Stratégie de sortie du confinement dans l'éducation nationale
Question de :
Mme Sabine Rubin
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2020
STRATÉGIE DE SORTIE DU CONFINEMENT DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Je me fais le relais de plusieurs interrogations et inquiétudes de l'ensemble de la communauté éducative, plongée en plein désarroi après tant de confusion et d'injonctions contradictoires. Ainsi, contre les recommandations du Conseil scientifique, la rentrée aura bien lieu le 11 mai 2020, commençant par les plus jeunes élèves : ceux de maternelle et de primaire, qui peineront à respecter les gestes barrière ; ceux aussi qui ne peuvent se garder seuls. Je n'ose imaginer que cette décision est motivée par la reprise de l'activité économique.
Alors pourquoi retourner à l'école ? Pour faire quoi, se demandent certains, alors qu'il ne restera qu'un peu plus d'un mois d'école ? Et si c'est par réel souci de ne pas creuser les inégalités, certes exacerbées par cette crise, alors expliquez-nous pourquoi sont programmées la suppression de classes et la baisse de dotations pour la rentrée, jusqu'en Seine-Saint-Denis, département le plus défavorisé, au lieu de muscler les établissements en moyens humains ?
Il faut aussi nous expliquer pourquoi avoir décidé du volontariat, qui laisse les parents devant un choix cornélien, terriblement anxiogène en plus d'être inégalitaire, car tout le monde n'est pas à armes égales face au choix d'emmener ou non son enfant à l'école. Et d'ailleurs, ce volontariat n'est-il pas l'aveu d'une incertitude sur l'efficacité des préconisations sanitaires, dont vous venez de préciser les termes ?
M. Sylvain Maillard. Eh oui, il y a le Covid !
Mme Sabine Rubin. Que répondre alors aux enseignants ? Pourront-ils être volontaires, eux aussi, ou subiront-ils la double peine de devoir assumer à la fois du travail présentiel et à distance ? En cas de drame, qu'en sera-t-il de la responsabilité des maires, des chefs d'établissement, des directeurs voire des enseignants ? Pourrait-elle être engagée ? Certains maires ont déjà annoncé qu'ils n'ouvriraient pas les écoles. Une grande partie de la communauté éducative réclame la rentrée en septembre, comme chez nos voisins italiens, d'autant que de nouvelles études alarment sur le risque de cas graves chez les enfants.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, êtes-vous prêt à réexaminer ce plan en prenant en compte la parole de ceux qui sont concernés et sur qui, maintenant, vous savez pouvoir compter ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie pour votre dernière phrase, qui est très exacte et constitue le fondement de ma réponse. Autrement dit, nous devons avoir une unité nationale, une unité totale au sein de l'éducation nationale, pour franchir les différentes étapes prévues, en ayant en tête le plan de confinement, puis le plan de déconfinement, les vacances d'été et la préparation de la rentrée de septembre, dans une vision commune bienveillante.
En matière de création de postes, je réfute ce que vous prétendez : nous créons des postes en Seine-Saint-Denis, ainsi que des postes supplémentaires dans le cadre de créations nouvelles. Dans chaque commune de Seine-Saint-Denis, le taux d'encadrement sera meilleur que celui de l'année précédente. À ce sujet, vous pouvez être rassurée.
Notre inspiration est d'abord sociale. L'exemple le plus fort est évidemment celui des CP et CE1 de REP – réseau d'éducation prioritaire – et de REP+ – réseau d'éducation prioritaire renforcée –, où les élèves sont déjà douze. Ces classes répondent donc aux conditions sanitaires fixées : ce sont des groupes de moins de quinze élèves, qui feront partie des premiers à rentrer. Je m'en réjouis énormément parce que notre priorité est l'école primaire ; c'est très clair depuis trois ans et ça l'est toujours plus. Dans une période comme celle que nous vivons, les risques de décrochage et de « désapprentissage » sont très forts, et nous tenons à cette priorité. Toutes les mesures sont à l'avenant : fondée sur une préoccupation sociale.
Concernant le volontariat, des adultes comme des élèves, je vous invite, comme sur tous les sujets, à raisonner a contrario : êtes-vous prête à soutenir la thèse inverse et à la défendre ? Autrement dit, voulez-vous que nous allions chercher les élèves chez eux et que nous forcions les parents à les accompagner ? Bien sûr que vous protesteriez si nous disions cela.
L'instruction est obligatoire en France, il n'y a aucun doute sur ce point. Ce qu'a dit le Président de la République, qui correspond exactement à ce que j'avais dit devant l'Assemblée nationale quelques jours plus tôt, est la seule réponse possible : l'instruction est obligatoire, et les parents envoient ou non leurs enfants à l'école ; s'ils ne les envoient pas, l'enseignement se fera à distance. C'est ainsi que nous récupérerons les quelques décrocheurs restants, auxquels nous serons particulièrement attentifs ; nous mènerons une action pour les inciter à venir.
Notre motivation est profondément sociale ; elle s'attache aussi à l'unité nationale et j'espère que vous suivrez également cet aspect.
Auteur : Mme Sabine Rubin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2020