Lutte contre les violences intrafamiliales
Question de :
M. Aurélien Pradié
Lot (1re circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 10 juin 2020
LUTTE CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES
M. le président. Pour la dernière question, la parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié. Madame la garde des sceaux, je ne sais pas si c'est votre cas mais moi, j'ai honte. J'ai honte d'avoir découvert, le 27 juin dernier, un décret publié en catimini et signé de votre main qui acte un incroyable recul dans la protection des femmes victimes de violences.
M. Maxime Minot. Eh oui !
M. Aurélien Pradié. Le 15 octobre dernier, j'ai eu l'honneur de défendre devant notre assemblée, un texte, adopté à l'unanimité, qui permettait enfin de passer des paroles aux actes en accélérant les procédures et en généralisant le bracelet anti-rapprochement.
Qu'avez-vous fait de cette loi ? Depuis le 1er janvier, date de son entrée en application, combien de bracelets anti-rapprochement ont-ils été achetés par la France ? Combien de ces salopards se sont-ils vu imposer le port de ce bracelet ? Aucun, zéro, rien.
Non seulement vous n'avez pas avancé, mais vous avez régressé. Notre loi fixait à six jours le délai maximum pour qu'une ordonnance de protection soit délivrée à une femme en danger. Or votre décret vient détruire cette avancée car vous venez de fixer une nouvelle contrainte intenable : vous demandez aux victimes de payer elles-mêmes, de leur poche, un huissier pour notifier à l'auteur des violences la procédure ouverte à son encontre, dans un délai de vingt-quatre heures !
M. Maxime Minot. C'est une honte !
M. Pierre Cordier et M. Fabien Di Filippo . Scandaleux !
M. Aurélien Pradié. Vous demandez aux victimes de convoquer elles-mêmes leur propre bourreau. Et si les victimes ne tiennent pas ce délai intenable de vingt-quatre heures, vous osez annuler la procédure. Vous tuez l'ordonnance de protection.
M. Maxime Minot. C'est dégoûtant !
M. Aurélien Pradié. Ma colère, je ne la retiendrai pas. C'est la colère de ces milliers de femmes en danger qui vous entendent dire blanc et vous voient faire noir, qui voient une secrétaire d'État, encore absente cet après-midi, bavasser sur les plateaux de télévision (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM) alors que l'essentiel n'est jamais fait. C'est la colère d'un député qui a défendu une loi et qui vous voit la défaire.
Madame la garde des sceaux, je vous demande solennellement de retirer ce décret sur-le-champ. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI, GDR, LT et EDS ainsi que parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Pradié, les mots cinglants n'ont jamais fait une politique publique, les vôtres pas plus que d'autres. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je tiens à vous dire ici que c'est parce que le Gouvernement a la volonté de lutter contre les violences faites aux femmes que tous les tribunaux se sont mis en ordre de marche pour délivrer les ordonnances de protection en plus grand nombre cette année, et que le nombre de féminicides – chacun d'eux étant un drame – tend à décroître. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Voilà ce que nous voulons continuer à faire.
Dès demain matin, avec la haute fonctionnaire chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes du ministère de la justice, je réunirai les associations et les professionnels afin de pouvoir mettre en œuvre les dispositions qui ont été adoptées par le Parlement dans la loi du 28 décembre dernier, notamment la possibilité de délivrer les ordonnances de protection en six jours.
C'est à cet effet que nous avons pris un décret, que nous avons prévu de tout mettre en œuvre pour que ces ordonnances soient délivrées dans le respect du principe du contradictoire, et proposé un texte qui donne un délai pour informer le défendeur.
Si les associations, les professionnels et le comité de pilotage que je viens de mettre en place nous disent que ce n'est pas réalisable en pratique,…
M. Aurélien Pradié. C’est évident ! Nous en avons discuté ici même !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . …je n'aurai aucune hésitation : je modifierai ce texte au plus vite. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié. Madame la garde des sceaux, les actes faibles n'ont jamais fait une politique publique. Vous bricolez. Nous connaissons les solutions : retirez ce décret qui neutralise les ordonnances de protection et faites confiance au travail que nous avons déjà effectué ici, au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je suis vraiment désolée, mais le mensonge n'est pas une politique ! Ce que nous construisons, nous le faisons pour les femmes et d'abord pour elles ! C'est notre seul objectif, notre seule boussole ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Aurélien Pradié. C'est une honte !
Auteur : M. Aurélien Pradié
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juin 2020