Politique du Gouvernement en matière de dépistage
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 25 mars 2020
POLITIQUE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE DÉPISTAGE
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Monsieur le Premier ministre, pour réussir la mobilisation générale qui permettra d’endiguer le plus rapidement possible la propagation du virus, avant de pouvoir l’éradiquer, nous avons besoin d’une stratégie claire et cohérente qui gagne la confiance et le consentement de toute la population. Or ce n’est pas le cas, selon nous, de votre doctrine de dépistage et de confinement. Vous avez décidé d’une réponse dite graduée, avec dépistage restreint et confinement généralisé, quand d’autres pays ont opté, de manière constante et avec un certain succès, pour un dépistage massif et un confinement ciblé.
Jeudi dernier, vous affirmiez ici même que l’offre de dépistage était suffisante en cette phase de l’épidémie. Samedi, presque une semaine après les alertes de l’Organisation mondiale de la santé et d’associations comme l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, Olivier Véran a enfin annoncé une évolution de doctrine avec l’augmentation du nombre de tests, mais seulement une fois le confinement levé.
Pourquoi continuer à restreindre le dépistage pendant plusieurs semaines, alors qu’il y a urgence ? Dès à présent, les salariés des secteurs essentiels qui ne peuvent télétravailler en ont besoin, de même que les personnes confinées qui ont le virus sans symptôme.
Ces derniers mois, le Gouvernement a tenté de justifier la non-fourniture massive de masques par des arguments souvent fallacieux, comme l’affirmation selon laquelle les gens ne sauraient pas les mettre, pour finir par reconnaître que les stocks étaient insuffisants. S’agirait-il donc là aussi, comme pour le dépistage, essentiellement d’un problème de production ? Selon le journal Le Monde, la Corée du Sud a pu, en deux semaines, élever sa production à 20 000 tests par jour ; l’Allemagne en réaliserait quant à elle 10 000 par jour, contre à peine 5 000 en France. Avez-vous adapté votre stratégie aux maigres moyens laissés au pays par les politiques austéritaires, au lieu de vous donner les moyens d’une stratégie éprouvée de dépistage massif pour pouvoir cibler le confinement ?
Envisagez-vous de mettre en œuvre la planification sanitaire et sociale nécessaire pour réaliser ce dépistage, comprenant notamment la réquisition des unités de production, le recrutement de personnel, le développement de plateformes ouvertes et de tests alternatifs, la relance d’une production locale publique de réactifs et de matière première de réactifs ? Si non, pourquoi ? Si oui, à quelles échéances ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Les entreprises tournent nuit et jour, reconnaissez-le parce qu'elles l'attendent de notre part.
En ce qui concerne les masques et les gels hydroalcooliques, à chaque fois qu'il a fallu prendre un arrêté, un décret pour simplifier l'accès à la marchandise ou faciliter sa production, nous l'avons fait.
Mme Danièle Obono. Ce n'est pas vrai !
M. Olivier Véran, ministre . La réquisition totale de tous les stocks et des capacités de production, ce n'est pas neutre : depuis combien de temps cela n'était-il pas arrivé en France, madame Obono ? Je sais que vous y êtes sensible.
Et je sais que vous êtes également sensible aux libertés individuelles et collectives. Or vous citez l'exemple de la Corée du Sud. Il est vrai que ce pays dispose depuis quelques années d'une capacité de dépistage qui n'a d'égale dans aucun autre au monde, parce qu'il a affronté des épidémies comme aucun autre – dont acte : voilà qui peut être un enseignement pour l'avenir. Mais la Corée ne se contente pas de faire des tests : elle fait aussi du « tracking ». Elle a en effet équipé tous les téléphones et examine les données personnelles nécessaires pour prévenir tout l'entourage lorsqu'une personne était malade. Êtes-vous prête, madame Obono, à débattre de l'instauration de telles mesures, ici, à l'Assemblée ? Êtes-vous prête à suivre la Corée jusqu'au bout de sa démarche ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ça m'étonnerait !
Mme Danièle Obono. Mais non !
M. Olivier Véran, ministre . Je n'en suis pas convaincu et, à titre personnel, moi non plus. Il faut faire attention, en citant l'exemple de certains pays loin de nous, à ne pas en prendre que la partie qui nous arrange, sans mentionner celle qui nous mettrait en défaut. Quand vous citez la Corée, prenez en considération l'ensemble de la politique qui y est menée.
Mme Danièle Obono. Ce n'est pas ma question ! Il faut des tests alternatifs !
M. Olivier Véran, ministre . Je le répète : depuis le début, nous avons suivi les recommandations de l'OMS. Lorsque l'OMS nous a enjoint de dépister les nouveaux cas, de dépister à chaque fois qu'il pouvait y avoir émergence de zones de circulation active, nous l'avons fait. Or, madame Obono, les connaissances sur le virus – sur sa virulence, sa contagiosité, sa durée de contamination, le nombre de personnes effectivement contaminées ou le nombre de cas graves – évoluent régulièrement. Aussi l'OMS est-elle amenée à changer sa doctrine. Eh bien, nous suivons l'OMS, et dès qu'elle a préconisé de tester, tester, tester, j'ai répondu : dont acte,…
Mme Danièle Obono. Une semaine plus tard !
M. Olivier Véran, ministre . …et nous nous sommes mis en marche pour être capables de tester, tester, tester. Pour procéder au déconfinement, ce n'est pas l'alpha et l'oméga : il faut que nous soyons prêts à tester plus massivement. Reste que nous n'avons pas attendu le confinement pour augmenter nos capacités de production de tests.
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Olivier Véran, ministre . Encore une fois, ce sont les chercheurs qui ont besoin de vos encouragements. Ce n'est pas le politique qui s'adresse à vous : ce sont les chercheurs que je représente ici aujourd'hui.
Mme Danièle Obono. C'est une réponse politique que j'attendais !
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2020