Stratégje de sortie du confinement dans l'éducation nationale
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2020
STRATÉGIE DE SORTIE DU CONFINEMENT DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, je suis un peu moins inquiet qu’hier soir : le discours du Président de la République donnait le sentiment que le 11 mai était un impératif, mais, depuis ce matin, j’entends les membres du Gouvernement parler d'un objectif et rappeler que les conditions sanitaires devront évidemment être respectées, en premier lieu pour la réouverture des écoles, sachant que celle-ci concernera 12,4 millions d’élèves et tout le personnel – non seulement de l’État mais aussi des collectivités locales – nécessaire pour les accueillir.
De nombreuses questions se posent. Les écoles, premières fermées, seraient les premières rouvertes ? Or, si elles ont été les premiers établissements fermés, c'est sans doute parce qu'elles suscitaient le plus d’inquiétudes… Sera-ce obligatoire ? Les élèves seront-ils accueillis par groupe ? Quelles seront les régions concernées ? S'agira-t-il des moins touchées ? Qu'en sera-t-il de l’est de la France et de l’Île-de-France ?
J’ai compris, monsieur le Premier ministre, que vous aviez besoin de travailler sur le sujet. Je soulève donc plusieurs questions utiles pour ce travail, auquel nous souhaitons pouvoir participer, peut-être sous la forme que vous avez adoptée pour les échanges entre les groupes parlementaires et le Gouvernement.
Est-il indispensable de rouvrir les crèches et les maternelles, où il est impossible de respecter et de faire respecter les gestes barrières ? Qui prendra la décision d’ouverture ? Les maires, les présidents de conseil départemental, les présidents de conseil régional ou l’État ? Car cela posera naturellement un problème de responsabilité pénale. Le fonctionnement des cantines scolaires devra-t-il être assuré ?
Surtout, y aura-t-il, le 11 mai – ou plus tard, si cette date devait être reportée –, des masques pour les enfants et les enseignants, du gel en quantité suffisante, bref, des mesures de protection garantissant qu'après être allés à l'école, les enfants, qui peuvent bien souvent être vecteurs sans être touchés par la maladie, ne ramèneront pas le virus à la maison, ce qui risquerait alors d'entraîner une nouvelle explosion du nombre de cas ?
Je formule d'ailleurs une proposition : ne serait-il pas plus sage de se concentrer sur les classes débouchant sur un examen ou conditionnant l'orientation des élèves, lesquels pourraient probablement être accueillis au sein des établissements dans des conditions sanitaires plus satisfaisantes ?
Pour résumer, nous avons du travail devant nous, et nous souhaitons pouvoir le mener ensemble.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. L'importance qui s'attache à la réouverture des écoles n'échappe à personne ici, parce que l'école est évidemment le lieu de l'apprentissage.
Depuis la fermeture des écoles, l'immense majorité des enfants de notre pays ont pu, grâce au remarquable travail des enseignants, poursuivre leur parcours d'éducation, d'acquisition de connaissances et de travail. Il faut remercier tous ceux qui ont rendu cette continuité possible, au premier rang desquels figurent les enseignants.
Mais vous savez comme moi, monsieur Lagarde – et même probablement mieux que d'autres, compte tenu de la circonscription dans laquelle vous êtes élu –, qu'en raison d'inégalités sociales, territoriales ou familiales, voire du cumul de ces trois facteurs, un certain nombre d'enfants se retrouvent, dans la période actuelle, beaucoup plus éloignés que les autres du parcours éducatif, de l'acquisition de connaissances et de la réflexion. Pour ceux-là, les conséquences du confinement sont à la fois très fortes et probablement très durables. C'est la raison pour laquelle nous devons collectivement veiller à ramener le plus grand nombre de nos enfants sur le chemin de l'école, comme l'a souligné le Président de la République.
Cet impératif est bien réel. Il doit, bien entendu, être conjugué avec la nécessité de préserver la santé de nos concitoyens en garantissant le respect des règles sanitaires, absolument décisives, auxquelles nous pensons à chaque instant. Voilà le travail qui nous attend. Je sais que certains commentateurs imaginent parfois que tout devrait être arrêté, comme si cela sortait, sinon de la cuisse…
M. Jean-Christophe Lagarde. De Jupiter ! (Sourires.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est vous qui l'avez dit ! (Sourires.) Comme si cela sortait, du moins, tout armé de sa tête. La vérité, c'est que si nous voulons répondre d'une façon intelligente et efficace à la nécessité du retour à l'école, nous devons le faire, comme vous l'avez souligné, avec les maires, les professeurs et l'ensemble de ceux qui participent à la vie scolaire. Nous devons le faire de façon ingénieuse, en garantissant les moyens de protection et en nous assurant que nous pouvons réellement adapter l'organisation de la journée ou les lieux d'enseignement à des règles permettant à la fois de faire cours dans les meilleures conditions possible et de garantir la sécurité sanitaire.
Or tout cela exige non seulement une politique générale, que nous définirons, mais aussi des adaptations locales, auxquelles nous devons travailler avec les préfets, les sous-préfets, les maires, l'administration de l'éducation nationale et, bien entendu, les professeurs. Cela prendra du temps. Je sais que nous vivons dans un monde où chacun aimerait que tout fonctionne en un clic, mais les choses, on le sait, ne se passent pas ainsi.
Nous travaillons. Nous le faisons, comme je m'y étais engagé, en bonne intelligence avec les présidents de groupe parlementaire, avec lesquels nous menons, vous pouvez en témoigner, une discussion régulière.
M. Jean-Christophe Lagarde. Et sincère !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je vous remercie de le dire !
C'est ainsi que nous progresserons et que nous réussirons à trouver les bonnes solutions, en gardant toujours à l'esprit le double impératif de sécurité sanitaire – de préservation de la santé de nos concitoyens – et de continuité de la vie de la nation. Ça n'est pas rien que d'assurer la continuité de la vie de la nation : il y va de notre capacité à préserver les générations futures de conséquences trop fortes et durables d'une déscolarisation ou d'un éloignement de l'école.
Nous devons donc concilier ces deux impératifs, en bonne intelligence et de façon efficace. Cela ne sera pas facile, je vous le concède, mais c'est ce que nous devons faire.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2020