Question au Gouvernement n° 2938 :
Organisation du découfinement

15e Législature

Question de : M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2020


ORGANISATION DU DÉCONFINEMENT

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration relative au déconfinement, vous avez évoqué la différenciation territoriale et avez appelé à faire confiance au génie local. Je tiens à vous dire que ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui sur le terrain.

Ce n'est pas ce qui se passe avec les écoles, auxquelles a été envoyé un protocole sanitaire de soixante pages, souvent inapplicable, qui crée de l'angoisse dans la communauté éducative et chez les parents.

Ce n’est pas ce qui se passe pour les transports, notamment scolaires : si l'on applique les directives, certains enfants ne peuvent pas être transportés. Et dans les EHPAD, les visites tant attendues ont presque toujours lieu à l'extérieur : il est dommage que nous n'ayons pas pu être consultés.

J'ajoute, monsieur le Premier ministre, qu'il faudra réussir le 2 juin. En effet, il ne s'agira pas d'appliquer un cadre homogène pour les bars, les restaurants, les sites touristiques et les sites culturels : il faudra une application territoire par territoire.

Face à ce virus avec lequel nous devons apprendre à vivre, et pour longtemps, nous n'avons pas besoin de circulaires-fleuves mais de cadrages concis. Très souvent, les élus locaux ont le sentiment que les services de l'État ne les considèrent pas comme des partenaires mais comme des exécutants, et se défaussent sur eux. La lutte contre la crise sanitaire doit être organisée par bassin de vie, en permettant aux territoires de faire du cousu main et en leur donnant une vraie capacité de décision en matière de calendrier, de périmètre et de modalités de déconfinement. Ils assumeront leurs responsabilités. En tout cas, monsieur le Premier ministre, je fais partie de ceux qui n'envisagent pas de se défausser.

Alors, êtes-vous prêt à donner de vraies marges de manœuvre aux territoires, qui sont en première ligne face à cette crise sanitaire et économique et qui sont les acteurs essentiels de la transformation économique du pays et de son rebond tant attendu ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, j'ai indiqué que nous ne pourrions trouver de solutions pratiques qu'en faisant confiance aux acteurs de terrain, dans le respect de la doctrine sanitaire – car croyez bien que si nous ne formulions pas de doctrine sanitaire, les critiques seraient au moins aussi nombreuses que celles que nous entendons aujourd'hui sur le fait qu'elle serait trop stricte. Nous avons donc fixé une doctrine sanitaire et essayé de répondre aux questions qui se posent le plus souvent.

Comme les ministres peuvent en témoigner, j'ai dit aux préfets et aux responsables de l'éducation nationale qu'il convenait de s'accorder localement sur les mesures les plus adaptées correspondant à l'esprit dans lequel nous avons indiqué qu'il fallait travailler.

Reconnaissez avec moi que certains des aspects de votre question sont intéressants. Vous me dites que dans les EHPAD ne s'appliquerait qu'une solution univoque. Mais, monsieur Vigier, ce n'est pas le Gouvernement qui détermine comment s'organisent, partout dans les EHPAD, les rencontres qu'il a autorisées ! Ce sont les directeurs des établissements qui prennent leurs responsabilités en disant ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Parfois, ils préfèrent que les réunions aient lieu à l'extérieur car cela leur paraît limiter les risques, et je les entends : faire confiance aux acteurs, c'est aussi leur dire que, lorsqu'ils prennent des décisions, ils ne se trompent pas !

Il existe certes des directives générales – que, du reste, ils demandent parfois eux-mêmes. Mais je ne pense pas qu'on puisse considérer qu'il est de la responsabilité du Gouvernement de donner des contraintes féroces aux directeurs d'EHPAD – qui obéissent d'ailleurs à de nombreux statuts différents – quant au déroulement des rencontres. Nous n'avons pas envoyé de protocole détaillé : au contraire, nous avons dit qu'il était important qu'il y ait des visites, mais également qu'elles soient très encadrées pour éviter un risque considérable. On ne peut pas dire autre chose.

Les directeurs d'EHPAD prennent donc leurs responsabilités. On trouve parfois qu'ils vont trop loin, parfois pas assez – l'appréciation est délicate – mais nous pouvons, vous comme moi, leur faire confiance pour trouver les bonnes solutions. Ils ont montré, dans la quasi-totalité des cas, et même dans la totalité, leur souci de faire face à une situation redoutablement complexe avec des personnes évidemment très fragiles. Nous pouvons leur reconnaître la capacité d'adaptation et d'interprétation. S'ils prennent parfois trop de mesures pour garantir la sécurité, ils le font parce qu'ils ont traversé un moment très difficile avec des personnes très fragiles. Même si vous ou certains pensent qu'ils pourraient aller un peu plus vite, on peut aussi, de bonne foi, se dire qu'ils n'ont pas tout à fait tort d'être encore plus prudents que ce dont, peut-être, ils pourraient se contenter.

Pour ce qui est de la capacité locale à se mettre d'accord, je maintiens ce que nous avons dit. Certes, des éléments de doctrine ont été formulés à propos de la reprise des écoles, et certes il y a des endroits où les maires et les directeurs d'école trouvent tout cela très difficile, mais reconnaissez avec moi qu'il y a aussi un très grand nombre d'endroits où les adjoints au maire chargés de ces questions, les directeurs d'école et les fédérations de parents d'élèves essaient de trouver le bon système.

En résumé, il ne faut pas dire que cette reprise ne doit avoir lieu nulle part sous prétexte qu'elle ne serait possible qu'à certains endroits. Il est possible, dans beaucoup d'endroits, de trouver les bonnes solutions. Lorsqu'elles seront trouvées, il y aura des retours à l'école, et chacun de ces retours sera une bonne nouvelle. Peut-être, dans certains endroits, cela sera-t-il un peu plus difficile, peut-être y aura-t-il un peu plus d'angoisse, et peut-être même parfois – je le dis très prudemment, car cela sera infiniment résiduel – cette angoisse pourrait-elle presque se traduire par de la mauvaise volonté. Je ne peux pas exclure que cela arrive parfois, dans une infinie minorité des cas. Mais je pense que partout, on arrivera à trouver la solution pour rouvrir les écoles et que chaque retour à l'école sera une bonne nouvelle pour les enfants concernés et pour notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Sébastien Jumel. C'est une réponse plus raisonnable que celle du ministre de l'éducation ! Et il donne moins de leçons.

Données clés

Auteur : M. Philippe Vigier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2020

partager