Retour et libération de djihadistes
Question de :
Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020
RETOUR ET LIBÉRATION DE DJIHADISTES
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho. Le 21 novembre 2018, Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris et membre du conseil scientifique de l'École de guerre, tirait la sonnette d'alarme : selon lui, les terroristes islamistes français ou francophones se comptent par milliers, et nous risquons d'assister, en 2021-2022, à une montée en puissance des attaques qui s'apparenteront à ce qui se passe au Mali, en Syrie et en Afghanistan.
Madame la garde des sceaux, le 11 janvier dernier, vous avez évoqué la possibilité d'un retour des djihadistes français en France, mais votre cabinet ministériel a démenti l'information, soulignant que les djihadistes devaient être jugés dans les endroits où ils ont commis leurs exactions. Par ailleurs, depuis quelques jours, la Turquie ne retient plus les flux de migrants qui cherchent à gagner l'Europe.
En 2018, Thibault de Montbrial prévenait que 56 % des détenus radicalisés condamnés pour terrorisme sortiraient de prison avant 2020. Officiellement, une quarantaine de djihadistes ont retrouvé la liberté depuis lors. Demain, leur nombre ne fera qu'augmenter : quarante-trois djihadistes devraient sortir de prison en 2020 et une soixantaine en 2021. La loi du 30 octobre 2017, qui a assorti la sortie de prison des terroristes islamistes d'un arsenal de mesures de surveillance administrative et d'une assignation à résidence, n'est évidemment pas suffisante. Comment nos services de renseignement pourront-ils surveiller chacune des personnes suspectes vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?
Madame la ministre, quelles dispositions fortes le Gouvernement entend-il prendre pour empêcher la sortie de prison de plusieurs dizaines de détenus dangereux dans les prochaines années ? Comptez-vous frapper ces personnes, qui haïssent viscéralement notre nation, d'une légitime déchéance de nationalité ? En dix ans, la France n'en a prononcé que treize. Comptez-vous laisser les États souverains juger les terroristes français qui ont agi sur leurs terres ? (Applaudissements parmi les députés non inscrits. – Mme Emmanuelle Anthoine et M. Jean-Claude Bouchet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous m'interrogez sur le suivi en détention et post-détention des personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Deux éléments me semblent importants.
D'une part, en détention, elles font l'objet d'un encadrement très précis visant à prévenir les phénomènes de violence qui les ont conduites à accomplir les actes pour lesquels elles ont été condamnées. Elles sont également suivies par le renseignement pénitentiaire, qui est ainsi en mesure d'empêcher les éventuelles récidives.
D'autre part, à la sortie de prison – qui dépend évidemment de la peine prononcée par le juge –, elles font l'objet d'un suivi judiciaire, décidé par le juge d'application des peines en matière de terrorisme, ou d'un suivi administratif, mis en place par l'autorité préfectorale et les services de renseignement. L'ensemble de ces mesures nous permet de savoir ce que font et où se trouvent les personnes qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme.
Il est sans doute possible – mes services travaillent actuellement en ce sens – d'améliorer l'arsenal juridique applicable en la matière, mais cela doit se faire dans le cadre de l'État de droit et dans le respect des libertés et des garanties fondamentales prévues par la Constitution. C'est cela, l'État de droit : assurer la sécurité et garantir les exigences constitutionnelles – tels sont les deux objectifs que nous nous assignons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Marie-France Lorho
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020