Question au Gouvernement n° 2909 :
Stratégie de sortie du confinement dans les territoires

15e Législature

Question de : M. François de Rugy
Loire-Atlantique (1re circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2020


STRATÉGIE DE SORTIE DU CONFINEMENT DANS LES TERRITOIRES

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, vous avez présenté hier devant nous les mesures d'accompagnement du déconfinement. Si nous pouvons parler aujourd'hui de déconfinement, c'est que le confinement a été efficace. La courbe des contaminations s'est inversée, le pic de l'épidémie est manifestement derrière nous. Ce résultat, nous le devons au civisme et à la responsabilité des Français. Nous devons saluer cet effort des Français, qui est dur pour beaucoup de nos compatriotes, nous le savons.

Il faut saluer ceux qui n'ont jamais arrêté de travailler dans cette période, pour que les fonctions vitales du pays soient assurées. Il faut aussi saluer ceux qui ont déjà recommencé à travailler ou vont le faire avant le 11 mai, parce que les conditions de sécurité sanitaire sont réunies.

Sans attendre le 11 mai, vous avez donc présenté ces mesures. Vous avez eu une phrase qui résume tout : « Un peu trop d'insouciance et c'est l'épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c'est l'ensemble du pays qui s'enfonce. »

Parmi les voies que vous avez ouvertes hier, il y a la prise en compte des différences territoriales, des différences de situation. Je suis bien placé pour en parler, étant élu de la région des Pays de la Loire, qui est moins touchée que d'autres, comme l'ouest de la France en général - c'est une chance pour nous. Vous avez parlé d'un classement entre départements « rouges » et départements « verts ». Pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences concrètes, dans les départements verts, pour les entreprises, pour les établissements scolaires - écoles, collèges, lycées -, pour l'ouverture des parcs et jardins, peut-être même des plages ? Comment comptez-vous associer les élus locaux à ces mesures différentes selon les territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Sylvain Maillard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je m'associe à ce que vous avez évoqué au début de votre question. En effet, le confinement, pour beaucoup de nos concitoyens, fut une épreuve, un effort, dans le sens où ils ont dû se priver eux-mêmes, par civisme, de visites qu'ils aimaient rendre et d'une façon de vivre à laquelle ils étaient attachés. Pour beaucoup d'entre eux, ce ne fut pas simplement un renoncement à des choses susceptibles d'être remises à plus tard, mais une véritable pression, avec probablement un coût – je ne parle pas ici d'un coût économique, mais d'un coût humain et social.

Vous posez la question de la territorialisation. Permettez-moi tout d'abord de rappeler la logique de distinction des départements verts et rouges. Comment allons-nous classer un département en vert ou en rouge ? En fonction d'indicateurs, qui seront évidemment publics, actualisés tous les jours, et qui correspondent à trois logiques.

Le premier indicateur sera le taux de cas nouveaux dans la population, c'est-à-dire la rapidité de circulation et d'apparition de nouveaux cas.

Le deuxième indicateur sera le degré de préparation du système hospitalier. La première vague a frappé et les capacités hospitalières en lits de réanimation et de soins intensifs ont partout été accrues. L'utilisation de ces lits a été massive, très au-delà des capacités normales d'occupation. En l'espèce, nous adoptons une approche régionale, parce qu'on sait qu'à l'intérieur d'une région, les capacités hospitalières sont souvent, non pas mutualisées, mais partagées : il est courant qu'un cas sévère soit transféré vers un CHU – centre hospitalier universitaire – d'un département voisin, dont la zone de chalandise, si vous me permettez l'expression, est régionale. Bref, cet indicateur concerne la disponibilité du système hospitalier, sa capacité à s'être remis de la première vague.

Le troisième indicateur sera la capacité des brigades, que j'évoquais tout à l'heure en réponse au président Abad, à faire apparaître efficacement les chaînes de transmission.

Ces trois grands indicateurs nous permettront de savoir, département par département, si le virus circule beaucoup ou peu, et si nous sommes en mesure de circonscrire son évolution.

Quels seront les différents régimes qui s'attachent au classement en vert ou en rouge ?

Une majorité d'obligations seront communes à tous les départements : toutes les mesures de distanciation sociale – ou plutôt physique – et de précaution, comme je l'ai indiqué et répété. Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant. Toutes les méthodes d'organisation des brigades de test et de remontée des contacts seront évidemment de la même nature partout en France.

Des interdictions prévaudront également partout en France : la non-ouverture des cafés et des restaurants, au moins jusqu'au 2 juin 2020. De même, la non-ouverture des très grands centres commerciaux restera valable partout en France. En effet ces centres, dont la zone de chalandise s'étend très au-delà du bassin de vie, créent des brassages : les gens y viennent de loin et repartent. Or un tel brassage est précisément ce contre quoi nous voulons lutter dans la phase de maîtrise de l'épidémie.

Concernant d'autres sujets, on pourra évidemment différencier l'application. Ce sera le cas s'agissant du rythme d'ouverture des écoles, notamment des collèges. Nous prendrons en compte, en la matière, l'appréciation des autorités préfectorales, de l'administration de l'éducation nationale du département et des maires, il est très important de le comprendre.

Dans un département vert, l'ouverture des écoles primaires sera possible ; bien sûr, elle se passera de manière un peu différente à certains endroits. Il faut laisser au maire la possibilité de dire aux responsables de l'éducation nationale que les choses ne doivent pas être identiques à l'école Anatole France et à l'école Jean Moulin, parce que les locaux, la façon de s'organiser, le nombre d'élèves inscrits, rendent plus facile ici que là une organisation parfaite. Tout cela, ni moi ni le ministre de l'éducation nationale ne sommes en mesure de le déterminer ; ceux qui en sont capables, ce sont bien souvent le directeur de l'école, le maire et le représentant local de l'éducation nationale, et j'ai totalement confiance en ces trois acteurs pour prendre les bonnes décisions. Il y aura donc des différenciations, y compris parfois à l'intérieur d'une commune ; après tout, nous pouvons l'accepter, l'important étant que tout le monde reprenne le chemin de l'école.

Quand un maire d'une zone rouge nous fera savoir que sa commune, à cause de l'explosion du nombre de cas, n'est pas encore prête, nous discuterons avec lui. Nous comprendrons la spécificité de la situation locale, pour essayer de trouver le bon rythme d'ouverture des écoles. Dans les départements rouges, toutes les communes ne sont pas affectées de la même façon.

Au fond, je veux expliquer ici que la logique choisie commande des effets et commande l'esprit du partenariat entre les élus locaux et les acteurs de terrain. Cet esprit est plus important à comprendre que la règle, voyez-vous, parce que c'est ce qui nous permettra de piloter finement et efficacement la maîtrise de la circulation du virus. Il y aura donc des départements verts et des départements rouges, mais il y aura partout une discussion intense, précise, confiante dans toute la mesure du possible, pour prendre les bonnes mesures. Je suis certain que, face au risque épidémique, les acteurs locaux sauront adapter les mesures au plus près de la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Pierre-Yves Bournazel applaudit également.)

Données clés

Auteur : M. François de Rugy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2020

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