Question au Gouvernement n° 2664 :
Congé pour le décès d'un enfant minieur

15e Législature

Question de : M. Christian Hutin
Nord (13e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 5 février 2020


CONGÉ POUR LE DÉCÈS D'UN ENFANT MINEUR

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Monsieur le Premier ministre, je ne serai jamais président de la République – et tant mieux ! Pourtant, je vous connais suffisamment pour savoir combien vous êtes humain. Nous parlons rarement à livre ouvert dans cette assemblée, mais je tiens à dire que vous avez été le premier à m'appeler lorsque ma famille et moi-même avons traversé de graves difficultés. Aussi mon propos sera-t-il animé du même esprit que celui de M. Guy Bricout.

J'ai eu l'honneur d'être le porte-parole de mon groupe lors de l'examen de la formidable proposition de loi visant l’ouverture du marché du travail aux personnes atteintes de diabète, déposée par votre suppléante.

Mme Agnès Firmin Le Bodo et plusieurs députés du groupe UDI-Agir. Pas suppléante, mais successeure !

M. Christian Hutin. La loi a été votée à l'unanimité, redonnant espoir à de nombreux diabétiques, y compris les gamins qui ont couru pour soutenir la lutte contre le diabète, comme le jeune Haka, qui assistait à la séance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-Agir. – Mme Constance Le Grip applaudit également.)

Malheureusement, le jour même du vote de ce texte favorable aux diabétiques, nous étions tombés dans un gouffre lors de l'examen de la proposition de loi concernant le congé en cas de décès d'un enfant. Pourquoi donc ? Je ne saurais le dire.

J'ai une petite-fille de huit mois nommée Adèle, comme la fille de Victor Hugo. Vous n'en avez peut-être pas assez dit, madame la ministre du travail ; pour ma part, en écho aux premiers vers de son poème « Liberté ! » – « Liberté ! De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ? » –, j'espère de tout mon cœur que la cage s'ouvrira et que cette énorme erreur sera réparée, au bénéfice des parents que vous allez rencontrer et de tous ceux qui ont souffert de ce malheur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LaREM, LR et UDI-Agir. – M. Jean Lassalle applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez évoqué le lien qui nous unit, monsieur Hutin ; je n'en aurais pas fait état, mais je vous remercie de l'avoir fait. Nous nous connaissons, et nous savons qu'au-delà des désaccords nous pouvons nous parler en confiance.

Permettez-moi tout d'abord de rendre justice à Mme Agnès Firmin Le Bodo, qui n'est pas ma suppléante mais qui a été élue au siège que j'occupais avant elle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

Je vous répondrai avec la même humilité que celle dont vous avez fait preuve dans votre question, comme père de trois enfants dont la seule véritable angoisse est d'en perdre un, comme père conscient de sa chance de ne pas connaître cette douleur que nombre de nos concitoyens subissent, et que certains parlementaires qui siègent dans cet hémicycle ont endurée. Je ne suis pas certain que l'on puisse faire entièrement état de ce que ressent un homme ou une femme lorsque son enfant, mineur ou pas, disparaît.

Est-il bon, est-il nécessaire que la solidarité nationale, au moyen d'un cadre législatif adapté, accompagne les parents confrontés à ce drame ? Oui, évidemment ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Agnès Thill applaudit également.)

Ce cadre est-il satisfaisant aujourd'hui ? Il peut sans doute être amélioré – à l'évidence, toute œuvre humaine peut être améliorée, celle-ci en particulier.

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas ce qui a été dit jeudi dernier !

M. Maxime Minot. Pourquoi ne pas avoir amendé le texte proposé ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Comme vous le savez, ce n'est qu'assez récemment que le délai du congé pour décès d'un enfant, qui a occupé l'hémicycle jeudi dernier, a été allongé à cinq jours.

M. Christian Hutin et M. Guy Bricout . C'était Michèle Delaunay !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est en effet un amendement de Mme Michèle Delaunay qui a porté la durée de ce congé de deux à cinq jours. Trois ans et demi plus tard, M. Guy Bricout a proposé de porter ce délai à douze jours. Faut-il le faire ? Probablement, et je le dis, là encore, avec humilité. À quelle durée faut-il fixer ce congé ? Je ne saurais le dire, pour une raison très simple : en vérité, aucun délai ne sera à la hauteur de ce que vivent les personnes confrontées à une telle situation.

La majorité, ou plutôt le Gouvernement, car je ne parlerai pas pour cette dernière, n'a pas voulu remettre en cause l'idée qu'une amélioration législative était utile et même nécessaire, pas plus qu'elle n'a voulu remettre en cause le dispositif particulier proposé par M. Guy Bricout – auquel je rends hommage. Le Gouvernement était animé par l'idée que les éléments proposés ne prenaient pas en considération un certain nombre de facteurs essentiels.

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas ce qui a été dit !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Avons-nous réussi à expliquer cette position ? La réponse est non. Au nom du Gouvernement, j'assume cette erreur, ou plus exactement le caractère difficilement compréhensible, pour nos concitoyens, de la position qui a été formulée.

M. Christian Hutin. C'est un euphémisme !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . J'admets, au nom du Gouvernement, que nous n'avons pas su nous expliquer ni faire comprendre comment le dispositif pouvait être étendu.

M. Aurélien Pradié. Vous avez fait une bêtise, c'est tout !

M. Christian Hutin. C'était quand même une grosse connerie !

M. Aurélien Pradié. Excusez-vous !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je tiens à apporter deux précisions.

M. Aurélien Pradié. On croirait entendre Le Gendre !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Certaines améliorations pouvant être apportées à ce dispositif ne relèvent pas de la loi simple, mais doivent prendre la forme de compléments ou de dispositions s'insérant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS. Pardonnez-moi d'entrer dans la technique s'agissant d'un tel sujet, mais il n'est pas inutile de rappeler que plusieurs dispositions qui nous semblent éminemment utiles relèvent du PLFSS et ne pouvaient donc pas figurer dans cette proposition de loi, sous peine d'inconstitutionnalité.

Comme certains d'entre vous l'ont souligné, nous avons tout intérêt à améliorer encore ce texte. Il fera l'objet d'un nouveau débat parlementaire, d'abord au Sénat puis à l'Assemblée nationale – et c'est une chance.

M. Maxime Minot. Il est grand temps !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . J'ai toute confiance dans la capacité des parlementaires de la majorité et des oppositions à l'améliorer, non par une surenchère relative à la durée du congé – encore une fois, il serait indécent d'imaginer que c'est du nombre de jours de congé que dépend l'accompagnement des parents par la société –, mais en envisageant d'autres mesures relevant de la sécurité sociale, au-delà même du seul accompagnement médical.

Pardonnez-moi d'avoir été long, mais votre question, monsieur le député, appelait la réponse la plus claire possible ; je crois vous l'avoir apportée.(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir ainsi que et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

M. Pierre Cordier. Ce n'était pas clair du tout !

Données clés

Auteur : M. Christian Hutin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 février 2020

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