Question au Gouvernement n° 3041 :
Stratégie de sortie du confinement

15e Législature

Question de : M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 2020


STRATÉGIE DE SORTIE DU CONFINEMENT

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, vous l'avez vous-même souligné en annonçant la deuxième phase du déconfinement : la situation sanitaire s'est fortement améliorée, même si l’on déplore près de 30 000 morts – et j'ai une pensée pour notre collègue Claude Goasguen.

Il nous faut désormais continuer d'apporter des réponses concrètes, puissantes, à la hauteur des conséquences désastreuses que va continuer de produire cette crise et penser dès aujourd'hui la troisième étape du déconfinement.

Je pense aux conséquences économiques, en particulier pour les secteurs de l'hôtellerie, des bars, des restaurants, du tourisme : nous savons tous qu'avec les mesures de distanciation physique, de très nombreuses entreprises ne pourront pas survivre.

Je vous pose donc trois questions précises : à quelle échéance envisagez-vous une reprise de ces activités dans les conditions normales ? Allez-vous instaurer des aides ciblées – exonération de charges pour les bars et les restaurants – de manière à accompagner ces entreprises dans la phase transitoire ? Enfin, alors que l'interdiction de circuler a été levée partout en France, allez-vous supprimer le décret qui limite de manière incompréhensible le transport aérien entre la Corse et le continent, mettant à mal l'économie corse ?

Vous parlez des conséquences sociales de cette crise et plus particulièrement de l'école. Vous avez fait le choix de rouvrir progressivement les écoles sur la base du volontariat, afin de ne pas abandonner les enfants des familles les plus fragiles. Si cette décision pouvait se comprendre, elle n'est aujourd'hui plus tenable : tout d'abord parce que sur le terrain, on constate que ce sont souvent les élèves les plus en difficulté qui sont restés éloignés de l'école, ensuite parce qu'il est inconcevable que la rentrée puisse s'effectuer dans ces conditions, que ce soit pour les classes ou pour les transports scolaires. Mes questions seront donc simples : quels seront les principes d'organisation de la rentrée scolaire ? Quelles mesures de soutien envisagez-vous pour les enfants qui malheureusement ont le plus pâti de ces mesures ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous posez beaucoup de questions et elles sont bonnes ; je les comprends parfaitement.

Vous insistez d'abord sur l'hôtellerie, les cafés et les restaurants, sur ce secteur qui est particulièrement touché par la crise sanitaire que nous venons de traverser, puisqu’il a été, s'agissant des cafés et des restaurants, interdit d'exercer pendant de longues semaines.

S'agissant de l'hôtellerie, l’activité n'a pas été formellement interdite, mais par définition, dès lors qu'il n'y avait pas de restauration et peu de déplacements, il était compliqué de faire fonctionner ces établissements.

Ce secteur a donc payé un très lourd tribut à la crise sanitaire et, même si des mesures puissantes – elles ont été saluées comme telles par les représentants de la profession – ont été prises pour permettre à l'ensemble des acteurs de passer cette étape, les conditions de la reprise sont à certains égards presque plus inquiétantes pour la profession dans son ensemble. Parce que, lorsque le loyer est d'un niveau tel que l'organisation de l’activité, avec moitié moins de couverts, rend la tâche quasi impossible pour arriver au point mort, voire pour commencer à gagner des sous, vous savez que vous allez avoir un problème au redémarrage.

Je veux dire plusieurs choses à ce sujet. Tout d'abord, nous avons pris des mesures pour permettre aux acteurs de passer l'étape ; le ministre de l'économie et des finances, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, tous les membres du Gouvernement, ainsi que ceux qui s'intéressent à l'avenir de ce secteur, tous, nous avons dit que ces mesures avaient vocation à durer jusqu'à la fin de l'année.

Nous voulons continuer à aider ce secteur pour qu'il puisse passer cette étape très difficile. D'abord parce que c'est parfaitement légitime, ensuite parce que c'est une force de notre pays, l’un des éléments de son attractivité et, si j'ose dire, de la façon de vivre collective qui est la nôtre et à laquelle nous sommes très attachés. Il faut donc que nous l’aidions. Ces mesures se poursuivront jusqu'à la fin de l'année, puisque ce secteur subit encore l’impact de l'épidémie.

