Question au Gouvernement n° 2933 :
Organisation du déconfinement

15e Législature

Question de : Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2020


ORGANISATION DU DÉCONFINEMENT

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, personne ne nie que la crise que nous vivons est très complexe à gérer. Mais c’est précisément pour cette raison qu’il nous faut des réponses claires et, surtout, qui ne se contredisent pas selon qu’elles émanent de vous-même, de tel ou tel de vos ministres ou du Président de la République. Ce sont ces réponses que je vous demande en ce cinquantième jour de confinement.

Selon certains ministres, semble-t-il, à partir du 11 mai, la lutte contre la crise économique l’emportera sur le combat contre la crise sanitaire. Est-ce aussi votre point de vue ? Pour nous, la lutte sanitaire doit demeurer la priorité, y compris après le 11 mai.

Voilà pourquoi nous voulons des masques pour tous. En venant aujourd’hui à l’Assemblée nationale, je me suis rendue dans une dizaine de pharmacies parisiennes et dans une grande surface ; aucune n’en avait. J’ai fini par en trouver dans une onzième pharmacie. Qu’en est-il de la diffusion des masques sur le territoire ? Comment entendez-vous la réguler ?

Voilà aussi pourquoi nous souhaitons une reprise scolaire sécurisée. Le principe doit en être que l’on ouvre lorsqu’on est prêt du point de vue de la sécurité sanitaire. De plus, l’État doit assumer sa part de responsabilité en cessant de se défausser sur les maires. Je vous demande donc que la réouverture des écoles fasse l’objet d’une validation préalable de l’État, qui assumera conjointement la décision, sur proposition du maire.

Voilà encore pourquoi nous voulons des tests PCR. Vous avez annoncé mardi dernier un objectif de 700 000 tests hebdomadaires à partir du 11 mai. Or, selon le président du syndicat national des médecins biologistes, les laboratoires, publics et privés, n’en réalisent actuellement que 250 000 par semaine environ. Comment envisagez-vous de multiplier ce nombre par trois d’ici à lundi prochain ?

S’agissant de la sécurité économique, enfin, financer les fonds d’urgence suppose de sécuriser notre propre accès au financement. J’ai interrogé deux fois à ce sujet le ministre de l’économie et des finances, qui ne m’a pas répondu. Aujourd’hui même, la Cour constitutionnelle allemande a mis en garde la Banque centrale européenne à propos du financement que celle-ci accorde. Quelles garanties avez-vous obtenues auprès de nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Beaucoup de questions dans votre question, madame la présidente, et je laisserai le ministre de l'économie et des finances aborder le dernier des thèmes que vous avez évoqués.

Votre première question consistait à savoir si, à compter du 11 mai, le rang des priorités gouvernementales se trouverait changé. J'avais pourtant cru être clair en m'exprimant la semaine dernière ici même à la tribune, mais si cela n'a pas été le cas, je vais essayer de l'être encore davantage cette fois-ci pour qu'il n'y ait plus aucun doute.

Nous sommes sur une ligne de crête. Je préférerais que les choses soient plus simples, madame la présidente.

Mme Valérie Rabault. Évidemment !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Vous aussi, j'en suis sûr. Mais les choses ne sont pas simples. Si nous allons trop vite dans le déconfinement, nous risquons de mauvaises nouvelles du côté sanitaire. J'en ai la conviction. Je suis donc prudent et j'ai indiqué que l'évolution devra être progressive. Parfois cela m'est reproché. Parfois certains disent que je devrais aller plus vite, autoriser la réouverture des cafés et des restaurants, autoriser l'accès aux plages, comme M. Le Fur vient de le demander à l'instant. Mais non : nous voulons avancer progressivement afin de vérifier qu'à chaque nouvelle étape franchie, nous demeurons capables de maîtriser la propagation du virus.

Mais autant il faut être prudent, autant il est impossible de rester immobile, sous peine de devoir affronter un autre risque : celui de très mauvaises nouvelles économiques pour le pays, celui de l'effondrement de la production et donc de la redistribution, avec à la sortie celui d'une catastrophe sociale et d'une catastrophe pédagogique. Tous ces risques, je sais que vous les mesurez parfaitement. Il faut donc adopter une démarche progressive et prudente qui permette à la fois de garantir la sécurité et de faire repartir notre pays.

C'est un équilibre difficile à tenir, mais je ne crois pas que cet objectif manque de clarté et nos concitoyens en comprennent d'ailleurs parfaitement la logique : ils admettent tout à fait qu'il nous faut avancer, mais prudemment.

