Stratégie de déconfinement dans l'éducation nationale
Question de :
Mme Sabine Rubin
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 20 mai 2020
STRATÉGIE DE DÉCONFINEMENT DANS L’ÉDUCATION NATIONALE
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, contrairement à vos déclarations, la reprise de l'école est loin d'être satisfaisante. Le plan de déconfinement touche à peine 10 % des élèves, et pas même les fâcheux « décrocheurs » ciblés par la reprise.
M. Maxime Minot. Eh oui ! Très juste !
Mme Sabine Rubin. Tous les enseignants partagent le même sentiment : une inquiétude, nourrie d'incertitudes, que de nouvelles consignes obligent à taire. Pourtant, comment ne pas avoir de craintes ? Des enfants parqués toute la journée devant des professeurs masqués ; des enfants privés de toute la socialisation de l'école et de l'apprentissage ; et 90 % d'entre eux laissés à distance.
Au risque de vous surprendre, nous pensons aussi que la reprise est essentielle. Écouter, repérer les difficultés de chacun et y remédier : avec cet objectif de départ, tous les élèves sans distinction auraient dû bénéficier de la reprise, car tous méritent de l'attention.
M. Maxime Minot. Tout à fait ! Ce ne sont pas les décrocheurs qui reviennent actuellement dans les classes !
Mme Sabine Rubin. Une reprise au rythme progressif ; une reprise de contact, surtout, d'une ou deux demi-journées par semaine, pour éviter la fatigue, les pauses méridiennes et la cantine ; une reprise par petits groupes, aux tailles adaptées selon l'âge et le nombre d'élèves par classe – malheureusement les plus surchargées d'Europe. Pour les élèves des familles contraintes d'aller travailler, comme pendant le confinement, ce seraient les fameux temps d'étude et d'ateliers sportifs ou culturels payés par l'État.
Votre plan inquiète, monsieur le ministre, car il laisse entrevoir votre vision de l'école d'après : une école à deux vitesses, la garderie éducative pour les uns, l'enseignement d'excellence à distance pour les autres.
Pour la justice sociale que vous prônez, l'éducation a aussi besoin d'un plan d'urgence : des classes moins surchargées, des enseignants revalorisés, des RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – en nombre, des AESH – accompagnants d'élèves en situation de handicap – vraiment formés, des assistantes sociales, des psychologues, des médecins, des infirmières, des ordinateurs aussi, et surtout moins de bureaucratie. Êtes-vous prêt à entendre cette urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Votre intervention me désarçonne quelque peu, car je pourrais être d'accord avec les trois quarts de son contenu. Vous avez décrit un déconfinement idéal, qui se trouve être exactement ce que nous avons entrepris : un déconfinement progressif – à rebours, d'ailleurs, de ce que vous préconisiez il y a encore quelques semaines –…
M. Erwan Balanant. Eh oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …et social, puisque nous cherchons à faire revenir en premier les élèves les plus défavorisés. Nous avons donc plus besoin du discours positif de ceux qui attendent réellement le progrès social…
M. Patrick Hetzel. Nous avons plutôt besoin d'actes !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …que des critiques systématiques de ceux qui n'attendent que des discours sur le social.
M. Maxime Minot. On ne peut rien vous dire ! On ne vit pas dans le monde des Bisounours !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Nous avons tout simplement besoin de faire revenir progressivement les élèves.
J'entends facilement les discours critiques – et je constate d'ailleurs que, dès qu'il s'agit de critiquer, la gauche et la droite sont capables de s'allier.
M. Maxime Minot. Oh, oh ! Il faut être capable d'entendre la critique ! On n'est pas dans un monde de bisounours ! On a tout de même le droit de plaisanter !
M. Julien Aubert. Qu'avez-vous contre l'humour de droite ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne vous fâchez pas, collègues !
M. Pierre Cordier. Elle est où, ta majorité ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Mais ceux que nous fédérons réellement aujourd'hui sont ceux qui ont les manches retroussées, c'est-à-dire, contrairement aux prévisions en la matière, plus de 90 % des maires ! Aujourd'hui, des personnes assurent le retour à la scolarisation des élèves que vous préconisez.
Bien entendu, il reste une série de problèmes qu'il convient de regarder en face et de traiter. Pour cela, notre vision consiste à permettre le retour des publics qui en ont besoin. Par exemple, pas moins de 300 000 enfants sont élèves de CP – classe préparatoire – et CE1 – classe élémentaire 1 – en réseau d'éducation prioritaire – REP – ou réseau d'éducation prioritaire renforcé – REP +. Ils sont donc dans des classes comptant douze élèves et, dès lors que nous parvenons à convaincre les familles de les ramener à l'école, nous pouvons les accueillir dans les conditions habituelles. Ce travail de conviction, nous le menons aujourd'hui avec les assistantes sociales de l'éducation nationale et des départements. J'ai rencontré ce matin les présidents des associations d'élus : tous courants politiques confondus, ils sont évidemment d'accord pour mener ce travail avec l'éducation nationale.
Sur ces sujets, il n'y a donc aucune vaine polémique à rechercher…
M. Maxime Minot. C'est vous qui créez la polémique ! Cessez la calomnie et cela ira mieux !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …mais bien un esprit d'unité nationale pour ramener les enfants à l'école. Je serai clair : toutes les théories qui tendent à dire, comme vous l'avez fait, qu'il aurait fallu attendre septembre pour la réouverture des écoles – voire plus encore, comme me le disait encore ce matin un député –…
M. Maxime Minot. Vous pouvez donner mon nom, j'assume !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …sont antisociales. Aujourd'hui, tout ce que nous avons à faire est d'aider les élèves à retrouver une vie aussi normale que possible à l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Nous n'avons pas changé d'avis, mais nous avons écouté ce qui a été dit lors de vingt auditions ! Ensuite, nous appelions à une reprise au rythme progressif, et non échelonnée dans le temps. Enfin, nous n'attendions pas une reprise pour seulement 10 % des élèves, mais bien une reprise pour tous. (MM. Jean-Luc Mélenchon et Maxime Minot applaudissent.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mais ce ne sont pas seulement 10 % !
Auteur : Mme Sabine Rubin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2020