Lutte contre l'épidémie de covid-19 en Guyane
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 20 mai 2020
LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19 EN GUYANE
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, je relaie la question de notre collègue Gabriel Serville, qui s'inquiète de la situation explosive à la frontière franco-brésilienne. En effet, la commune de Saint-Georges, dont 2 % de la population est touchée par le virus, est désormais le plus grand foyer épidémique de la région, en raison de l'explosion du nombre de cas dans l'État voisin, le Brésil. En effet, 4 000 cas de covid-19 et 120 décès y ont déjà été recensés, et la ville frontalière d'Oiapoque a ainsi été placée en état de calamité publique en raison de l'absolue précarité du système de santé local, qui ne dispose ni du personnel, ni du matériel suffisant pour faire face à la crise.
Aussi, si nous saluons le confinement de Saint-Georges et Camopi, ainsi que la décision de tester tous les habitants, cela ne sera pas suffisant. En effet, l'approvisionnement en réactifs est difficile et les modes de vie traditionnels des populations riveraines rendent compliquée l'observation des mesures de distanciation sociale. De plus, l'hôpital le plus proche se trouve à trois heures de route et le système public de santé est totalement défaillant. Enfin, la porosité notoire de la frontière et la politique défaillante du président Bolsonaro finissent de nous faire craindre le pire.
Dès le 1er février, Gabriel Serville vous alertait sur la nécessité d'instaurer des mesures renforcées à la frontière brésilienne. Aujourd'hui, les Guyanais paient le prix de l'inaction face à des signes pourtant évidents. Monsieur le Premier ministre comptez-vous redéployer à la frontière franco-brésilienne une partie des moyens mobilisés à Mulhouse, comme vous l'avez fait pour Mayotte ? Comment comptez-vous faire face à l'afflux de cas et éviter le risque qui plane aujourd'hui d'une contagion des communes du littoral ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Chassaigne, je réponds bien volontiers à la question de votre collègue Gabriel Serville. La situation épidémiologique de la Guyane que vous venez de décrire, notamment à la frontière avec le Brésil, nous rappelle que nous devons, collectivement, être vigilants et réactifs s'agissant du déconfinement que nous avons organisé, et de l'observation des spécificités de tous les territoires de la République. Certains, par leur éloignement géographique, par leur caractère frontalier ou insulaire, peuvent parfois être soumis à des conditions très particulières.
Comme vous le savez, la Guyane est parvenue à limiter la pandémie au stade 2, grâce au confinement strict et aux très fortes restrictions de transports vers le territoire que nous avons instaurés. Ainsi, nous ne déplorons à ce jour qu'un seul décès lié au covid en Guyane. Mais nous savons aussi qu'elle a connu une succession de foyers épidémiques, comme ceux qui ont touché le village Cécilia et les écarts de Grand-Santi. Chaque fois, les services de l'État et l'ensemble de ses partenaires ont engagé des mesures qui ont permis l'identification des cas contacts et la réalisation de tests. Compte tenu des conditions particulières de logement, les autorités sanitaires proposent aux personnes atteintes par le virus de vivre leur quarantaine dans un site collectif spécifique, pour éviter la propagation du virus. En effet, les conditions d'habitation rendent cette propagation plus rapide en Guyane qu'ailleurs. Je tiens à saluer les services de l'État, les collectivités et l'ensemble des professionnels de santé qui participent à la chaîne de réaction et obtiennent des résultats.
Les mesures que je viens de présenter ont été appliquées à Saint-Georges-de-l'Oyapock, où la situation, comme vous l'avez justement fait remarquer, est sérieuse : la découverte de nombreux cas, concentrés dans les quartiers ayant maintenu des liens très réguliers avec la rive brésilienne, a déclenché une intensification de la réponse sanitaire. Nous avons maintenu le confinement après le 11 mai à Saint-Georges et, dès le 12 mai, nous l'avons étendu à Camopi de manière préventive. Une campagne de dépistage général a été lancée le lundi 18 mai. Le dispensaire de Saint-Georges a vu ses effectifs renforcés de huit personnels de santé, et la mobilisation de la réserve sanitaire lui permettra d'atteindre soixante-dix personnels médicaux et paramédicaux. Des brigades composées de médiateurs et de bénévoles associatifs ont été créées pour distribuer l'aide alimentaire, diffuser les messages de prévention et proposer des masques en tissu à toute la population – plusieurs milliers en ont ainsi été distribués samedi.
Nous devons bien entendu porter une attention particulière aux fleuves-frontières qui, bien souvent, sont des lieux d'échange. Pas moins de 4 000 cas de covid ont été diagnostiqués de l'autre côté de la rive, dans l'État brésilien de l'Amapá, en particulier dans la ville frontière d'Oiapoque, et il y en a peut-être bien plus. Le 19 avril dernier, le préfet avait réquisitionné les forces armées de Guyane pour appuyer la police aux frontières, dans le cadre de l'opération dite Résilience. En coordination avec les douanes et la gendarmerie, la mission a permis de contrôler la frontière en continu. Des moyens d'interception, arrivés en renfort, permettent de contrôler le fleuve, entre Saint-Georges et Oiapoque : tout accostage de pirogues sur la berge française est interdit et, sur le pont, les passages sont strictement réglementés et limités à des motifs exceptionnels. La fermeture de la frontière s'accompagne d'échanges réguliers avec les autorités locales brésiliennes, notamment au titre de la coopération sanitaire. Je vous informe, monsieur le président Chassaigne, que nous avons organisé la livraison de matériel médical, comme des bouteilles d'oxygène, même si, je suis obligé de le concéder, il est limité en nombre. Néanmoins, les bouteilles d'oxygène permettent, par exemple, d'intuber les patients en détresse respiratoire dans les services sanitaires côté brésilien. Telles sont les actions que nous menons.
Je ne nie pas et je ne nierai jamais la difficulté de la tâche s'agissant d'une frontière aussi vaste et poreuse, surtout compte tenu de la situation sanitaire de l'autre côté de la frontière, dont tout indique qu'elle est extrêmement sérieuse. Ne nous payons pas de mots : indiquons ce que nous faisons de notre côté de la frontière – et vous comprendrez bien, monsieur le président, qu'il ne s'agit pas de dire ce qu'il faudrait faire de l'autre côté –, et mobilisons les moyens nécessaires, comme nous avons commencé et comme nous continuerons à le faire, pour apporter des réponses à cette partie, même si elle est lointaine, de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2020