Circulaire sur le nuançage des candidats aux élections municipales
Question de :
M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2020
CIRCULAIRE SUR LE NUANÇAGE DES CANDIDATS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
M. le président. La parole est à M. Michel Larive.
M. Michel Larive. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’intérieur.
Le vote de plus d'un électeur sur deux ne sera pas pris en considération au soir du premier tour des élections municipales ! Votre circulaire enjoint aux préfets de ne classer que les listes des villes de plus de 9 000 habitants. Dans mon département, par exemple, sur 332 communes, seules deux seront comptabilisées : Pamiers et Foix.
Interrogé la semaine dernière par notre collègue de la majorité, Bruno Questel, vous affirmiez satisfaire une demande de l’Association des maires de France – AMF – et de l’Association des maires ruraux de France – AMRF.
Vous avez sûrement mal lu leurs communiqués de presse. Ces associations de maires ne demandent pas d’éclipser 96 % des communes. Elles veulent, au contraire, conserver le seuil actuel de 1 000 habitants ou, au plus, le hausser à 3 500.
Monsieur le ministre, maintenant que les volontés des maires de France sont clarifiées, êtes-vous disposé, comme vous le demande l’AMF, à retirer votre circulaire et à revenir au seuil de 1 000 habitants ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Il est important de toujours faire preuve d'un peu de mémoire. J'ai longtemps été maire et député d'un département rural et je sais combien les maires râlaient déjà contre le nuançage en 2014, tout comme l'Association des maires de France.
Dans cet hémicycle, composé des mêmes députés, le 27 juillet 2017, M. Patrick Hetzel a tenu les propos suivants : « on se retrouve devant un fait accompli dommageable, parce que beaucoup de maires de petites communes trouvent ces pratiques – de nuançage électoral – extrêmement détestables. En tant qu’élus de la nation, nous sommes pleinement dans notre rôle en portant un tel amendement ». Celui-ci visait justement à rétablir le nuançage à 3 500 habitants. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
Selon M. Yves Jégo, « Dans ce classement d’office sous une étiquette politique des élus de petites communes, il y a le ferment de tout ce qui dérive dans la vie politique de notre pays. Il est insupportable pour des maires ruraux d’être classés politiquement, alors qu’ils ne le souhaitent pas. »
Valérie Rabault, présidente du groupe Socialistes et apparentés, concluait : « cela signifie que ceux qui sont candidats doivent, eux aussi, pouvoir avoir confiance dans la République, ce qui suppose qu’on ne leur donne pas une couleur politique qu’ils n’ont pas choisie, et qui leur est imposée sans leur avoir demandé leur avis et sans les prévenir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Voilà la réalité des discours tenus dans cet hémicycle le 27 juillet 2017 !
En outre, monsieur le député, j'ai pris une décision et je l'assume : choisir le seuil de 9 000 habitants, et non de 3 500. La raison en est simple : ce seuil intermédiaire n'existe pas dans notre droit électoral ; celui de 9 000 habitants correspond à la désignation obligatoire d'un mandataire financier et à l'engagement de l'État de rembourser les frais.
M. David Habib. Ça n'a rien à voir !
M. Patrick Hetzel. Vous mélangez tout ! Vous pouviez choisir 3 500 !
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Pour conclure, je voudrais vous indiquer qu'en 2014, 82 % des maires nuancés d'office par les préfets – ce qui ne change pas l'étiquette politique que chaque maire peut revendiquer – étaient classés « divers gauche », « divers » ou « divers droite ». Telle était la réalité ! Je fais confiance aux maires pour affirmer haut et fort leur étiquette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Michel Larive.
M. Michel Larive. Monsieur le ministre, vous faites référence à l'année 2014 ; pour ma part, je vous parle des communiqués de presse de janvier 2020 !
Bien évidemment, vous ne répondez pas à la question. Les observateurs en sont désormais persuadés : les élections municipales seront l'occasion d'exprimer un vote sanction contre la politique du Gouvernement. Votre circulaire a donc pour unique objectif de minimiser l'impact de la défaite électorale qui s'annonce pour la République en marche.
M. Éric Straumann. Mais non ! Ils vont gagner Paris. (Sourires.) Cela se présente bien !
M. Michel Larive. Sous couvert de respecter la liberté des candidats, vous allez brouiller les clivages politiques et manipuler les résultats électoraux. En vous préoccupant uniquement des zones urbaines, vous reléguez au second rang l'autre France, celle des invisibles, celle des ronds-points toujours jaunes. Votre action politicienne participe de l'aggravation de la fracture sociale qui s'installe dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jean-Paul Dufrègne et M. Gilles Lurton applaudissent également.)
Auteur : M. Michel Larive
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2020