Coordination internationale face à la pandémie de covid-19
Question de :
M. Jean François Mbaye
Val-de-Marne (2e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 22 avril 2020
COORDINATION INTERNATIONALE FACE À LA PANDÉMIE DE COVID-19
M. le président. La parole est à M. Jean François Mbaye.
M. Jean François Mbaye. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 mettent à l’épreuve nos systèmes de santé et nos économies, et contribuent à amplifier les rapports de force sur la scène internationale. Tandis qu’elle fait face à la plus importante crise sanitaire qu’elle ait connue depuis sa création, l’Organisation mondiale de la santé – OMS – fait l’objet de toutes les attentions. Alors que l’ampleur inédite de cette crise réclame une réponse internationale coordonnée, l’OMS est devenue la cible de violentes critiques, avant d’être tout simplement mise en cause par le président américain Donald Trump. La suspension du financement de l’Organisation en pleine crise sanitaire acte ainsi sa volonté de désengager son pays des institutions intergouvemementales. À l’inverse, la Chine entend les investir massivement, tout en promouvant sa propre conception des relations internationales, notamment à l’aide des nouvelles routes de la soie.
Avec l'affaiblissement de l’OMS et le renforcement de ces ambitions hégémoniques, c’est tout un système qui est mis à mal, un système fondé sur la coopération internationale et l’entraide entre les nations : le multilatéralisme si cher à ceux qui ont contribué à son élaboration, au sortir de cette autre période sombre que fut la seconde guerre mondiale. Cet ordre multilatéral, vous l’avez mis à l’honneur, monsieur le ministre, en créant en avril 2019 l’Alliance pour le multilatéralisme. Convaincus que les grands défis qui s'imposent à nous ne peuvent être relevés que grâce à la coopération, la France et ses partenaires peuvent et doivent constituer la garde prétorienne de cette approche globale, y compris et surtout en matière de santé mondiale. Cet ordre connaîtra sans doute de profondes mutations durant la crise, et à plus forte raison une fois celle-ci résolue.
Dans cette perspective, quels sont le rôle et la stratégie dont la France entend se doter, afin de rendre force et crédibilité à l’OMS, et plus largement à l’ensemble des institutions supranationales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. L'Organisation mondiale de la santé est à ce jour la seule organisation sanitaire universelle ; elle est l'un des piliers de l'ordre multilatéral fondé après la seconde guerre mondiale, ce qui explique notre surprise en entendant que certains voulaient suspendre les contributions qu'ils lui versent. Que ferions-nous, demain, sans organisation universelle pour lutter contre une pandémie, universelle par définition ? Ce serait contradictoire. La position de la France est donc très claire : nous soutenons l'OMS et nous continuerons à le faire. Je note d'ailleurs que nous ne sommes pas seuls à agir en ce sens ; vous avez cité l'Alliance pour le multilatéralisme : mon homologue allemand Heiko Maas et moi l'avons réunie le 16 avril, et ses membres ont manifesté leur volonté de soutenir l'Organisation mondiale de la santé.
Néanmoins, la pandémie impose de réformer le multilatéralisme de la santé, en particulier en renforçant le rôle normatif de l'OMS. Il existe un règlement sanitaire international, datant de 2005, mais les moyens d'application font défaut. L'OMS doit également acquérir davantage d'autonomie financière pour jouer son rôle d'alerte et de détection, par exemple grâce à la création transparente d'une autorité mondiale pour la santé humaine et animale : celle-ci jouerait un rôle scientifique d'alerte, comparable à celui du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Enfin, il faut innover s'agissant de la coordination entre les outils de santé publique : je pense notamment aux fonds verticaux tels que le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination – GAVI –, Unitaid ou la fondation Bill-et-Melinda-Gates, puisque les fondations privées sont elles aussi concernées. Telle est la volonté du Président de la République, qui a reçu il y a quelques jours l'ensemble de ces organisations, en vue de refonder la sécurité sanitaire mondiale sous la houlette de l'OMS.
Auteur : M. Jean François Mbaye
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Organisations internationales
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 avril 2020