Question au Gouvernement n° 2644 :
Secret de l'instruction

15e Législature

Question de : M. Didier Paris
Côte-d'Or (5e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2020


SECRET DE L'INSTRUCTION

M. le président. La parole est à M. Didier Paris.

M. Didier Paris. Ma question s'adresse à la ministre de la justice.

En France, comme dans la plupart des pays européens, l'enquête, menée par les services de police et de gendarmerie, et l'instruction, menée par le juge, sont secrètes. C'est du moins ce que dit le code pénal.

Mais la réalité est tout autre et nous assistons, tous les jours, à la violation flagrante de ce principe qui perd, peu à peu et à cause d'une forme d'abandon collectif, sa consistance.

Ce sont des vies privées, professionnelles et familiales fracassées, des réputations clouées au pilori de l'opinion publique, quand la justice, la vraie, celle des droits de la défense et du procès équitable n'a pas encore rendu son verdict. Cette situation n'est pas acceptable.

Dans un tout récent rapport, mon collègue Xavier Breton et moi avons tenté de définir un nouvel équilibre ; nous avons proposé quelques pistes d'amélioration, sinon de résolution.

Le chemin est étroit entre la nécessité absolue de préserver la liberté de la presse et celle, tout aussi absolue, de garantir les libertés individuelles et la bonne marche des enquêtes.

Nous vivons une époque de l'information en continu, de la transparence, de l'immédiateté, d'une opinion qui se construit par le biais des réseaux sociaux. Il serait vain de penser que l'enquête pénale peut rester dans une bulle et échapper à ce mouvement : autant instituer clairement un droit à l'information du public – telle est notre proposition.

Mais ce droit doit conserver une limite impérative, celle du respect de la présomption d'innocence, de la vie privée, de la dignité humaine et de la bonne marche de la justice.

Il est clair, dans ces conditions, que la répression des débordements devrait être plus forte et plus effective, tout comme il me semble clair que la profession de journaliste doit, en responsabilité, mieux se réguler sur le plan déontologique.

Madame la ministre, nous vous savons sensible à ces questions, que vous avez évoquées à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez d'y répondre et quelles sont les pistes d'amélioration qui vous semblent pertinentes et efficaces en la matière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Le secret de l'instruction et de l'enquête constitue effectivement un principe cardinal de notre procédure pénale, pour trois raisons au moins.

Premièrement, comme vous venez de le rappeler, il participe à la protection de la vie privée et au respect de la présomption d'innocence pour les personnes mises en cause.

Deuxièmement, il garantit l'efficacité des investigations, en assurant la protection des preuves et des témoignages, et celle des techniques d'enquête.

Enfin, il protège les personnes qui concourent à la procédure de toute pression susceptible d'être exercée à leur endroit.

Pour toutes ces raisons, le secret de l'enquête et de l'instruction doit être conservé. Cela étant, comme vous l'avez indiqué, il est trop souvent violé – nous ne pouvons que le regretter. Son existence même est régulièrement mise en cause, car il doit s'articuler avec un autre principe fondamental de notre démocratie : le droit à l'information.

Xavier Breton et vous-même m'avez remis un rapport il y a quelques jours : je salue le travail d'analyse approfondi que vous avez mené, sur un sujet aussi complexe que sensible.

Je confirme que le Gouvernement souhaite avancer sur vos propositions. D'abord, il faut mieux définir le cadre du secret de l'enquête et de l'instruction au regard du droit à l'information. Ensuite, nous devons renforcer les sanctions en cas de violation. Enfin, il faut clarifier les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire est susceptible de communiquer sur les enquêtes en cours.

Soyez assuré, monsieur le député, que je suis déterminée à aller de l'avant sur ce sujet qu'il est nécessaire, selon moi, d'aborder ; ce travail devra connaître des traductions législatives. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Didier Paris

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2020

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