Accès à l'interruption volontaire de grossesse
Question de :
Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 3 juin 2020
ACCÈS À L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Depuis plusieurs semaines, gynécologues, obstétriciens, Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, planning familial ou encore parlementaires de tous bords se mobilisent afin de faire connaître les difficultés rencontrées par de nombreuses femmes pour avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Pendant le confinement, pour éviter la contamination de leurs équipes, les plannings familiaux ont été obligés de fermer leurs portes et de fonctionner en service minimum, s'efforçant de répondre au mieux aux demandes des femmes. En outre, la plupart des hôpitaux observent une baisse d'activité en matière d'IVG. Par ailleurs, le planning familial relève une augmentation de 184 % des demandes d'IVG hors délai. Il ne fait pas donc pas de doute que le confinement a dans ce domaine des effets délétères, qui se feront sentir encore plusieurs semaines.
Vous avez instauré un numéro vert, facilité la téléconsultation ou encore allongé le délai de réalisation des IVG médicamenteuses hors milieu hospitalier ; je m'en réjouis, mais cela demeure évidemment insuffisant. Il est indispensable que chaque femme puisse disposer d'une solution adaptée à sa situation personnelle ; l'IVG médicamenteuse est une réponse mais ne saurait constituer à elle seule la solution.
Nous avons proposé à plusieurs reprises que pendant la durée de l'état d'urgence et jusqu'à trois mois après sa cessation, l'IVG puisse être pratiquée au minimum jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.
Cette mesure, proposée à titre exceptionnel et correspondant au respect du droit à l'IVG, déjà très inégal en période ordinaire, s'est pourtant toujours heurtée à un refus du Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin autoriser cette mesure répondant à la détresse qui s'exprime et éviter que la crise sanitaire n'entraîne un recul du droit des femmes durement acquis ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Il n'est pas question que la période de confinement puisse conduire à un recul des droits des femmes. Mais vous le savez, l'épidémie de covid-19 a mis sous tension notre système de santé et nous a contraints à déprogrammer de nombreuses activités hospitalières et, le cas échéant, à reporter des soins non urgents.
Dans ce contexte, nous avons craint, vous avez craint, plusieurs associations, telles que le planning familial, ainsi que les professionnels, ont craint que des difficultés d'accès à l'avortement surviennent.
À l'Assemblée nationale comme au Sénat, des parlementaires se sont fait l'écho de ces difficultés, comme vous venez de le faire. En réponse, le Gouvernement – le ministère de la santé bien évidemment et le secrétariat d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes – a agi très rapidement : de façon dérogatoire, pendant l'état d'urgence sanitaire, nous avons adopté plusieurs mesures – vous en avez rappelé quelques-unes.
Nous avons permis la réalisation de l'ensemble des consultations obligatoires par télémédecine, y compris la consultation de prise de pilule contraceptive. Pour garantir le secret des avortements pour les jeunes filles mineures, nous avons modifié les attestations de déplacements en période de confinement. Pour simplifier davantage les démarches, le ministre des solidarités et de la santé a demandé à la Haute autorité de santé si nous pouvions allonger la période durant laquelle il était possible de réaliser un avortement médicamenteux hors hôpital.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Faisons-le !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Le 10 avril, la Haute autorité de santé a rendu un avis favorable à l'utilisation de la pilule abortive jusqu'à la neuvième semaine d'aménorrhée…
Mme Valérie Rabault. Elle l'a déjà dit.
M. Boris Vallaud. Répondez à la question !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . …contre sept semaines en temps normal. Le 14 avril, nous avons pris un arrêté allongeant le délai d'avortement médicamenteux.
Nous entendons que certains au Sénat, dans vos rangs notamment, ont souhaité, dans le cadre de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions urgentes, aller plus loin dans la période de crise et allonger le délai de l'IVG. Cela a été dit et je vous le répète : le Gouvernement est défavorable à une telle disposition et au fait qu'elle s’inscrive dans ce cadre.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Mais ce sont deux semaines !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . C'est un débat plus large et plus global qui doit être mené.
Par ailleurs, des activités hospitalières ont repris depuis le 11 mai, fort heureusement. En ce qui concerne l'état d'urgence sanitaire, les dispositifs que nous avons pu instaurer visent à répondre à ces difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Évidemment, votre réponse ne me satisfait absolument pas. Je conduis avec Cécile Muschotti une mission sur l'accès à l'IVG, qui est déjà très inégal en France. Là, on ne fait qu'accentuer les inégalités. Les réponses apportées sont totalement insuffisantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Interruption volontaire de grossesse
Ministère interrogé : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Ministère répondant : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2020