Question au Gouvernement n° 2638 :
Reconnaissance faciale

15e Législature

Question de : M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2020


RECONNAISSANCE FACIALE

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

La nouvelle technologie de reconnaissance faciale suscite de nombreuses controverses. Il lui est d'abord reproché son inefficacité, en raison d'un taux d'erreur important qui n'en fait pas, en l'état, un outil fiable ; des chercheurs de l'université de l'Essex avancent un taux d'erreur de 81 %. Les Chinois, qui utilisent massivement cette technologie, la couplent avec d'autres moyens d'identification sophistiqués, obtenant de ce fait d'excellents résultats, mais selon une conception des libertés totalement incompatible avec la nôtre. Et c'est justement sur le sujet des libertés individuelles que cette technologie soulève de nombreuses réticences, en ce qu'elle peut porter atteinte aux libertés fondamentales, notamment à celle de pouvoir évoluer librement dans l'espace public.

Sur ce sujet, il semble que les États européens avancent en ordre dispersé. Inquiète de cette cacophonie et face aux incertitudes liées à la reconnaissance faciale, l'Union européenne se montre donc particulièrement circonspecte. La Commission projette ainsi d'interdire cette technologie dans l'espace public pendant les trois à cinq prochaines années. Un tel délai devrait permettre d'élaborer des garde-fous notamment destinés à protéger la vie privée et des données personnelles. La Commission suggère également d'imposer certaines obligations aux développeurs et aux utilisateurs et de créer des autorités de supervision. En France, la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés – recommande un « débat lucide et approfondi », ce qui ne peut qu'interpeller le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

Monsieur le secrétaire d'État, outre le questionnement relatif à l'application Alicem – authentification en ligne certifiée sur mobile –, une phase d'expérimentation de la reconnaissance faciale a été évoquée : quel en serait le protocole et quelle place, en amont ou en aval de cette dernière, comptez-vous donner au débat public ? Enfin, envisagez-vous de procéder par décret ou de passer par la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Vous évoquez, monsieur le député, la question importante et sensible des nouvelles technologies, dont fait partie la reconnaissance faciale. Vous avez raison de souligner que cette technique est déjà utilisée dans certains pays et qu'elle intéresse aussi les forces de sécurité intérieure françaises, notamment afin de détecter, en amont, des individus au titre de la prévention de passages à l'acte violents, ou afin de procéder à des investigations ou recherches sur un individu qui aurait, par exemple, commis un attentat : la vidéo et la reconnaissance faciale peuvent contribuer à le retrouver rapidement.

Mais vous avez raison d'insister sur le fait qu'un usage malveillant de ces dispositifs porterait atteinte aux libertés individuelles. Il convient donc de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger nos concitoyens et celle de protéger ces libertés. Vous l'avez rappelé, c'est ce à quoi nous travaillons. Nous le faisons d'abord dans un cadre interministériel, sous l'autorité du Premier ministre et avec le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État en charge du numérique, afin de définir ce que pourraient être des cas d'usage. Nous y travaillons également dans le cadre du Livre blanc sur la sécurité intérieure, un groupe étant spécialement dédié à l'utilisation des nouvelles technologies. La reconnaissance faciale, dans un certain nombre de cas, figurera sans doute parmi les propositions qui émergeront.

M. Jean-Paul Lecoq. C'est scandaleux ! Inadmissible !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Mais il nous revient aussi d'encadrer les dispositifs de reconnaissance faciale, car, vous l'avez rappelé, ils fonctionnent à partir de données biométriques dont le traitement doit respecter certaines réglementations telles que le RGPD – règlement général sur la protection des données – ou la directive « police-justice » du 27 avril 2016. Il nous faut donc trouver des cas d'usage équilibrés ; c'est ce à quoi nous travaillons. À cet égard, l'expérimentation est sans doute la méthode la plus sage pour avancer efficacement dans le respect de l'équilibre entre la protection de nos concitoyens et le respect des libertés individuelles.

M. Jean-Paul Lecoq. Les libertés individuelles, elles se réduisent comme peau de chagrin !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Soyez donc certain, monsieur le député, que nous avançons sur ces sujets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Latombe

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Ministère répondant : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2020

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