Lutte contre les violences sexuelles
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020
LUTTE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES
Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Il y a le courage : celui d’Adèle Haenel, d'Aïssa Maïga, des femmes grévistes de l'hôtel Ibis Clichy-Batignolles, de toutes ces personnes qui défoncent depuis bien longtemps les murs du silence patriarcal ; de celles encore qui, en réaction au César de la honte, ont dénoncé les violences subies lorsqu'elles étaient enfants, sous le mot-dièse #jesuisvictime.
Il y a le courage : un geste de la main et des mots qu’on lit sur les lèvres ; une prise de parole qui fige une assemblée ; des manifestations, des collages, des dépôts de plainte – ils sont en hausse de 42 % ; le fait de regarder un monde minable en face et de lui tourner le dos.
Et il y a les réactions des dominants et des dominantes, et leurs réponses, de la salle Pleyel à Matignon, honteuses, indignes, décidément pas à la hauteur, carrément au-dessous de tout : récompenser par des prix – non pas le pédocriminel, mais l’artiste, bien sûr ! –, refuser de mettre sur la table les moyens humains et financiers nécessaires.
Il faut, au bas mot, 1 milliard ; là, maintenant, et non étalé sur plusieurs années en autorisations d’engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Il faut 1 milliard pour les 130 000 filles et 35 000 garçons qui subissent chaque année des viols et tentatives de viol.
Il faut 1 milliard non pour faire de la com' ni pour récupérer 830 millions dans les budgets de l’aide au développement ou de la solidarité, mais parce que 65 % des femmes tuées par leur partenaire ou ex-partenaire avaient déposé plainte.
Il faut 1 milliard pour que les survivantes, celles qui parviennent à franchir la porte d’un commissariat, soient correctement reçues et écoutées, pour garantir qu’elles soient hébergées et puissent ainsi quitter leur domicile.
Il faut 1 milliard pour leur fournir un suivi social et psychologique, pour former des juges, des enquêteurs et des enquêtrices, des travailleurs et des travailleuses sociales, des infirmiers et des infirmières.
Il faut 1 milliard, au bas mot, consacré uniquement à la politique de lutte contre les violences sexuelles, afin qu'elle soit un tant soit peu conséquente.
Monsieur le Premier ministre, où est-il, ce milliard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs des groupes GDR et SOC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Vous avez commencé par saluer le courage des femmes qui parlent et, bien évidemment, je ne peux que vous rejoindre. Depuis quelques années, notamment depuis le mouvement #MeToo, ces femmes ont le courage de dénoncer les violences sexistes et sexuelles qu'elles ont vécues, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, de viol ou de violences conjugales, voire d'excision et d'exploitation sexuelle.
Pendant quelques années, il a été de bon ton de parler de « libération de la parole des femmes ». Personnellement, je ne me reconnais pas dans cette expression, à laquelle je préfère celle de « libération de l'écoute des femmes ». En effet, cela fait des générations que les femmes parlent, sans être entendues. (Mme Laure de La Raudière applaudit.) Ce qui a changé, au cours des dernières années, ce n'est pas que les femmes se mettent à parler ; c'est qu'enfin la société se met à les écouter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Bruno Millienne. Très bien, madame la secrétaire d'État ! Ça, ce n'est pas du bla-bla !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . Les écouter, c'est précisément le travail du Gouvernement, afin qu'elles ne parlent pas dans le vide et que les réseaux sociaux ne soient pas leur dernier recours.
M. Aurélien Pradié. Il faut agir, pas écouter ! Voilà votre travail !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État . C'est pourquoi nous avons créé la plateforme numérique Arrêtons les violences, sur laquelle des policières et des policiers spécialement formés répondent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
C'est pourquoi nous avons augmenté les subventions à la plateforme téléphonique 3919, qui peut désormais répondre à 100 % des appels, grâce à de nouvelles écoutantes formées, et sera bientôt ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
C'est pourquoi nous avons organisé le Grenelle des violences conjugales, sous l'égide du Premier ministre. Je n'ai d'ailleurs pas compris votre allusion à Matignon, madame Obono : notre Premier ministre est le premier à avoir lancé une mobilisation interministérielle contre les violences sexistes et sexuelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Paul Lecoq. Il faut des places d'accueil dans les structures !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Nous avons engagé 1 milliard d'euros dans un cadre interministériel, dont une partie provient effectivement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous ne le cachons pas, nous en sommes fiers ; nous sommes d'ailleurs salués dans le monde entier pour cela, et c'est pourquoi la France a été choisie pour organiser le forum Génération Égalité.
M. Aurélien Pradié. Ce n'est pas vrai ! Vous mentez !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Voulez-vous donc que la France revienne sur son engagement de soutenir, à hauteur de 6 millions d'euros, le fonds du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, plus connu sous le nom de « l'homme qui répare les femmes » ? Il soigne les femmes qui, partout dans le monde, sont victimes de viols de guerre.
M. Aurélien Pradié. Ce n'est pas 1 milliard ! Quel bobard ! Sur un sujet aussi important !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Je ne pense pas que telle soit votre intention.
Nous subventionnons 1 300 associations féministes partout sur le territoire. Aucun gouvernement n'a auparavant consacré autant d'argent à la défense des femmes, non seulement le 8 mars, mais tout au long de l'année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Madame la secrétaire d'État, vous dites que vous écoutez et que vous entendez, mais vous n'agissez pas. Et nous avons bien compris, à la lumière de votre réponse, que vous continuerez à ne rien faire. Néanmoins, nous ne sommes pas déçus, puisque nous n'attendions rien de vous.
M. Sylvain Maillard. C'est nul de dire ça !
Mme Danièle Obono. De toute évidence, comme toujours, nous n'obtiendrons rien que nous n'ayons arraché. Il ne nous reste plus qu'à appeler à une nouvelle mobilisation, comme le 23 novembre dernier,…
Mme la présidente. Merci, madame Obono.
Mme Danièle Obono. …notamment le 5 mars prochain, contre la réforme des retraites, dont les femmes seront les grandes perdantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. –Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Égalité femmes hommes
Ministère répondant : Égalité femmes hommes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020