pays ne l'accepterait. Chacun peut et surtout doit aujourd'hui le comprendre.

Quant à l'influence de l'Iran en Syrie, au Liban, en Irak ou encore au Yémen, personne ne peut la nier. Elle est contestée et contestable dans certaines de ses modalités et dans sa forme.

Par ailleurs, nous avons été nombreux à dénoncer et la rétention des deux universitaires français et la terrible répression qui s'est abattue, dans le sang, sur des mouvements de contestation massifs des populations.

Mais ne soyons pas naïfs : l'Arabie saoudite, qui est notre alliée, ne partage pas non plus nos valeurs. L'Iran est essentiel à l'équilibre de la région et indispensable dans la lutte contre Daech. C'était le cas en Irak, où les Américains combattaient encore, il y a peu, aux côtés du général Soleimani.

M. Claude Goasguen. Incroyable !

Mme Frédérique Dumas. La France a appelé à la désescalade. Elle a enjoint à l'Iran de ne pas revenir sur l'accord de Vienne. L'Europe appelle à la création d'un « espace diplomatique ».

Pour qu'il y ait « espace diplomatique », il faut qu'un dialogue soit possible. Demander à l'Iran de respecter unilatéralement un accord sans aucune contrepartie et en ne tenant compte d'aucune ligne rouge n'est certainement pas une porte de sortie. C'est une véritable impasse.

Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, l'Europe, et en particulier la France, est-elle capable de proposer les conditions réelles d'un véritable compromis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous évoquiez, madame la députée, l'échéance de mai 2018, lorsque les États-Unis ont quitté l'accord de Vienne. Depuis lors, les Européens ont justement veillé à bâtir un outil visant à pérenniser les échanges économiques. Cet outil, finalisé il y a quelques semaines, s'appelle Instex.

M. Jean-Paul Lecoq. Quelle est son efficacité ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Il n'a pu entrer en vigueur parce que, depuis plusieurs mois, les Iraniens ont eu, je l'ai dit, de mauvaises réactions les conduisant progressivement à ne plus remplir certaines conditions et obligations auxquelles ils avaient souscrit.

Dans ces conditions, l'Europe, les Européens, et nous Français, ne renonçons pas à être toujours en initiative. La France a pris plusieurs initiatives depuis septembre 2017 : à la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies, le Président de la République a évoqué plusieurs dispositifs complémentaires à cet accord, afin d'obtenir des compensations économiques supplémentaires pour le peuple iranien.

Face à cela, force est de constater que certains partis n'ont pas décidé de suivre ce chemin. Mais nous ne pouvions pas décider pour eux, et nous regrettons aujourd'hui que la situation en arrive là.

Nous ne renoncerons pas pour autant à prendre des initiatives, parce que les paramètres que le Président de la République a posés lors du G7 à Biarritz et lors de l'assemblée générale des Nations Unies en septembre dernier, où nous étions à un cheveu de faire en sorte que les différentes parties puissent enfin dialoguer à nouveau directement (Exclamations sur les bancs du groupe LR), sont toujours sur la table – et, avec les Européens, nous poursuivrons cette mission de tiers de confiance auprès des parties. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Dumas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2020

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