Deuxièmement, nous avons procédé à un déconfinement progressif, je l'assume, pour des raisons sanitaires. Dans les départements verts qui sont l'immense majorité des départements français, on peut désormais fonctionner, avec des règles sanitaires évidemment beaucoup plus lourdes que celles qui prévalaient avant le confinement, mais on peut recommencer à fonctionner. Chacun a fait l'expérience aujourd'hui du plaisir évident qu'il peut y avoir à retrouver les cafés et les restaurants, le moment venu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas à l'Assemblée !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Dans les zones dites orange – pour l'essentiel, en Île-de-France, à Mayotte et en Guyane – les règles de fonctionnement de ces services ne sont pas encore aussi favorables que celles qui prévalent dans les départements verts, parce que le virus y circule un peu plus et que nous voulons limiter au maximum les risques, pour des raisons que chacun peut parfaitement comprendre.

Quand les conditions redeviendront-elles normales ? Vous me posez une question, monsieur Vigier, à laquelle je peux difficilement répondre. Je peux indiquer ceci : nous avons toujours procédé par étapes de trois semaines. Si tout se passe bien, ce que nous espérons et ce que le passé récent nous laisse espérer, alors le 21 ou le 22 juin, on pourra peut-être, je l'espère, recommencer à fonctionner dans les zones orange comme aujourd'hui on fonctionne dans les zones vertes. Ce sera déjà une avancée majeure.

Quand pourrons-nous abaisser les règles d'exploitation sanitaires qui ont été imposées ? Je ne le sais pas encore exactement, parce que je ne veux pas nous placer collectivement dans une situation où l'épidémie pourrait repartir avant que nous ne le voyons. Nous allons donc probablement commencer l'été avec des règles sanitaires plus strictes que celles qui prévalaient avant le confinement. L'objectif, encore une fois, est d'accompagner ces secteurs pour franchir cette étape et de leur redonner leur attractivité.

Vous avez posé une question sur la Corse et sur la rédaction d'un décret qui établit une équivalence entre les transports maritimes et les transports aériens. Vous avez parfaitement raison de le faire, le décret sera corrigé dans le bon sens dès ce soir.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Enfin, s'agissant de l'école, la question est délicate ; plus exactement, elle est grave. J'ai eu l'occasion de le dire plusieurs fois et je le crois profondément : de tous les défis et de toutes les bombes à retardement – j’ai parfois utilisé ces termes que j’assume, bien que je ne sois pas sûr qu’ils soient les meilleurs – qui nous sont laissés par cette crise sanitaire, la bombe à retardement pédagogique n'est pas la moins importante ni la moins dangereuse.

M. Fabien Di Filippo. C'est vous qui l'avez allumée.

M. Édouard Philippe, Premier ministre . La déconnexion complète, le décrochage d'une certaine façon, l'absence de lien réel entre un très grand nombre d’enfants, de collégiens, de lycéens, et l'école aura un coût humain, un coût pédagogique, un coût intellectuel et un coût social. C'est évident.

Nous essayons, avec beaucoup de modestie et d'humilité, d'encourager très vivement les professeurs à identifier ceux qui, dans telle ou telle classe, ont le plus besoin de renouer ce lien – et je crois que dans beaucoup de cas, les professeurs le font. Cela n'est pas forcément une question sociale et cela doit toujours être une priorité pédagogique. Dans n'importe quelle classe, on peut identifier les enfants qui auront plus de problèmes que d'autres si le lien physique avec l'école n'est pas rétabli rapidement.

Cela ne signifie naturellement pas que les autres enfants ne sont pas importants, mais il faut essayer, dans cette période de crise, de s’attacher aux priorités pédagogiques – et la priorité est bien là.

Il faudra ensuite, à mesure que la crise évolue, desserrer l’étau des conditions sanitaires d’accueil dans les écoles, sans risque et progressivement, de façon à permettre le retour d’un plus grand nombre d’enfants.

Il existe enfin une troisième raison que j’ai déjà exposée la semaine dernière ici même et que je répète en toute clarté : alors que les classes reprennent, il faut s’interroger sur le caractère pratique de cet accueil pour les parents. En proposant des demi-journées ou des journées alternées, on place en quelque sorte les parents et leurs employeurs dans des situations quasi impossibles à gérer. L’impératif premier est pédagogique mais, dans les circonstances que nous connaissons, il me semble que nous devons aussi prendre en considération cette autre nécessité d’intérêt général de sorte que l’accueil des enfants y réponde également.

La préparation de la rentrée de septembre sera une grande affaire, un chantier de grande envergure qui donnera lieu à un travail intensif au sein du ministère avec, je l’espère, les élus locaux, évidemment intéressés par les arbitrages qu’il nous faudra faire. Nous souhaitons tous que la rentrée se passe dans les meilleures conditions sanitaires et pédagogiques mais, d’ici là, nous avons encore beaucoup de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Vigier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2020

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