Libre à chacun ensuite de se faire sa propre idée sur ce que signifie le fait d'avancer prudemment. Si on se trouve dans un territoire où le virus a plus ou moins circulé, on se fait une idée différente de cet équilibre. Tout le monde peut le comprendre. Mais c'est cet équilibre que nous essayons de tenir en rouvrant les écoles, en permettant aux transports en commun de faire face au fur et à mesure, dans des conditions certes très contraignantes, à l'augmentation du trafic. C'est ainsi que le Gouvernement entend tenir l'équilibre, et tous ses membres sont sur cette ligne.

Il est vrai que, parfois, certains mettent l'accent sur une mesure qui relève plus du redémarrage et d'autres sur une mesure qui relève davantage de la prudence. Certains commentateurs – je ne pense pas à vous, madame Rabault – y voient une différence fondamentale dans l'expression au sein du Gouvernement, mais ce n'est pas vrai. Nous essayons tous ensemble de tenir cet équilibre, sachant que ce n'est pas facile.

Mme Valérie Rabault. En effet !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Ce que nous demandons, avec humilité, c'est seulement un peu de bonne foi de l'autre côté – encore une fois, cela ne vous est pas adressé, madame la présidente. Quand chacun comprend que le Gouvernement est, de bonne foi, dans cette logique de l'équilibre, chacun comprend aussi qu'il faut essayer d'appliquer les décisions qui en découlent en s'adaptant aux spécificités locales. C'est le point sur lequel je voulais insister en réponse à votre question.

S'agissant de la distribution des masques, le Gouvernement a déjà fait connaître de nombreux éléments. Il y aura des canaux différents. Ainsi, c'est l'éducation nationale qui fournira les masques aux collégiens et aux professeurs et autres personnels concernés qui vont reprendre le chemin des établissements à partir du 18 mai dans les départements verts. Au titre de sa fonction d'employeur, l'État en distribuera également un certain nombre à ses agents. Quant aux entreprises, un très grand nombre d'entre elles ont passé des commandes et vont fournir des masques à leurs salariés. Certaines branches professionnelles se sont organisées pour que les grandes entreprises en fournissent à leurs sous-traitants plus petits, qui peuvent avoir plus de difficultés à en obtenir, de façon à ce que la chaîne de production puisse tenir au niveau national.

Vous savez aussi que les collectivités territoriales ont pris de très nombreuses initiatives en matière de distribution des masques. Et tant mieux ! Il ne s'agit pas d'opposer les collectivités et l'État : tout le monde, ensemble, doit essayer de trouver les moyens de passer cette étape. (M. Jimmy Pahun applaudit.) Elles ont eu mille fois raison d'essayer de s'équiper pour distribuer, selon des critères qui leur sont propres, des masques à leur population, selon des canaux particuliers mais adaptés à la réalité du terrain. C'est vrai au Havre comme c'est vrai partout ailleurs en France, dans toutes les villes de vos circonscriptions respectives, mesdames et messieurs les députés – je n'en oublie pas pour autant que vous représentez dans cette assemblée l'ensemble du peuple français, d'où que vous veniez.

C'est ainsi que nous parviendrons à équiper l'ensemble du territoire. À cet égard, le fait que la grande distribution, voire le commerce en général, ait commandé des masques et puisse les vendre est une bonne nouvelle !

Mme Valérie Rabault. Je suis d'accord.

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Nombre de produits de première nécessité et d'un intérêt vital n'étaient-ils pas déjà en vente dans les commerces ? Cela va permettre à beaucoup de nos concitoyens d'avoir accès plus rapidement à un produit devenu nécessaire.

Pour nos concitoyens qui n'auraient pas accès aux masques par ces différents canaux, le secrétaire d'État Adrien Taquet, le ministre de la santé et des solidarités et moi-même avons déjà indiqué que nous veillerons à ce que, chaque semaine, 5 millions de masques soient répartis dans les départements, au cas par cas, pour donner une réponse aux populations les plus fragiles, les plus éloignées ou n'ayant pas les moyens de se tourner vers la grande distribution. Ce sont les préfets qui vont répartir au mieux ces masques.

Je ne peux pas vous préciser comment ils procéderont dans chaque département. Peut-être dénoncerez-vous le flou de cette réponse, mais si je le faisais, je me tromperais et mes propos ne seraient pas adaptés à la réalité de chacun d'eux.

C'est ainsi que nous réussirons à équiper, progressivement et le plus vite possible, notre pays. Je le dis tout en répétant systématiquement que le masque doit être bien porté et qu'il ne constitue qu'un complément aux gestes barrières, car il est plus important encore d'observer la distanciation physique et de se laver les mains à intervalles très réguliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Valérie Rabault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2020

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