Modalités de l'état d'urgence sanitaire
Question de :
Mme Frédérique Dumas
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2020
MODALITÉS DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Monsieur le Premier ministre, hier, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Il vous a notamment contraint à accepter que le juge intervienne obligatoirement pour autoriser toute décision du préfet de mise en quatorzaine. Par la voix de Charles de Courson, le groupe LT vous avait proposé un amendement allant précisément dans ce sens. Quand allez-vous écouter et surtout entendre ?
La volonté de remettre en cause la place du juge dans le contrôle de mesures attentatoires aux libertés publiques est malheureusement récurrente. Vous avez été sanctionné naguère à ce propos lors du contrôle de constitutionnalité de la loi, dite « anticasseurs », visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, vous venez encore de l'être pour l'état d'urgence sanitaire et vous le serez sans doute demain concernant la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, que vous apprêtez à faire adopter. Soit il s'agit d'une volonté systématique et délibérée de remettre en cause ce qui fonde notre droit depuis deux siècles, ce qui serait grave, soit il s'agit de précipitation, et ce le serait tout autant. Le principe non négociable de l'intervention du juge en amont, et non en aval, devrait être votre boussole.
Cette affaire illustre en outre un manque d'anticipation : le confinement aurait dû être mis à profit pour que, une fois levé, le pays puisse mieux faire face à la menace sanitaire. Or le Président de la République a rendu cet objectif presque inatteignable en donnant, le 13 avril dernier, la date du 11 mai pour le début des travaux. Dans la vraie vie, pour n'importe quel chantier, ce serait impossible.
De ce fait, les 700 000 tests hebdomadaires annoncés ne seront pas disponibles. En outre, les brigades sanitaires, telles qu'elles nous sont présentées, sont bien éloignées de l'expérience pilote du professeur Piarroux à la Pitié Salpêtrière, qui mettait l'humain au cœur du dispositif mais dont la généralisation aurait exigé la présence sur le terrain de dizaines de milliers de personnes formées pour accompagner les personnes contaminées.
Par ailleurs, il vous appartient que des efforts supplémentaires soient fournis pour que les mesures de distanciation dans les réseaux de transports puissent être plus facilement respectées. Pourquoi les services de transports du quotidien, notamment ceux de la RATP, ne fonctionnent-ils pas à 100 % de leurs capacités ? Pouvez-vous répondre précisément à cette question ? Une utilisation complète des capacités de circulation aurait une double vertu : les transports publics seraient moins remplis si les rames étaient plus nombreuses ; les travailleurs de ces services, actuellement au chômage partiel, pourraient retrouver leur salaire plein.
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, madame Dumas, pour votre question si encourageante, qui nous va droit au cœur (Sourires), à l'heure où nous avons décidé de lever progressivement les conditions du confinement, afin que les Français retrouvent la vie familiale, sociale et économique qui leur a beaucoup manqué.
Les choses ne sont certes pas simples, nous n'avons jamais eu la prétention de dire qu'elles le soient. Néanmoins, sachez que nous mettons tout en œuvre pour assurer la sécurité des Français, objectif que nous partageons, je crois.
Vous avez posé beaucoup de questions. Je n'évoquerai pas en détail la décision du Conseil constitutionnel, si ce n'est pour noter qu'elle demande des ajustements sur la place du juge, sans remettre en question les dispositions du texte relatives à la garantie des libertés.
Nous avons passé ensemble, mesdames et messieurs les députés, deux jours au cours desquels nous avons abondamment débattu. Vous avez amélioré, enrichi et précisé le texte, comme les sénateurs l'avaient fait avant vous. Grâce à ce travail, la décision du Conseil constitutionnel est totalement conforme à ce que nous avions prévu de faire pour lever le confinement dans notre pays. La validation de l'article 6, en particulier, est importante, car elle nous permettra de nous doter des outils numériques dont nous avons besoin pour être en mesure de pratiquer 700 000 tests par semaine et surtout pour nous assurer que chaque test bénéficie à l'ensemble des acteurs de la filière de soins, afin de casser les chaînes de contamination et de protéger les Français.
Quant aux conditions de reprise des transports, notamment à l'attribution de masques, nous nous y étions engagés : c'est fait.
Enfin, depuis hier, nous pouvons collectivement constater que, hormis les rassemblements observés çà et là – justifiant à mes yeux la nécessité de maintenir fermés parcs et jardins publics dans les zones rouges du territoire, où le virus circule le plus –, le début du déconfinement se déroule dans le calme, la gravité et le sérieux. Les Français ont parfaitement compris que l'épidémie n'est pas derrière nous et qu'il faut être très prudent dans la marche vers le déconfinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Auteur : Mme Frédérique Dumas
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2020