Question au Gouvernement n° 2771 :
Situation des femmes en Afghanistan

15e Législature

Question de : Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020


SITUATION DES FEMMES EN AFGHANISTAN

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, depuis 2001, grâce aux efforts de la communauté internationale et à la constitution adoptée en 2004, les femmes afghanes avaient acquis certains droits : elles pouvaient sortir de chez elles, aller à l'école et à l'université, avoir accès au système de santé et à la justice, au Parlement et à la gouvernance. Tous ces droits étaient certes absents de pans entiers du territoire et très fragiles, d'autant plus que la sécurité était, depuis des mois, remise en cause, mais ils constituaient des acquis.

Samedi dernier, le représentant spécial américain Zalmay Khalilzad et le cofondateur du mouvement taliban Abdul Ghani Baradar ont signé un accord dit de paix. Cet accord bilatéral, qui fait moins de quatre pages, donne aux talibans ce pourquoi ils se battaient depuis 2002 : le retrait total des troupes américaines dans les quatorze mois et la perspective du rétablissement de l'État islamique. Or nous savons ce que ce que cela signifie pour les femmes.

En juin 2019, mon collègue Aurélien Pradié et moi-même avons reçu une délégation de femmes afghanes, qui nous ont suppliés de ne pas les abandonner. Le 3 juillet suivant, nous avons adressé au Président de la République une lettre cosignée par soixante-quinze députées, députés, sénatrices et sénateurs. Nous n'avons reçu aucune réponse.

Dans 135 jours environ, 5 000 soldats américains auront quitté l'Afghanistan ; les 8 500 restants partiront dans les quatorze mois. Par ailleurs, 5 000 prisonniers talibans seront libérés d'ici au mois de mars ; les autres, dans les trois mois.

Deux jours après avoir signé l'accord dit de paix, les talibans ont repris les combats. Les Américains nous avaient expliqué qu'ils pouvaient suspendre cet accord à tout moment, mais ne soyons pas naïfs : nous savons qu'il n'en sera rien, élections américaines obligent.

Nous sommes tous complices de cet abandon. En 2011, la France prenait la décision de retirer ses troupes d'Afghanistan. Le 31 décembre 2014, l'armée française quittait le pays après treize ans de présence. Selon l'accord dit de paix signé samedi, les sanctions américaines contre le mouvement islamiste seront levées d'ici au 27 août prochain, et on nous annonce que les sanctions de l'ONU seront levées à la même date.

Monsieur le ministre, la France va-t-elle donner son accord à la levée des sanctions ? Quel rôle va-t-elle jouer dans le cadre de l'ONU ? Allez-vous laisser la lourde porte se refermer sur les femmes afghanes et sur l'Afghanistan – et donc sur l'humanité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-Agir ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Valérie Lacroute applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous avez évoqué les deux textes qui ont été rendus publics le 29 février dernier : la déclaration des gouvernements américain et afghan signée à Kaboul et l'accord entre les États-Unis et les talibans signé à Doha. La signature de ces accords représente une étape significative pour le processus de paix. L'accord entre les États-Unis et les talibans comporte en particulier un engagement de ces derniers à lutter contre le terrorisme. De plus, vous l'avez rappelé, le gouvernement afghan et les talibans devront procéder à des échanges de prisonniers d'ici au 10 mars prochain. Le sujet sera ensuite inscrit à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies.

À ce stade, la France n'a pas adopté de position définitive sur la question, sous réserve d'inventaire. De notre point de vue, il importe surtout que s'ouvrent des négociations interafghanes. Nous souhaitons que, préalablement au retrait des troupes américaines, l'ensemble des parties s'engagent sur un cessez-le-feu complet et sur une feuille de route inclusive, qui intègre la préservation des acquis en matière de droits humains accumulés depuis le début des années 2000, fruit des discussions au sein de la société civile afghane. Le maintien des acquis démocratiques est la condition d'une paix durable.

Nous poursuivrons nos discussions avec les représentants afghans des droits de l'homme, en particulier Mme la ministre Sima Samar que je recevrai vendredi. Nous prenons, à l'égard des femmes afghanes, des initiatives très fortes dans le cadre de l'agenda Femmes, paix et sécurité ; je pense en particulier au lycée pour filles Malalaï et à l'Institut médical français pour la mère et l'enfant, situés à Kaboul.

Nous sommes très attachés à la préservation des droits des femmes. Nous serons attentifs à leur insertion dans la logique amorcée par la signature de ces accords, qui doivent désormais être examinés par les différentes parties prenantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Dumas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020

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