Fermeture des marchés ouverts
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 25 mars 2020
FERMETURE DES MARCHÉS OUVERTS
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, nous sommes nombreux, depuis hier soir, à nous poser des questions sur votre décision de fermer sans délai l’ensemble des marchés aux comestibles de notre pays. Je m’interroge sur les considérations scientifiques qui vous y ont conduit, sur la méthode et sur les conséquences. Vous disiez hier soir qu'une dérogation pouvait être accordée par les préfets sur demande des maires, mais quelques minutes après votre intervention, les préfets recevaient un message précisant que la mesure était d'application immédiate, avec fermeture de tous les marchés ce matin. Cela pose évidemment la question de l’indemnisation de ceux qui avaient prévu de déballer aujourd’hui, demain et dans les jours qui viennent.
La décision a été appliquée de façon brutale, même là où les marchés étaient sécurisés et où vos services pouvaient constater que toutes les précautions avaient été prises, tant par les commerçants que par les maires, pour laisser les marchés ouverts. Vous dites d'ailleurs que vous demandez la fermeture des marchés ouverts, mais vos préfets ferment les marchés couverts, où l'on peut pourtant contrôler le nombre des personnes présentes et l’espacement entre elles – sans doute sous l'effet des images du quartier de Barbès ou d'ailleurs, qu’on a vues à la télévision ; mais ces images ne correspondent pas à ce qui se passe dans le pays.
De même, vous avez affirmé que les villages et les petites villes pourraient conserver un marché, mais selon la rumeur, les villes de plus grande importance, dès lors qu’un centre commercial se trouverait à proximité, n’y auraient pas droit à l’avenir. J’aimerais que vous nous rassuriez sur ce point. Cette décision aurait pour conséquence de pousser toujours plus de populations vers les centres commerciaux, avec deux difficultés. D'abord, les marchés sont en général en centre-ville et les centres commerciaux à l’extérieur. Comment feront les gens qui n’ont pas de voiture ? Comment feront les personnes âgées ? De plus, la promiscuité à l’intérieur d’un centre commercial me paraît potentiellement bien plus dangereuse que sur un marché où l'on garderait les distances et où l'on prendrait toutes les précautions. Enfin, j’apprends qu’à Rungis, ce matin, les centres commerciaux achetaient, à prix cassé, tout ce qu’ils pouvaient acheter et qui était destiné aux commerçants des marchés.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous donner rapidement aux préfets les instructions pour que, là où les commerçants et les maires ont pris toutes les précautions de sécurité, les marchés puissent rouvrir dès les jours qui viennent ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les mesures que nous avons décidées visent à préciser et à rendre, il est vrai, plus strictes les conditions du régime de restriction de sorties et de confinement décidé la semaine dernière et entré en vigueur mardi dernier. Jusqu'à présent, les marchés extérieurs, ouverts ou couverts, étaient autorisés puisque nous souhaitons légitimement garantir que durant la période de confinement – qu'il s'agit de respecter strictement –, nos concitoyens puissent acheter à manger – car il s'agit évidemment d'un besoin vital.
Au cours de la semaine qui s'est écoulée, il nous est apparu que sur certains marchés – qui ne se limitent pas à ceux que vous avez cités –, les mesures d'organisation étaient insuffisantes et plaçaient ceux qui vendaient et achetaient dans des situations ne correspondant pas aux règles de sécurité sanitaire que nous voulons faire respecter. C'est la raison pour laquelle j'ai été conduit à prendre le décret que vous avez mentionné, qui pose un principe d'interdiction, mais qui laisse la possibilité d'exceptions, c'est-à-dire d'ouverture des marchés.
Quelle est la procédure à suivre ? Les maires sont au cœur du dispositif, car ils sont les mieux placés pour dire que dans leur commune, ou bien dans tel ou tel quartier d'une grande ville, le marché est nécessaire, qu'il constitue le meilleur moyen d'approvisionnement alimentaire et qu'il peut être organisé dans le respect des règles de sécurité sanitaire que nous avons édictées – j'insiste sur ce point. Vous avez longtemps été maire ; moi aussi, et je sais parfaitement que dans la ville que je connais le mieux, Le Havre, certains marchés sont faciles à organiser alors que dans d'autres, la disposition des lieux ou la densité rendent le respect de ces règles quasiment impossible.
M. Jean-Christophe Lagarde. À Drancy aussi !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . La règle vaudra partout en France : le principe, c'est l'interdiction ; l'exception, c'est la possibilité, pour le préfet, après avis du maire et sur demande du maire, d'autoriser l'ouverture du marché pour assurer le service que nous souhaitons offrir à nos concitoyens. La période se prête mal aux messages nuancés :…
M. Sébastien Jumel. Eh oui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …beaucoup de nos concitoyens aimeraient des règles d'une vigueur absolue, où tout serait tout blanc ou tout noir, sans se rendre compte que des règles aussi contrastées placeraient certains d'entre eux dans des situations très difficiles. Certes, pour se faire comprendre, il serait plus facile de dire que tous les marchés sont interdits ; mais dans certains petits villages, pour certaines catégories de la population – personnes âgées, qui ont l'habitude d'acheter des produits frais sur tel marché et qui ne pourront pas se déplacer très loin, agriculteurs, qui trouvent dans le marché le moyen d'écouler leur production –, l'interdiction du marché créerait un problème supplémentaire qui ne pourrait pas être réglé. J'ai conscience que ce message – pas très compliqué, mais un peu nuancé – a parfois du mal à être entendu et parfaitement assimilé. J'ai essayé de vous l'expliquer clairement : interdiction de principe, mais possibilité, sur avis et sur demande des maires, d'une dérogation.
M. Jean-Christophe Lagarde. C'est aux préfets d'agir vite !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Bien sûr, les mesures entrent en vigueur brutalement car l'urgence le commande, mais j'ai la certitude que ces règles vont être de mieux en mieux comprises et de mieux en mieux appliquées par nos concitoyens. C'est d'ailleurs ce qui se passe depuis une semaine. En effet, nous nous focalisons sur les cas de non-respect des règles de confinement, parce qu'ils sont particulièrement choquants, mais nous pouvons tout de même constater que dans leur immense majorité, nos concitoyens respectent ces règles avec beaucoup de sérieux et de conscience civique.
M. Jean-Christophe Lagarde. C'est le cas dans ma circonscription.
M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est heureux, car le respect des règles est indispensable. Il faut évidemment pointer ce qui ne va pas – les comportements inciviques et irresponsables –, mais il faut aussi dire que la majorité de nos concitoyens a compris l'enjeu collectif et respecte admirablement – j'insiste sur ce terme – les recommandations.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2020