Question au Gouvernement n° 2570 :
Réforme des retraites

15e Législature

Question de : Mme Annie Genevard
Doubs (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2020


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, il y a une semaine encore vous affirmiez que le texte de votre réforme des retraites comporterait bien une mesure d’âge. L’injonction du Président de la République exigeant le compromis, c’est-à-dire en réalité le renoncement, et la pression des syndicats ont eu raison de votre engagement.

Un député du groupe LR . C'est vrai !

Mme Annie Genevard. Vous avez décidé de retirer du texte la seule disposition, même imparfaite, permettant le financement de votre projet. C’est le triste épilogue d’une réforme mal pensée, mal négociée et mal née. Comment imaginer qu’une réforme aussi importante pour les Français fasse l’impasse sur la question de son financement ? On parle de 320 milliards d’euros et de 15 % du PIB, c’est majeur !

Vous vous en remettez à ceux qui refusent toute mesure d’âge, dont vous savez bien qu’elle seule permet un financement solide, à même de préserver la retraite par répartition et le montant des pensions sans compromettre l’emploi. C’est la clé de cette réforme et vous vous dérobez !

Exiger de l’Assemblée nationale qu'elle examine un texte sans véritable étude d’impact préalable est inacceptable. Vous nous demandez de légiférer à l’aveugle, sans connaître le coût des mesures, celles que vous avez déjà consenties sans que le parlement ait eu son mot à dire, ni celles à venir. C’est un déni de démocratie.

Plusieurs députés du groupe LR . Elle a raison !

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous demander aux députés de voter la réforme des retraites sans leur dire comment elle sera financée ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez parfaitement le droit de ne pas approuver la réforme que nous allons proposer au débat parlementaire.

M. Pierre Cordier. C'est heureux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est très respectable, d'autant que vous l'avez très clairement exprimé. Je vous en remercie parce que le débat est juste, nécessaire, et je crois même qu'il est fécond. Vous avez parfaitement le droit évidemment d'être contre cette réforme mais il me paraît utile à la représentation nationale et au débat public de revenir sur un certain nombre de vos affirmations qui me semblent incorrectes.

Premièrement, vous avez affirmé que le texte renoncerait à la notion d'équilibre financier du système des retraites. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.) Ce n'est ni exact ni conforme à ce que nous voulons faire.

Comme le Président de la République s'y est engagé, nous voulons créer un système véritablement universel…

M. Éric Ciotti. Il ne l'est déjà plus !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …ce qui impliquera la suppression des régimes spéciaux, vous le savez. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Dans cinquante ans !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous voulons créer un système qui accordera des droits supplémentaires à des Français qui n'en disposent pas aujourd'hui et qui nous paraissent devoir être pris en compte, au vu de la réalité telle qu'elle est. C'est l'objectif du minimum contributif, c'est-à-dire la garantie d'une retraite minimale pour les agriculteurs, les commerçants, les indépendants. C'est pour beaucoup d'autres, y compris les cadres, la possibilité de partir progressivement à la retraite : cela n'existe pas aujourd'hui, cela sera possible demain.

Mais c'est aussi l'équilibre financier. Dès le début, le Président de la République l'a dit, dès le début je l'ai rappelé : nous souhaitons que le système universel de retraites, qui est un régime par répartition, soit un régime équilibré. Nous avons engagé avec les organisations syndicales et patronales des discussions, sur le fondement que le régime actuel devra revenir à l'équilibre en 2027. Ceux qui participent à cette démarche se sont engagés à proposer des mesures permettant de revenir à l'équilibre en 2027…

M. Éric Ciotti. Lesquelles ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …lesquelles mesures, si elles sont proposées, seront soumises au Parlement…

M. Frédéric Reiss. Quand ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …et seront adoptées.

Cela veut dire que nous sommes attachés à l'équilibre financier. Ce n'est pas un gros mot, c'est une sécurité, un élément de solidité pour nos concitoyens, nos enfants, nos petits-enfants, que de savoir qu'ils pourront disposer d'un système de retraite solide, lisible, responsable, plus juste et totalement universel.

M. Damien Abad. C'est la fin de l'âge pivot !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Autrement dit, les propositions qui seront formulées par les organisations syndicales et patronales dans le cadre d'une conférence de financement qui se tiendra en présence de représentants de l'État…

M. Thibault Bazin. Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …comporteront probablement – mais il ne m'appartient pas de faire des propositions à la place de cette conférence de financement – tout un ensemble de mesures. Une mesure d'âge y figurera-t-elle ? Je le pense car je ne vois pas comment on pourrait sinon arriver à l'équilibre financier en 2027. Mais dès lors que j'ai posé sur la table cet acte de confiance envers les organisations syndicales et patronales, il leur appartient de travailler à proposer ces mesures et si, par extraordinaire – je ne crois pas que cela arrivera –, elles ne proposaient pas un retour à l'équilibre, alors je prendrai mes responsabilités et je ferai en sorte qu'en 2027 le système soit équilibré. Nous le devons à nos enfants, nous le devons à nous-mêmes, si nous voulons continuer à pouvoir nous regarder en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Vos propos, monsieur le Premier ministre, m'incitent à paraphraser Hugo pour vous rappeler qu'on n'atteint pas la vérité par des chemins obliques. La vérité, la voici : dans quelques jours, les députés que nous sommes examineront un texte qui ne comportera aucune mesure de financement. Telle est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Données clés

Auteur : Mme Annie Genevard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2020

partager