Réforme des retraites
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2020
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, dans le calme…
M. Philippe Vigier. Le groupe Libertés et territoires estime qu'une réforme du système de retraites est indispensable.
M. Frédéric Reiss. Bravo !
M. Philippe Vigier. Faire le choix de l'immobilisme conduirait à sanctuariser des injustices qui frappent aujourd'hui les femmes, celles et ceux qui exercent des métiers pénibles et ont eu des carrières hachées, ou encore certaines professions indépendantes – je pense en particulier aux agriculteurs. C'est pourquoi je défends depuis longtemps le choix de l'équité, qui passe par l'instauration d'un système à points.
Pour autant, notre groupe s'inquiète de la méthode que vous avez choisie, monsieur le Premier ministre. Prévoir que les partenaires sociaux discuteront du financement du système de retraite jusqu'à fin avril, alors que l'Assemblée nationale doit se prononcer début mars, c'est priver la représentation nationale d'un débat éclairé et sincère.
M. Patrick Hetzel. C'est scandaleux ! Il n'y a aucune urgence !
M. Philippe Vigier. C'est nous demander de légiférer sans aucune véritable étude d'impact, alors que le Gouvernement a déjà fait de nombreuses concessions. C'est aussi prendre le risque de mettre en concurrence la démocratie parlementaire et la démocratie sociale, qui ne doivent pas s'opposer mais s'enrichir.
M. Michel Herbillon. C'est du mépris pour le Parlement !
M. Philippe Vigier. C'est risquer d'enterrer le Parlement une seconde fois, puisque les mesures de financement seront prises par ordonnance. Vous avez été député, monsieur le Premier ministre, et nous partageons la conviction que l'Assemblée nationale ne doit pas être une chambre d'enregistrement. Aussi, je souhaite vous poser trois questions simples. Êtes-vous prêt à associer étroitement tous les groupes parlementaires, en amont, avant de demander au Parlement une habilitation à prendre une ordonnance ? Êtes-vous prêt à confier une place centrale au Parlement dans la gouvernance du futur système de retraite, ce qui n'est pas prévu à ce jour ?
M. Damien Abad. Il s'en moque, du Parlement !
M. Philippe Vigier. Enfin, êtes-vous prêt à ce que le Parlement se prononce chaque année sur la valeur du point ?
Êtes-vous prêt à prendre de tels engagements devant la représentation nationale, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Nicolas Forissier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez sur le projet de système universel de retraite défendu par le Gouvernement, monsieur le président Vigier, et je constate que si vous questionnez la méthode, vous reconnaissez combien l'instauration d'un système universel par répartition et par points constitue un progrès. Vous l'avez dit clairement, et je ne me prive pas de le répéter. Vous et moi partageons donc cette conviction.
Un mot, tout d'abord, concernant la méthode : à l'évidence, vos trois questions recevront une réponse satisfaisante. Comment pourrait-il en être autrement ? À l'évidence, le Parlement se prononcera au sujet de l'habilitation donnée au Gouvernement pour prendre des mesures permettant un équilibre, ou pour prendre en considération les mesures proposées par la conférence de financement. Il s'agit là d'une autorisation législative à agir par ordonnance, octroyée par le Parlement. Il ne peut pas en aller autrement, en vertu de l'article 38 de la Constitution.
Mme Laurence Dumont. Dont vous abusez !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. À votre première question, la réponse est donc positive. Passons à la seconde : sommes-nous prêts à évoquer la possibilité pour le Parlement d'exercer un rôle dans la gouvernance du futur système ? À l'évidence, oui, et nous l'avons toujours dit. Nous avons toujours affirmé que la gouvernance d'un système universel de retraite reposait sur la discussion et la prise en considération d'un débat entre les partenaires sociaux d'une part – représentant les salariés et les entreprises, ils ont évidemment leur mot à dire sur l'organisation du système de retraite –, le Parlement d'autre part, tant est importante la somme contributive versée par l'État au système, notamment pour couvrir les droits de solidarité. La future gouvernance, dont vous discuterez ici même lors de l'examen du projet de loi, sera partagée entre des partenaires sociaux ayant un rôle important et éminent, et un Parlement ayant un rôle tout aussi important et éminent ; je l'espère en tout cas, car c'est la proposition du Gouvernement.
Enfin, faudra-t-il que le Parlement se prononce chaque année sur la valeur du point ? La proposition formulée par le Gouvernement, et dont vous aurez l'occasion de discuter, vise un équilibre financier sur des périodes de cinq ans. Ainsi, les organes de gouvernance pourront piloter le système sans être prisonniers, année après année, de chocs économiques pouvant être positifs – c'est alors formidable – ou négatifs – c'est alors beaucoup plus difficile et, comme le montrent des exemples étrangers, cela peut entraîner des décisions très dures pour les assurés ou les cotisants. Une période de cinq ans permet au contraire d'absorber et de surmonter les chocs économiques. En d'autres termes, le Parlement aura l'occasion de discuter du projet de loi qui lui sera soumis ; c'est normal, et c'est heureux.
Je vous ferai toutefois une remarque, monsieur le président Vigier, puisque vous êtes attentif – à juste titre – à la méthode. Vous m'interrogez sur un texte qui est en cours d'examen par le Conseil d'État…
M. Michel Herbillon. C'est un texte incomplet !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …et qui n'a pas encore été soumis au conseil des ministres ; il le sera le 24 janvier. Dès qu'il l'aura été, il sera transmis à l'Assemblée nationale et fera l'objet de toutes les auditions et discussions possibles en commission et en séance. Je m'attends à un débat long et plein, et je m'en réjouis : il est essentiel à la démocratie et à la construction du système universel de retraite par points et par répartition que vous et moi appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2020