Prévention de la propagation du covid-19 dans les prisons
Question de :
Mme Laurence Vichnievsky
Puy-de-Dôme (3e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 25 mars 2020
PRÉVENTION DE LA PROPAGATION DU COVID-19 DANS LES PRISONS
M. le président. La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.
Mme Laurence Vichnievsky. Madame la garde de sceaux, la non-prolifération du virus Covid-19 est le premier impératif de notre stratégie contre cette pandémie. La situation dans les établissements pénitentiaires est à cet égard un sujet de préoccupation, dès lors que les règles de confinement pourraient ne pas être respectées.
J'en profite pour rendre hommage aux personnels de ces établissements qui, à l'instar d'autres personnels, travaillent dans des conditions encore plus difficiles que d'habitude.
Nous connaissons, madame la ministre, votre engagement fort pour mettre fin à la surpopulation pénale, tant par la construction de nouvelles places de prison que par le développement des alternatives à l'emprisonnement.
Nous avons aussi pris connaissance de votre décision de ne pas faire exécuter les courtes peines d'emprisonnement et de votre volonté de voir libérer des condamnés exécutant la toute fin de leur peine.
Ces mesures, auxquelles le groupe du Mouvement démocrate et apparentés apporte son plein soutien, seront-elles suffisantes pour désengorger les établissements et empêcher des détenus d'être exposés à la proximité d'autres détenus à l'intérieur de cellules collectives ?
Nous ne pouvons soumettre ces personnes à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme – CEDH. Je pense surtout aux personnes en détention provisoire, puisque les sureffectifs affectent principalement les maisons d'arrêt.
Une solution pourrait être d'exclure, par voie d'ordonnance, toute détention provisoire en matière correctionnelle, avec effet immédiat pour les détenus se trouvant dans ce cas. Mais je crains qu'une telle modification ne dépasse les prévisions d'habilitation de la loi d'urgence adoptée dimanche.
Dans ce cas, des instructions pourraient-elles être données aux parquets afin qu'ils ne recourent que de manière exceptionnelle à des réquisitions de mise en détention provisoire et de prolongation de détention provisoire pour les personnes poursuivies en matière délictuelle ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous avez raison, madame la députée, la lutte contre la propagation du Covid-19 dans les prisons est l'une de mes principales préoccupations.
Comme vous, je profite de l'occasion pour rendre hommage aux personnels des services judiciaires, pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse – PJJ. Ils font preuve d'un véritable courage afin d'assurer la continuité du service public et la protection de nos concitoyens.
Le taux de surpopulation, notamment dans les maisons d'arrêt, est surveillé de manière extrêmement attentive. Notons que la diminution de l'activité juridictionnelle entraîne, de manière mécanique, une baisse du nombre des incarcérations.
En outre, j'ai donné des instructions aux parquets pour qu'ils recourent le plus possible à des mesures d'aménagement de peine. À cet égard, les juges de l'application des peines font preuve d'une véritable mobilisation. Nous constatons d'ailleurs qu'il y a déjà 1 600 détenus en moins dans nos établissements pénitentiaires.
Dans le cadre de la loi d'urgence, je souhaite aller plus loin : les détenus qui seront à deux mois de leur fin de peine pourront en effectuer le reliquat en étant confinés à domicile ; ceux qui seront à six mois de leur fin de peine pourront voir cette peine transformée en un travail d'intérêt général – TIG. Précisons que ces mesures ne concerneront évidemment pas les terroristes ou les auteurs de violences intrafamiliales.
En revanche, je ne souhaite pas prendre de mesures générales concernant la détention provisoire.
Comme vous le savez, madame Vichnievsky, la détention provisoire relève de la compétence des juges du siège, qui sont indépendants. En outre, elle n'est généralement ordonnée que si des éléments font craindre un nouveau passage à l'acte ou des pressions sur les victimes. Enfin, en matière délictuelle, elle concerne des infractions graves.
Il me semble que le dispositif que nous avons construit permet d'assurer la sécurité des Français et la continuité du service public. C'est un dispositif équilibré.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Très bien !
Auteur : Mme Laurence Vichnievsky
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2020